Collection « Voyage en poche »

  • Par le souffle de Sayat-Nova
  • Yamabushi
  • La Seine en roue libre
  • Jours blancs dans le Hardanger
  • Au nom de Magellan
  • Faussaire du Caire (Le)
  • Ivre de steppes
  • Condor et la Momie (Le)
  • Retour à Kyôto
  • Dolomites
  • Consentement d’Alexandre (Le)
  • Une yourte sinon rien
  • La Loire en roue libre
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Au vent des Kerguelen
  • Centaure de l’Arctique (Le)
  • La nuit commence au cap Horn
  • Bons baisers du Baïkal
  • Nanda Devi
  • Confidences cubaines
  • Pyrénées
  • Seule sur le Transsibérien
  • Dans les bras de la Volga
  • Tempête sur l’Aconcagua
  • Évadé de la mer Blanche (L’)
  • Dans la roue du petit prince
  • Girandulata
  • Aborigènes
  • Amours
  • Grande Traversée des Alpes (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Vers Compostelle
  • Pour tout l’or de la forêt
  • Intime Arabie
  • Voleur de mémoire (Le)
  • Une histoire belge
  • Plus Petit des grands voyages (Le)
  • Souvenez-vous du Gelé
  • Nos amours parisiennes
  • Exploration spirituelle de l’Inde (L’)
  • Ernest Hemingway
  • Nomade du Grand Nord
  • Kaliméra
  • Nostalgie du Mékong
  • Invitation à la sieste (L’)
  • Corse
  • Robert Louis Stevenson
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Sagesse de l’herbe
  • Pianiste d’Éthiopie (Le)
  • Exploration de la Sibérie (L’)
  • Une Parisienne dans l’Himalaya
  • Voyage en Mongolie et au Tibet
  • Madère
  • Ambiance Kinshasa
  • Passage du Mékong au Tonkin
  • Sept sultans et un rajah
  • Ermitages d’un jour
  • Unghalak
  • Pèlerin d’Occident
  • Chaos khmer
  • Un parfum de mousson
  • Qat, honneur et volupté
  • Exploration de l’Australie (L’)
  • Pèlerin d’Orient
  • Cette petite île s’appelle Mozambique
  • Des déserts aux prisons d’Orient
  • Dans l’ombre de Gengis Khan
  • Opéra alpin (L’)
  • Révélation dans la taïga
  • Voyage à la mer polaire
Couverture
Le doux chant des heures d’été :

« Déjà des frôlements et tintements discrets provenaient de la yourte. Je n’avais pas besoin d’y être pour savoir les gestes qui s’y répétaient. La mère de famille se levait. Sa prime attention allait au poêle. Avec de l’argal et du bois, elle y démarrait le feu pour chasser l’humidité de la tente, y déposait le wok en fer-blanc. Aux premières flammes, elle jetait sa deel comme un balandran sur ses épaules puis s’en allait au ruisseau puiser l’eau pour le thé. Le faisant infuser, elle nettoyait les couverts utilisés la veille, récurait un seau en bois cerclé de fer, pliait un vêtement, rinçait un torchon, briquait la théière avec une application maniaque, ajustait la couverture sur ses enfants endormis et sortait à nouveau, afin d’effectuer les méthémérines libations aux esprits de la steppe mais aussi de retourner les lamelles de fromage qui séchaient par plateaux entiers sur le toit de la yourte, de surveiller le troupeau ou de rentrer le linge étendu sur les parois de la tente. De retour, elle brûlait sur l’autel un peu de poudre de genévrier, l’herbe des chamans, puis s’accordait une minute pour boutonner sa deel effilochée, nouer l’écharpe en coton délavé qui lui servait de ceinture, se peigner en mouillant ses cheveux. Plus tard, la voilà qui sortait derechef. Cette fois, elle s’attelait à la traite, tâche de longue haleine qui en entraînait d’autres : faire bouillir, écumer, écrémer, baratter, laisser épaissir et reposer pour séparer le petit-lait, fabriquer le fromage? La femme bougeait avec grâce dans l’atmosphère parfumée de la tente. Ses gestes élastiques et minutieux, rapides sans être précipités, s’accompagnaient d’un froissement de soie qui se confondait avec le frou-frou des flammes dans le poêle. Les instruments de cuisine semblaient lui obéir quand elle en avait besoin. Thé, beignets, laitages prenaient vie dans ses mains tandis que plats et coupelles s’alignaient sans bruit sur la table, dans un ordre impeccable. Il émanait d’elle une magie qui la muait en jongleuse. Ses gestes mille fois répétés étaient ceux d’une acrobate. Maîtrise parfaite de l’environnement, liberté de pensée dans l’action : l’harmonieuse conjugaison de la sérénité de la steppe avec l’attitude d’une mère de famille. Régulièrement, elle promenait un regard aimant sur le visage endormi de ses enfants mais se remettait vite à la tâche, comme si elle risquait de les réveiller.
“Le meilleur thé, c’était quand s’ajoutaient à l’infusion du lait et du sel, ainsi qu’une bouillie de farine très grasse”, confie Galsan Tschinag. J’avais observé la maîtresse de maison préparer le thé, mélanger le lait frais à l’eau bouillante, plonger sa louche en métal dans le liquide blanc et l’oxygéner. Ainsi agité et maintenu à ébullition, telle une mer en tempête, le contenu de la marmite formait une écume lourde et de grosses gouttes grésillaient sur le poêle. Une odeur suave, qui parlait d’herbes et de fleurs longuement ruminées par des gueules chaudes, saturait l’air de la yourte – pas un instant de la vie ne s’écoule sans que le troupeau se rappelle aux nomades.
La femme donnait vie au campement. Que serait-il advenu sans cet être dans les mains de qui naissait la journée ? Avant le réveil de sa famille, elle eut même le temps de chauffer la soupe de pâtes à l’oignon de la veille et de remplir les thermos de thé au lait. Son époux prit place au fond de la yourte pour le petit-déjeuner. Les cuillères en fer-blanc gazouillèrent dans les gamelles ; le reflet de la charpente de la yourte miroita dans les bols. L’homme, assis devant l’autel, surveillait les enfants, qui buvaient bruyamment leur soupe ; la femme s’activait entre le poêle et des bocaux, marmites et fûts de laitages à divers stades de fermentation.
Inouïes et gracieuses mais surtout rieuses et spontanées, les Mongoles dégagent une sensualité émouvante. Dans un visage rond, large et plat comme la steppe, des lèvres charnues s’ouvrent sur deux lignes de dents dont la blancheur contraste avec des joues rosées sur des pommettes saillantes. Le reste du visage est discret avec la racine du nez comme enfoncée et, sous de longs sourcils, la fente étroite des yeux est retroussée au coin. Entre les paupières plissées brillent des iris bruns ou noirs comme le charbon. Le regard est paisible, mais expressif et jamais soumis. L’indépendance et la franchise s’y remarquent aussi clairement qu’une yourte dans la steppe. »
(p. 239-242)

Dans la grande enceinte (p. 75-77)
Sous le joug des tempêtes (p. 93-96)
Extrait court
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