Le lac Titicaca et les marchés boliviens :
« Peu à peu, la rue m’entraîne dans l’ivresse de son grouillement humain, où tous les petits commerces se mêlent à la magie populaire et aux croyances ancestrales. On peut se laisser emporter, et confier sa vie aux devins qui lisent le destin dans les précipitations de plomb en fusion durci par l’eau froide, ou avoir la chance de rencontrer une sorcière Callahuaya qui trouvera des étoiles dans les entrailles d’un cochon d’Inde ou sur une pluie de feuilles de coca jetées sur un vieil aguallo. Après cette lecture à livre ouvert, on peut aller acheter sur les étals de la rue Linares des amulettes : des fœtus de lama pour la fertilité du foyer, l’equeco – personnage chargé de nourriture et d’argent qui attire la fortune –, le mono en pierre – singe de la joie –, le couple munay pour que les célibataires trouvent l’amour, l’incienso – laine de couleur lacée dans les objets de vos désirs, le tout mêlé à la coca et à l’encens pour être offerts à la bouche béante de la Pachamama et attirer les bons esprits. Toutes ces superstitions font partie de la vie quotidienne du Bolivien, qui fait cohabiter les croyances polythéistes et leurs divinités tutélaires avec la religion catholique. Ce mysticisme s’est adapté à la modernisation de la société bolivienne. À une centaine de kilomètres de La Paz, sur la place du village de Copacabana, face au grand sanctuaire, un curé en soutane baptise des voitures, des camions et des autobus venus des quatre coins du pays, souhaitant une longue vie aux véhicules et à leurs propriétaires !
Plusieurs fois dans l’année, les commerçants procèdent à un acte rituel sur le maigre espace de leur stand. Le vendeur de cigarettes à l’unité, dont tout le magasin pourrait entrer dans une cagette, le croque-mort envahissant la rue avec son lugubre cortège de cercueils pour enfant, la marchande de tapis qui s’applique à décorer chaque matin les façades de la rue Linares avec de véritables œuvres d’art faites de tissus anciens, fajas, ceintures d’apparat et ponchos de cacique ; tous tracent sur le sol les limites de leur modeste territoire : caisses de bières, sacs de feuilles de coca, serpentins, confettis, farine et encens, leurs offrandes s’étalent sur le bitume. Les membres de la famille défilent alors chacun à son tour sur ce lieu sacré improvisé. Ils ferment les yeux, récitent une prière, lancent la coca, aspergent le sol de mousse de bière et terminent le cérémonial par le crépitement d’une couronne de pétards. Il s’agit de concentrer toutes les énergies positives sur quelques mètres carrés, afin d’attirer les clients. À cette occasion, les rues de La Paz se transforment en parcours initiatique. Elles sont encombrées d’oratoires d’où s’échappe la fumée des encensoirs. La ferveur se tourne vers le ciel, le suppliant d’apporter un peu de prospérité à une précaire économie de survie. Mais les cieux font la sourde oreille, ou bien plutôt le gouvernement, qui laisse la misère gagner les hauteurs de la ville, tandis que les quartiers riches de la capitale vivent dans un luxe outrancier. »
De l’Équateur au Machu Picchu (p. 12-13)
À travers l’Altiplano, carnaval d’Oruro et ferias argentines (p. 70-71)
Extrait court
Extraits d’articles
Lama et alpaga, vigogne et guanaco
Puna
La conquête espagnole
« Peu à peu, la rue m’entraîne dans l’ivresse de son grouillement humain, où tous les petits commerces se mêlent à la magie populaire et aux croyances ancestrales. On peut se laisser emporter, et confier sa vie aux devins qui lisent le destin dans les précipitations de plomb en fusion durci par l’eau froide, ou avoir la chance de rencontrer une sorcière Callahuaya qui trouvera des étoiles dans les entrailles d’un cochon d’Inde ou sur une pluie de feuilles de coca jetées sur un vieil aguallo. Après cette lecture à livre ouvert, on peut aller acheter sur les étals de la rue Linares des amulettes : des fœtus de lama pour la fertilité du foyer, l’equeco – personnage chargé de nourriture et d’argent qui attire la fortune –, le mono en pierre – singe de la joie –, le couple munay pour que les célibataires trouvent l’amour, l’incienso – laine de couleur lacée dans les objets de vos désirs, le tout mêlé à la coca et à l’encens pour être offerts à la bouche béante de la Pachamama et attirer les bons esprits. Toutes ces superstitions font partie de la vie quotidienne du Bolivien, qui fait cohabiter les croyances polythéistes et leurs divinités tutélaires avec la religion catholique. Ce mysticisme s’est adapté à la modernisation de la société bolivienne. À une centaine de kilomètres de La Paz, sur la place du village de Copacabana, face au grand sanctuaire, un curé en soutane baptise des voitures, des camions et des autobus venus des quatre coins du pays, souhaitant une longue vie aux véhicules et à leurs propriétaires !
Plusieurs fois dans l’année, les commerçants procèdent à un acte rituel sur le maigre espace de leur stand. Le vendeur de cigarettes à l’unité, dont tout le magasin pourrait entrer dans une cagette, le croque-mort envahissant la rue avec son lugubre cortège de cercueils pour enfant, la marchande de tapis qui s’applique à décorer chaque matin les façades de la rue Linares avec de véritables œuvres d’art faites de tissus anciens, fajas, ceintures d’apparat et ponchos de cacique ; tous tracent sur le sol les limites de leur modeste territoire : caisses de bières, sacs de feuilles de coca, serpentins, confettis, farine et encens, leurs offrandes s’étalent sur le bitume. Les membres de la famille défilent alors chacun à son tour sur ce lieu sacré improvisé. Ils ferment les yeux, récitent une prière, lancent la coca, aspergent le sol de mousse de bière et terminent le cérémonial par le crépitement d’une couronne de pétards. Il s’agit de concentrer toutes les énergies positives sur quelques mètres carrés, afin d’attirer les clients. À cette occasion, les rues de La Paz se transforment en parcours initiatique. Elles sont encombrées d’oratoires d’où s’échappe la fumée des encensoirs. La ferveur se tourne vers le ciel, le suppliant d’apporter un peu de prospérité à une précaire économie de survie. Mais les cieux font la sourde oreille, ou bien plutôt le gouvernement, qui laisse la misère gagner les hauteurs de la ville, tandis que les quartiers riches de la capitale vivent dans un luxe outrancier. »
(p. 48-51)
De l’Équateur au Machu Picchu (p. 12-13)
À travers l’Altiplano, carnaval d’Oruro et ferias argentines (p. 70-71)
Extrait court
Extraits d’articles
Lama et alpaga, vigogne et guanaco
Puna
La conquête espagnole