Dans le ryokan Bozanso à Yudanaka – préfecture de (Japon)
Année 2017
© Julien Giry
Introduction :
« Un jeudi après-midi de juillet 2015, nos plans pour la nuit tombent à l’eau brutalement. Un milan noir pousse de petits cris aigus en planant dans le ciel sans nuage de la station balnéaire de Shirahama alors que nous sortons, déconfits, de l’office du tourisme. Nous venons de comprendre que le terrain de camping est à la fois inaccessible sans voiture et terriblement cher : le tarif d’un emplacement est celui d’une chambre d’hôtel? Tant pis ! Nous dresserons notre tente sur la magnifique plage de sable blanc qui donne son nom à la ville. Mais les brochures touristiques ne nous ont pas réservé que des déconvenues. Elles insistent sur une merveille locale : l’île d’Engetsu, et ses couchers de soleil réputés exceptionnels. Plus que la promesse d’un ciel flamboyant, c’est le besoin de vérifier si les brochures disent vrai qui nous aiguillonne. Sans savoir alors jusqu’où l’information allait nous mener, nous apprenons que le spectacle vespéral est l’un des cent plus beaux couchers de soleil du Japon. Un univers de classements s’ouvre à nous.
Le lendemain, après nous être plongés dans Saki-no-yu, l’un des trois plus anciens bains thermaux (onsen) nationaux, nous reprenons la route. C’est notre premier voyage au Japon, à l’occasion d’une presque année sabbatique que nous souhaitions la plus exotique possible. Nous ne connaissions alors du pays que les images d’Épinal qu’il véhicule, et avions pour but de découvrir tout à la fois ses campagnes et sa gastronomie populaire, en effectuant des volontariats dans des fermes biologiques. Nous parcourons le Kansai puis le Chugoku, et ne campons plus pendant la saison des pluies ; nous découvrons l’iconique torii de Miyajima, l’une des trois vues classiques du pays, et, le 1er août, traversons à Iwakuni l’un des trois plus célèbres ponts du Japon? Notre curiosité est piquée. D’autant que l’archipel – où nous avons multiplié les expériences de volontariat dans des fermes – nous a aussi surpris par l’exubérance de sa nature, le chant de ses insectes, la douceur de ses campagnes, la qualité de ses mets, etc., si éloignés de l’image ô combien raccourcie que nous en avions avant de le découvrir. Le Japon, avec lequel la France célèbre en 2018 cent soixante ans de relations diplomatiques, est encore bien mal connu.
La mélopée des vues reprend à l’occasion d’un deuxième voyage, au printemps de 2016, autour de Hokkaido (où il faisait cette fois-ci trop froid pour camper confortablement). Quand nous entendons tinter la cloche de la tour de l’horloge de Sapporo, officiellement l’un des cent paysages sonores nationaux, c’en est trop : quelle est cette étrange litanie dont résonne l’Extrême-Orient ? Il est temps de vraiment se renseigner sur cette manie japonaise d’établir des classements. »
Les 100 Vues du Japon
(p. 5-6, Elytis/Transboréal, 2018, rééd. 2020)