Un passant du clair de lune :
« “Il était une fois?” il y a sept ans, un marcheur qui venait à pied de Paris. Après trois journées harassantes, il s’est arrêté à Donnemarie. En ce mois de mai, la chaleur était accablante et, comme il avait fort soif, il est entré dans un café pour demander de l’eau. Il n’y avait personne, hormis une jeune femme oisive derrière le comptoir. Elle a refusé tout net : “J’suis pas faite pour remplir les bouteilles d’eau. Y’a des fontaines pour ça !” Tu te rends compte, Princesse ? Refuser de l’eau à un passant !
“J’ai souvent pensé à la serveuse revêche durant ces sept années. Je me disais que ce n’était pas possible de la laisser avec son regard mauvais, murée dans une rancœur stupide. C’était injuste de ne garder d’elle que ce souvenir. J’avais envie, non, j’avais besoin de savoir qu’elle pouvait offrir, elle aussi, une chose simple, avec le sourire. Ce bar, c’était le vôtre. Voilà pourquoi j’ai été si heureux, tout à l’heure, quand vous m’avez offert le verre d’eau !”
Un bon génie qui revient sept ans plus tard pour donner une occasion de se racheter.
— Vous alliez où, l’autre fois ?
J’hésite à répondre, et puis, comme j’ai commencé?
— Jérusalem.
J’explique très vite : huit mois de voyage, l’Europe de l’Est, la Turquie, le Proche-Orient, 6 400 kilomètres à pied. Je n’aurais peut-être pas dû en parler car l’aventure de Jérusalem écrase aux yeux des autres celle dans laquelle je m’engage aujourd’hui. En un sens, elle la dévalorise : “Rome, à présent ? Pfff? Facile ! Pour vous, ce n’est rien.” Eh bien, pas du tout : “J’aimerais vous y voir !” Ça, c’est la réponse du marcheur excédé à la fin d’une journée de pluie, de froid, de solitude, d’incertitude sur le logement du soir, de kilomètres inutiles parce qu’il s’est perdu. »
Un passant du clair de lune (p. 18-22)
Vénus et la Thébaïde (p. 190-195)
Le phare du bout du monde (p. 310-315)
« “Il était une fois?” il y a sept ans, un marcheur qui venait à pied de Paris. Après trois journées harassantes, il s’est arrêté à Donnemarie. En ce mois de mai, la chaleur était accablante et, comme il avait fort soif, il est entré dans un café pour demander de l’eau. Il n’y avait personne, hormis une jeune femme oisive derrière le comptoir. Elle a refusé tout net : “J’suis pas faite pour remplir les bouteilles d’eau. Y’a des fontaines pour ça !” Tu te rends compte, Princesse ? Refuser de l’eau à un passant !
“J’ai souvent pensé à la serveuse revêche durant ces sept années. Je me disais que ce n’était pas possible de la laisser avec son regard mauvais, murée dans une rancœur stupide. C’était injuste de ne garder d’elle que ce souvenir. J’avais envie, non, j’avais besoin de savoir qu’elle pouvait offrir, elle aussi, une chose simple, avec le sourire. Ce bar, c’était le vôtre. Voilà pourquoi j’ai été si heureux, tout à l’heure, quand vous m’avez offert le verre d’eau !”
Un bon génie qui revient sept ans plus tard pour donner une occasion de se racheter.
— Vous alliez où, l’autre fois ?
J’hésite à répondre, et puis, comme j’ai commencé?
— Jérusalem.
J’explique très vite : huit mois de voyage, l’Europe de l’Est, la Turquie, le Proche-Orient, 6 400 kilomètres à pied. Je n’aurais peut-être pas dû en parler car l’aventure de Jérusalem écrase aux yeux des autres celle dans laquelle je m’engage aujourd’hui. En un sens, elle la dévalorise : “Rome, à présent ? Pfff? Facile ! Pour vous, ce n’est rien.” Eh bien, pas du tout : “J’aimerais vous y voir !” Ça, c’est la réponse du marcheur excédé à la fin d’une journée de pluie, de froid, de solitude, d’incertitude sur le logement du soir, de kilomètres inutiles parce qu’il s’est perdu. »
(p. 16-17)
Un passant du clair de lune (p. 18-22)
Vénus et la Thébaïde (p. 190-195)
Le phare du bout du monde (p. 310-315)