Jean-Pierre Husson, Revue de géographie historique [en ligne], le 20 novembre 2022 :
? La ruralité se découvre et se révèle à pied, au rythme lent de la randonnée pratiquée sur des chemins de traverse. Franck Buchy s’est donné un objectif atypique en voulant suivre la frontière effective, puis gommée qui sépare l’Alsace de ses deux voisins lorrain et comtois. Il se qualifie deroutard de la bordure” (p. 241), une expression positive pour qui veut comprendre les territoires dans leurs césures et boutures. Dès l’avant-propos (p. 11), il insiste sur la force qui motiva son projet : “Je me suis enfui un matin tôt de la maison.” Cette aventure marchée, zigzaguante car fidèle à épouser les multiples découpages qui ont fait souffrir ce territoire se traduit par un bel essai difficile à classer car brassant large. S’y télescopent l’histoire, la géographie, la botanique, la poésie des lieux. Ce texte original inclut également une part d’intime et de sensible dans son écriture à la fois dense par les informations reçues et fluide si l’on se prend au jeu de cette pérégrination. L’auteur tente, ose et nous fait partager une escapade tonique qui a duré trois semaines. Sportif, adepte d’un mode de marche exigeant une certaine endurance, l’auteur concrétise son idée de cheminer le long des limites et anciennes frontières empilées qui séparent, parfois rapprochent les confins de l’est, avec pour ancrage des polémopaysages répétés. Dans la partie septentrionale, ce périple part du pays de Bitche, sur la borne tripartite où confluent l’Alsace, la Lorraine et le Palatinat. Au sud, sur les confins du Sundgau, le voyage finit sur la borne où se rencontrent la Comté, l’Alsace et la Suisse romande. Les bornes sont qualifiées de parchemins et de sceaux (p. 119), “les confins sont plus propices au refuge qu’aux révolutions” (p. 113).
En arpentant la ligne qu’il s’est tracée – “la marche transforme le pays en passage” (p. 83) –, l’auteur fait de l’hodologie, étudie les routes, chemins et layons. Son trajet est inconfortable, fait d’emprunts de chemins hirsutes et de bivouacs sommaires. En affrontant les intempéries, une quinzaine de cartes topographiques au 1/25000 ont été froissées, déchirées, lavées. Il fallut retrouver 4 056 bornes, quelques menhirs christianisés (la pierre des Douze-Apôtres, le Sattelfels réputé apporter la fertilité aux femmes) (p. 109), des rocs et blocs erratiques, des éboulis. Le trajet peut confiner à l’exploit mené sans se distancier de la frontière, tel un Petit Poucet avalant plusieurs centaines de kilomètres. “Borne, branches, fatigue, gadoue chute. Ma course est éreintante” (p. 57). Cette marche rustique provoque des rencontres répétées avec les sangliers, biches ou lynx. Elle révéla des couleurs superbes, des senteurs et des bruits oubliés dans des espaces agrestes oubliés. Le voyage aiguise les sens, avec le soleil comme exhausteur de parfums (p. 200). Entrepris en solitaire, ce trajet fut cependant émaillé d’échanges. L’auteur put tisser des connivences avec les natifs des lieux traversés, avec en mémoire des récits de contrebande, les gestes héroïques des passeurs faisant fuir des persécutés entre Saales (67) et Moussey (88). La frontière est objet de transgression. Aujourd’hui, ce chemin est un lieu d’expression des artistes. La brume, la pluie, les bourrasques, les rincées trempèrent le narrateur qui qualifie les Vosges d’attrape-pluie (p. 185).
L’auteur a tutoyé plusieurs limites enchevêtrées, translatées, enracinées, bornées, parfois seulement conservées comme traces. Paradoxalement, ces frontières sont à la fois bavardes et dépouillées (p. 51). Elles s’enlacent avec le GR5 et la Transvosgienne. D’abord, elles retiennent des limites physiques : les cols qualifiés de dépression et belvédère, périgée et apogée (p. 172), les lignes de faite servant à la dispersion des eaux. Ensuite, ce sont des limites humaines qui résonnent avec une sorte d’étau linguistique, avec des découpages alvéolaires, compliqués et mouvants. Ils résultent du fait que la terra incognita, les solitudes des sommets au cours des temps obscurs ont laissé la place à des flux, des escalades des versants par les marcaires alsaciens. L’espace est tiraillé entre le monde germanique et latin. En plus se surajoute une limite de catholicité qui a bougé et fut en partie figée par la décision de la Constituante de créer un département du Bas-Rhin qui inclut l’Alsace Bossue jusqu’aux portes de Sarreguemines. Les sommets furent le refuge des anabaptistes avant qu’ils ne soient inquiétés sous l’Empire pour leur refus de porter les armes. Existent également d’anciennes frontières anciennes gommées : principautés de Salm-Salm abornée en 1755, annexée en 1794, comté de Linange-Dabo. La cicatrice principale réside dans la frontière imposée par Bismarck avec le traité de Francfort de 1871. Cette blessure qui invita à la revanche prend une note poétique dans le testament de Jules Ferry inventant la “ligne bleue des Vosges”. L’expression fit florès jusqu’à la synecdoque, avec actuelle récupération dans les messages touristiques. Pendant les deux conflits se déroulèrent sur ces sommets de terribles affrontements.
S’il investit les confins, les marges, les entre-deux, F. Buchy ajoute à sa recension les abornements forestiers ayant accompagné les Réformations du XVIIIe siècle et même les limites de parcelles, les tracés des bans “qui se lisent sur les ripisylves, les ruisseaux, les crêtes, les clôtures” (p. 91). Il nous fait comprendre que ces délimitations secondaires sont essentielles pour aborder les campagnes qui ont peu évolué par rapport aux descriptions de Marc Bloc ou Gaston Roupnel. Sur les sinuosités de la ligne qu’il poursuit, F. Buchy est une sorte d’équilibriste sur son fil, sans être subordonné à un horizon unique (p. 43). La mise en récit du territoire apporte au chemin retenu d’intenses moments de poésie. “Le temps a lavé la toponymie au fur et à mesure que les conifères et feuillus ont masqué le panorama” (p. 117). Le texte signale la grande culture humaniste de l’auteur qui, amplement, s’interroge et croise les messages. La géographie est qualifiée d’abrasive (p. 82), puis de littérature de l’ostensible (p. 66). Pour donner du sens au territoire, elle est confrontée, rapprochée de l’histoire et de la botanique. Le couplet sur le massif du Donon est un hymne à la frontière chapeauté d’un pastiche de temple antique érigé en 1869. La partie du trajet sur les grès compacts ou ruiniformes en fonction de leur résistance dévoile les origines et l’attachement de l’auteur à cette contrée aux podzols acides sur lesquels la forêt est conquérante, voire enfermante. L’écrit est alerte, parfois émaillé de raccourcis percutants, osés, inattendus. Le massif vosgien devient le moucharabieh oriental de la France, l’Alsace son courant d’air (p. 129). Le temps fort du texte est dans la relation faite des limites des Hautes-Vosges qui s’étirent en ondulations immobiles (p. 181), des chaumes et hêtraies d’altitude sculptées par les vents. Pour l’auteur, il s’agit de forêts oniriques, fantastiques, angoissantes (p. 188). Toutes en courbures et en entrelacs, on peut encore y rencontrer le grand tétras ou la chouette de Tengmalm. L’épilogue se trouve dans la traversée de la trouée de Belfort.
Ce livre s’inscrit dans la filiation de l’Éloge des frontières de Régis Debray (2010) et dans la véracité du récit de voyage de Jean-Paul Kaufmann qui remonta la Marne de sa confluence à sa source, ce récit de voyage devrait charmer tous ceux qui se passionnent pour les frontières, marges et confins oubliés pérennes ou réactivés, ceux qui vivent les espaces ruraux en marge et bien entendu les inconditionnels des Vosges hercyniennes présentées dans leur grande diversité paysagère, pleines de promesses de découvertes, empreints de sensibilité. »
Som, www.babelio.com, le 12 juillet 2021 :
? Retour sur une expérience mêlant le sport à l’histoire mais aussi l’économie au social. Franck Buchy s’est mis en tête de parcourir, seul et à pied, la ligne administrative qui fait la frontière entre l’Alsace et la France de l’intérieur comme on le dit sur le versant oriental des Vosges. Quitte à s’éloigner des sentiers de grande randonnée, quitte à s’écarter de lieux emblématiques ou touristiques.
L’essentiel n’est pas là. Dans ses carnets de notes, le journaliste recueille mille et une observations pour finir par un tableau intime et le portrait d’une région complexe traversée par l’histoire et les drames. À force de marche solitaire sur un fil frontière, Franck Buchy révèle ses propres lignes de forces tout comme celles d’un massif lisière. Les milliers de bornes découvertes tout au long de périple sont autant de repères dans une histoire sinueuse. Il en reste une fascination intemporelle des hommes pour la forêt et la fragilité de frontières tracées par une administration sourde à toutes géographies qu’elles soient physique, économique ou sociale. »
Digito, www.babelio.com, le 20 octobre 2020 :
? Un très bel ouvrage et une belle réflexion pour un parcours atypique le long de l’ancienne frontière franco-allemande, jusqu’en 1918, au cœur des Vosges. L’écriture est recherchée et possède un rythme très agréable, scandé, comme les pas du randonneur, de façon qu’on a l’impression de marcher avec Franck Buchy. L’auteur ne se contente pas de décrire son parcours, il donne aussi des éléments d’histoire, l’architecture, de botanique ou de géographie. Il cite avec bonheur des auteurs comme que Élisée Reclus ou Henry David Thoreau. C’est moins la logistique des hébergements, des repas, la fatigue qui sont mis en exergue qu’une réflexion sur le sens des frontières, l’idée de la nation aujourd’hui et une critique de nos vies trop mouvementées et vides de sens. C’est un éloge à la lenteur, à un changement de regard et de rythme. Une invitation aussi à trouver son chemin. Seule petite critique de l’ouvrage toutefois, régulièrement l’auteur fait de petites remarques un peu gratuites, sans trop argumenter. Par exemple il blâme gentiment ceux qui suivent le GR5 ou ses variantes, les pèlerins et d’une façon générale les “sentiers battus”, balisés. Quand il s’en prend aux motards ou aux joueurs de Loto hagards des bistrots, dans le contexte, on peut comprendre, mais pourquoi un parcours en dehors des sentiers battus serait-il plus valable qu’une randonnée au long cours ? Je ne pense pas qu’on puisse vraiment hiérarchiser les sentiers – ni même la durée de la marche avec ou sans compagnon –, un marcheur reste un marcheur, sentier balisé ou non c’est à lui de trouver son chemin et celui qui lui correspond le mieux. Marcher c’est quand même mieux que prendre l’avion note toutefois l’auteur. La ligne qu’a suivi l’auteur même si elle n’est pas fléchée par Le Club vosgien est toutefois arbitraire, et il suit plus de 4 000 bornes dont la ligne est localisée par l’auteur sur des cartes IGN donc quelque part c’est aussi un sentier balisé. Même s’il en parle peu et qu’il reste modeste sur ce qu’il a parcouru, on ressent vraiment la difficulté de Franck Buchy dans sa pérégrination avec les éléments naturels, que ce soit la pluie, les branches, les fossés, les pentes raides, on sent que l’auteur fait son chemin de croix, volontairement seul, nu avec lui-même le soir à l’hôtel – ou en bivouac – et qu’il y a quelque chose de spirituel derrière ce chemin.
Un ouvrage à découvrir, dans la lignée des meilleurs ouvrages du genre. Une très belle réflexion sur le sens de la vie et une invitation à découvrir de nouveaux chemins et la nature proche de chez nous. »
Pascal Simonin, Strasbourg Magazine n° 309, octobre 2020 :
? Avec Fugue au cœur des Vosges, le journaliste signe un ouvrage dépaysant d’une rare qualité littéraire. Lorsqu’il a décidé, en 2017, de parcourir le massif des Vosges, Franck Buchy, journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace, se trouvait à un moment de son existence où il lui fallait s’enfuir, s’évader de son quotidien. Entre le printemps et l’automne, muni de son sac à dos, de ses cartes IGN et de sa boussole, il a, à plusieurs reprises, emprunté ces chemins de traverse du nord au sud, suivant l’ancienne limite administrative entre l’Alsace et la France, jusqu’à cumuler vingt et un jours de marche. Ce sont autant de chapitres qui constituent cet ouvrage rare, qui doit beaucoup de son intérêt à la qualité de plume de son auteur. Lequel ne cache pas l’ambition qui était la sienne : “J’avais une véritable exigence littéraire. Ce livre, ce sont dix-huit mois de recherches et d’écriture. Recherches, car Franck Buchy ne supporte pas de laisser place à l’approximation. L’histoire, grande et petite, la faune, la flore? L’aventurier de proximité a beaucoup travaillé ses sujets pour livrer ce qu’il nomme joliment “sa géographie intime”. Il ajoute même : “C’est une manière d’autobiographie, dans laquelle je me dévoile beaucoup, sans pour autant tomber dans l’exhibitionnisme.” On est loin d’un simple récit de voyage, bien au-delà, mais le périple dans les pas de l’auteur originaire des Vosges vaut la peine d’être accompli. Il suffit d’enfiler ses chaussures de marche et de suivre le guide, érudit discret à la conversation agréable, pour qui les frontières “ne servent pas à isoler, mais à réunir”. »
Yolande Baldeweck, Le Nouveau Messager n° 55-56, juillet-août 2020 :
? Fin mars, alors que nous vivions reclus, le livre de Franck Buchy m’a entraînée dans une Fugue au cœur des Vosges. Un récit littéraire fort, nourri par une double culture, plutôt qu’un guide touristique. Du Palatinat au Jura suisse, le journaliste avait parcouru seul, il y a trois ans, la “Ligne” occidentale du Bas-Rhin et du Haut-Rhin matérialisée par 4 056 bornes et quelques pointillés sur une carte. Pendant vingt et un jours, ce “routard de la bordure” a traversé des paysages multiples, notant observations et réflexions dans un “carnet de friches” lors de ses bivouacs. Crapahutant sur la ligne de crête, cet “enfant de la protestation et de l’est” convoque ses ancêtres gardes-forestiers, évoque son grand-père pasteur et apiculteur, et chemine sur les traces de l’histoire agitée de l’Alsace. Il fait peu de rencontres, traverse des territoires sur le déclin. La politique n’est jamais loin. Franck Buchy se dit “d’un horizon avant d’être d’un pays ou d’une nationalité”. À la frontière qui enferme, il préfère les lisières qui ouvrent sur des espaces de liberté. Une réflexion stimulante qui nourrit un débat loin d’être écrit sur le futur d’“une Alsace au milieu du gué”. »
Nathalie Glorion, www.lespassionsdechinouk.com, le 11 juillet 2020 :
? Avec Fugue au cœur des Vosges, Franck Buchy nous offre une traversée du massif vosgien hors des sentiers battus. Il aurait pu, pour son escapade, se contenter de suivre le célèbre et bien balisé GR5 (sentier de grande randonnée qui dans sa portion française part des Vosges pour rejoindre la Méditerranée), mais il préfère suivre le tracé de la limite administrative de l’Alsace. Un tracé qui n’est autre que l’ancienne frontière franco-allemande de 1871 à 1918.
Pendant vingt et un jours, Franck va se frayer un chemin parmi les obstacles de la nature, pour toujours rester au plus près de cette frontière. Pâture, ravin, obstacle, ferme, le cheminement n’est pas de tout repos. Il empruntera tout de même quelques sentiers balisés du Club vosgien.
Au fil des bornes, que l’auteur nous décrit avec une certaine tendresse, il nous imprègne de ses ressentis, ses découvertes, son savoir. Fugue au cœur des Vosges est un savant mélange d’ode à la nature, d’histoire de la région et de récit de randonnée. C’est rafraîchissant, dépaysant et captivant.
Je me suis très vite laissé embarquer dans les pas de l’auteur visualisant et ressentant parfaitement la verdure et l’humidité du massif. À présent, je n’ai plus qu’une envie : attraper mon sac à dos et partir arpenter les sentiers vosgiens. »
Serge Hartmann, Dernières nouvelles d’Alsace, le 7 juin 2020 :
? [?] Histoire et géographie, nature et environnement, mais aussi observation d’une Alsace des lisières assurée par un marcheur que n’ont jamais quitté les réflexes du journaliste : on aura compris que, contrairement à un titre qui prête à l’ambiguïté, Fugue au cœur des Vosges n’a rien à voir avec l’un de ces innombrables guides vous prenant par la main.
Franck y livre un récit intime sous la forme d’un véritable objet littéraire, au style ramassé, souvent allégorique, se prêtant parfois aux aphorismes dans des réflexions où priment les thèmes du territoire et du rapport qu’il noue à notre imaginaire et à notre conscience. On y lit de petites choses bien pensées, comme : “La carte est un anachronisme permanent : son encre est à peine sèche que déjà la nature reprend le dessus. Une carte, c’est du papier imprimé froissé par le réel” ou “Tout est une question de distance. Moins la frontière est visible, plus elle est mentale”.
Autre ambiguïté qu’il s’agit de lever pour celui qui jette un regard aussi critique qu’empathique sur sa région : celle du propos identitaire, d’une Alsace fantasmée dans sa différence, repliée dans son fossé rhénan, se gardant à l’ouest d’une France jacobine et à l’est d’une Allemagne à l’envahissante proximité. Par ses articles, par sa couverture de la vie politique en Alsace, on sait que Franck n’est pas dans l’enfermement ou la nostalgie d’un territoire cultivant son quant-à-soi.
“Je pense qu’on est toujours plus d’un paysage ou d’un environnement immédiat que d’un pays ou d’une région”, glisse-t-il, avant de pointer son attachement aux hautes Vosges, “où le regard peut se perdre à l’horizon”.
Un texte comme une invitation au voyage, un appel de l’ailleurs. Ce voyage qui constitue la colonne vertébrale de la collection (“Voyage en poche”) dans laquelle son éditeur, Transboréal, l’intègre très justement. Un catalogue qui chemine dans l’Himalaya, au Yémen, au Mozambique, en Australie ou encore en Sibérie. “Cela me fait plaisir d’y voir entrer les Vosges”, glisse Franck, un brin narquois. »
Hervé de Chalendar, Les Saisons d’Alsace n° 84, juin 2020 :? Ce livre épouse à merveille le thème de ce numéro : il randonne sur la déchirure née de la guerre de 1870, cette frontière tracée au cœur des Vosges, entre les mondes roman et germanique. Franck Buchy est allé suivre au plus près ce qui fait la singularité de l’Alsace, sur cette “ligne” qui la sépare de (et l’unit à) la France de l’intérieur. C’est une évasion sans franchir les horizons, une envie d’“inventer l’inconnu juste derrière chez soi”. Le journaliste livre un carnet de routard littéraire depuis l’Allemagne jusqu’à la Suisse. C’est intelligent, sensible, remarquablement écrit. Une formule magnifique, parmi bien d’autres : “Une carte, c’est du papier imprimé froissé par le réel”. »
Étienne Hurault, Passion rando n° 55, avril-juin 2020 :
? Le cœur serré par la sédentarité du quotidien, l’emprise du numérique et la défaite du sauvage, Franck Buchy décide de fendre celui des Vosges, son massif de cœur. Il y cherche une frontière, pistant hors sentiers les bornes qui la jalonnent : celle délimitant France et Allemagne il y a un siècle – l’Alsace du reste du pays d’aujourd’hui. Un tracé propice aux lisières, orées et bordures qu’il affectionne pour leur lumière, leur ambiguïté et leurs ouvertures.
Mais ce passionné de géographie humaine marche aussi sur la frontière pour mieux la piétiner, ridiculiser notre frénésie du zonage? et dresser le portrait d’un massif contrasté et attachant. »
Jacques Fortier, L’Ami hebdo, le 19 avril 2020 :
? C’est une ligne de rupture qu’a suivie le journaliste Franck Buchy dans sa Fugue au cœur des Vosges. Le voyage qu’il chronique – vingt et un jours à pied par monts et par vaux – n’a pas suivi les classiques (et splendides) sentiers de grande randonnée (GR3 ou GR5). Il a suivi les bornes qui, dans les Vosges et souvent sur leur crête, font mémoire des limites administratives entre l’Alsace et la Lorraine.
De la frontière allemande près de Ludwigswinckel jusqu’à la frontière suisse non loin de Réchézy, elles dessinent d’abord de vieilles souverainetés d’Ancien Régime ou de la Révolution, puis, à partir du Donon, la vieille frontière entre France et Allemagne durant le Reichsland et la Second Guerre mondiale : en tout 4 056 bornes plantées entre 60 et 100 mètres d’intervalle, gravées d’un “F” et d’un “D” sur deux faces opposées.
Franck Buchy l’indique : il a usé (au sens propre) quinze cartes au 1/25 000. Quand les bornes ne suffisaient pas, il a tenté de voir sur le terrain les pointillés de papier. Il a grimpé, dévalé, haleté, franchi des cours d’eau et des forêts. Et en même temps, à travers l’histoire, la géographie, les réflexions et les rencontres de cette ligne pas comme les autres, il a vécu – et sait faire partager – une fort belle aventure humaine. Au-delà de la ligne des ruptures, des guerres qu’elle évoque, des séparations qu’elle creusa, le “routard de la bordure” nous invite à lever les yeux vers d’autres horizons. »
L’Amour des livres no 154, avril 2020 :
? Un matin, tôt, le voilà qui s’enfuit de la maison pour traverser les Vosges, sur un sentier qui ne devait pas exister. À l’exception de quelques vaillants et curieux arpenteurs, personne avant lui n’avait suivi intégralement cet itinéraire, issu du découpage administratif de la France, révélant une part importante de l’histoire de la région. Dans ce cheminement aussi physique que symbolique, l’auteur revendique le statut de wanderer, cette figure iconique du romantisme allemand qui trouve dans l’errance et la nature les moyens de reconsidérer le corps et l’esprit. Un vertigineux carnet de friches, entre dévoilement de l’intime et portrait du massif. Une invitation à la beauté et à l’extase de la nature. »