Une canine d’ours blanc :

« — Ã‡a fait six ans que les Anglais m’ont enlevé d’Islande. Plus personne m’attend là-bas, mais c’est mon pays, et y a que là que je pourrais vivre. Je sais pas comment expliquer? Il faut voir les glaciers, les volcans, c’est beau à en chialer. Et quand la glace de mer arrive dans les fjords, ça scintille de partout? On dit qu’elle vient du Groenland.
Jón eut un sursaut. John Foxe se tourna vers lui. Le garçon, qui était resté si longtemps solitaire, peinait à assimiler autant de confidences de la part de ces hommes. Il lui semblait qu’il pouvait laisser enfin s’échapper tous les sentiments intériorisés depuis tant d’hivers.
— J’ai fait le serment de retrouver ma mère en Islande. Et ce serment, je veux le respecter. Pourtant, ça n’a pas toujours été facile de me souvenir de mon pays. On me punissait quand je disais un mot en islandais. Et mon ancienne gouvernante m’a toujours vu comme un orphelin. C’est comme si on voulait me faire oublier. J’ai même du mal à revoir comment était ma mère, son visage. Je commençais à me demander s’il fallait pas laisser tomber l’idée de rentrer chez moi. Vous pouvez pas savoir comme ça fait du bien de vous entendre.
Il y eut un long silence. Katherine Foxe avait les yeux humides.
— Pauvre enfant, laissa-t-elle échapper dans un sanglot.
Son mari reprit la parole :
— Sacrebleu ! Réjouissons-nous de notre entente ! Pour y arriver, notre solidarité doit être sans faille.
— Ma parole, tu causes de mieux en mieux en public, le calfat, se moqua Ruadh qui commençait à trouver l’atmosphère par trop larmoyante et le ton de son hôte d’une grandiloquence abusive.
Chacun s’esclaffa, et on trinqua de nouveau. »

Naviguer à l’estime (p. 133-137)
La « saga des groenlandais Â» (p. 288-292)
Des runes éloquentes (p. 463-468)