Claude Le Dolédec – II. Saisons – Le chemin des écoliers :

« Un bel après-midi d’hiver, j’attrape mes outils de taille et je prends la direction du verger. Je traverse la cour de la ferme où les hommes s’activent et préparent le matériel pour les prochains semis de printemps. Je longe l’herbage, j’entends le galop de la jument qui vient me saluer dans l’attente d’une friandise, le morceau de pomme caché au fond de ma poche. Je rejoins le bois qui me sépare du verger. Je ralentis le pas et savoure ce moment. Ce petit bout de chemin est comme un refuge. Je suis proche de la ferme, de son agitation et pourtant j’ai le sentiment, à chaque fois, d’être à l’autre bout du monde, à l’abri sous la voûte des arbres, protégée. Je m’écarte pour aller voir les ruches alignées dans la clairière, quelques abeilles virevoltent, mais tout semble endormi à cette période de l’année. Je retrouve le sentier tout en regardant la cime des arbres. Je repère l’emplacement des nids habituellement dissimulés par le feuillage. Je m’arrête un instant, à l’écoute des bruits, du vent dans les branches, des oiseaux. J’entends le frottement de mes pas sur les feuilles. Je débouche sur le verger. Les milliers d’arbres alignés tracent, eux aussi, une multitude de passages parmi lesquels je vais commencer mon travail.
Pourquoi prendre un autre trajet ? J’ai besoin d’emprunter celui-là avant de commencer ma journée de taille. C’est un rituel. Je pourrais passer par la route, cela irait plus vite, ce serait plus rationnel. Mais je préfère prendre le temps. On dit que les arbres nous donnent de l’énergie : bon prétexte pour garder cet itinéraire. Les jours de spleen ou de colère, je sais que mes pas me conduiront vers le chemin du petit bois et je sais aussi que j’en reviendrai apaisée. »

Mireille Cadiou – III. Travaux – Les gants (p. 90-91)
Agnès Gosselin – IV. Vacances – Tourismes (p. 112-113)
Extrait court