Volga et Kama :
« La température est de 4 °C ; il me faut désactiver mon cerveau : ne plus penser à rien, seulement pagayer. Il y a du vent, tout le temps, et ce vent amène les vagues. Quand je veux débarquer, elles s’abattent sur la rive, claquent sur mon bateau, me poussent telles des furies. L’eau s’infiltre en passant sur l’hiloire. C’est un vrai combat. La nuit va tomber, je décide de monter le camp. Devant moi, je l’imagine, une confluence. Il n’y a plus de limite, c’est l’immensité. La Kama va rencontrer la Volga.
De hautes falaises de craie blanche, mêlée à de la roche et à de l’argile rouge, composent un paysage somptueux et désolé. Des sapins en équilibre bordent la crête ; il n’y a pas de village. Pour les géographes, c’est la fin de la Volga, qui viendrait mourir ici, au pied de ces stupéfiants contreforts. En effet, la Kama qui arrive du nord et traverse la grande ville de Perm possède un bassin hydrographique plus important que celui de la Volga : elle collecte plus de rivières. Mais les Russes continuent d’appeler le fleuve “Volga”, puisque son bassin rassemble les plus grands centres de population et que la route du commerce vers Astrakhan porte historiquement ce nom. La Volga demeure éternelle.
Vendredi 27 septembre
De Tatarskie Saraly à Bolgar
La falaise est présentée ainsi par Dumas : “Après sa jonction avec la Kama, le fleuve s’élargit et l’on commence d’apercevoir des îles ; la rive gauche reste plate, tandis que la rive droite, accidentée depuis Nijni, s’élève jusqu’à la hauteur de 400 pieds ; c’est un terrain composé de terre glaise, d’ardoise, de calcaire et de grès sans aucun rocher.”
La ville de Bolgar apparaît dans le lointain ; je change de rive pour m’en approcher. J’aperçois déjà une mosquée, mais devant moi émerge une île où j’accoste. Un homme sort d’une isba ; il s’approche du rivage, cigarette à la bouche, teint olive et yeux bleus, chapka sur la tête. Je lui fais comprendre que j’aimerais dresser mon camp sur l’île. Il me montre sa maison et me fait signe de le suivre. Je découvre une petite ferme, abritant trois vaches, dix brebis, des chats, des poules, un cochon et un chien. Le bâtiment d’habitation, tout en bois, est très rustique. Il compte plusieurs lits ; je pourrai y passer la nuit. Mon hôte, qui s’appelle Vladimir, n’est pas très bavard. Il fume, assis près d’un poêle – pas d’autre système de chauffage, pas de télé ni d’électricité non plus. Seule une radio à piles relie mon hôte au monde extérieur. Quand la friture se dissipe, nous captons de la pop russe et de brèves informations. J’apprends la mort de Jacques Chirac et en profite pour engager la conversation :
— Vous savez qui est le président actuel de la France ?
Vladimir ne peut me répondre. Il va couper des pommes de terre puis m’apporte des poissons séchés et un litre de lait de chèvre.
— C’est pour toi, prends tout ; je n’ai pas beaucoup de visiteurs.
Samedi 28 septembre
De Bolgar au réservoir de Kouïbychev
Je me réveille à 4 heures 30, avec le chant du coq. Vladimir fume au coin du poêle. Il m’a fait cuire des œufs pour le petit-déjeuner.
Mon bateau est prêt à 5 heures 30. Le soleil se lève. Je remercie mon hôte et lui demande s’il aimerait un jour descendre la Volga en kayak. Il me fait signe que non. Vladimir peut être le prénom de l’homme le plus riche de Russie et celui d’un brave Tatar attaché à son île. Je m’éloigne du rivage et n’entendrai probablement plus jamais parler de ce brave homme. »
La Volga au grand cours (p. 57-60)
La steppe (p. 148-149)
Extrait court
« La température est de 4 °C ; il me faut désactiver mon cerveau : ne plus penser à rien, seulement pagayer. Il y a du vent, tout le temps, et ce vent amène les vagues. Quand je veux débarquer, elles s’abattent sur la rive, claquent sur mon bateau, me poussent telles des furies. L’eau s’infiltre en passant sur l’hiloire. C’est un vrai combat. La nuit va tomber, je décide de monter le camp. Devant moi, je l’imagine, une confluence. Il n’y a plus de limite, c’est l’immensité. La Kama va rencontrer la Volga.
De hautes falaises de craie blanche, mêlée à de la roche et à de l’argile rouge, composent un paysage somptueux et désolé. Des sapins en équilibre bordent la crête ; il n’y a pas de village. Pour les géographes, c’est la fin de la Volga, qui viendrait mourir ici, au pied de ces stupéfiants contreforts. En effet, la Kama qui arrive du nord et traverse la grande ville de Perm possède un bassin hydrographique plus important que celui de la Volga : elle collecte plus de rivières. Mais les Russes continuent d’appeler le fleuve “Volga”, puisque son bassin rassemble les plus grands centres de population et que la route du commerce vers Astrakhan porte historiquement ce nom. La Volga demeure éternelle.
Vendredi 27 septembre
De Tatarskie Saraly à Bolgar
La falaise est présentée ainsi par Dumas : “Après sa jonction avec la Kama, le fleuve s’élargit et l’on commence d’apercevoir des îles ; la rive gauche reste plate, tandis que la rive droite, accidentée depuis Nijni, s’élève jusqu’à la hauteur de 400 pieds ; c’est un terrain composé de terre glaise, d’ardoise, de calcaire et de grès sans aucun rocher.”
La ville de Bolgar apparaît dans le lointain ; je change de rive pour m’en approcher. J’aperçois déjà une mosquée, mais devant moi émerge une île où j’accoste. Un homme sort d’une isba ; il s’approche du rivage, cigarette à la bouche, teint olive et yeux bleus, chapka sur la tête. Je lui fais comprendre que j’aimerais dresser mon camp sur l’île. Il me montre sa maison et me fait signe de le suivre. Je découvre une petite ferme, abritant trois vaches, dix brebis, des chats, des poules, un cochon et un chien. Le bâtiment d’habitation, tout en bois, est très rustique. Il compte plusieurs lits ; je pourrai y passer la nuit. Mon hôte, qui s’appelle Vladimir, n’est pas très bavard. Il fume, assis près d’un poêle – pas d’autre système de chauffage, pas de télé ni d’électricité non plus. Seule une radio à piles relie mon hôte au monde extérieur. Quand la friture se dissipe, nous captons de la pop russe et de brèves informations. J’apprends la mort de Jacques Chirac et en profite pour engager la conversation :
— Vous savez qui est le président actuel de la France ?
Vladimir ne peut me répondre. Il va couper des pommes de terre puis m’apporte des poissons séchés et un litre de lait de chèvre.
— C’est pour toi, prends tout ; je n’ai pas beaucoup de visiteurs.
Samedi 28 septembre
De Bolgar au réservoir de Kouïbychev
Je me réveille à 4 heures 30, avec le chant du coq. Vladimir fume au coin du poêle. Il m’a fait cuire des œufs pour le petit-déjeuner.
Mon bateau est prêt à 5 heures 30. Le soleil se lève. Je remercie mon hôte et lui demande s’il aimerait un jour descendre la Volga en kayak. Il me fait signe que non. Vladimir peut être le prénom de l’homme le plus riche de Russie et celui d’un brave Tatar attaché à son île. Je m’éloigne du rivage et n’entendrai probablement plus jamais parler de ce brave homme. »
(p. 107-109)
La Volga au grand cours (p. 57-60)
La steppe (p. 148-149)
Extrait court