Six mois en cellule :
« On me conduisit dans la cellule?
Une porte lourde, massive, tout à fait pareille à celle d’un coffre-fort, rapide, sans bruit, rentra dans son châssis, et immédiatement trois craquements? Le premier coïncidant avec le bruit de la porte de fer contre le châssis, celui du loquet, lourd, gémissant? Et les deux suivants, plus secs : les deux tours de la clé.
Faire entrer le prisonnier, tirer rapidement le loquet de la porte derrière lui et, immédiatement, tourner deux fois la clé et la retirer avec fracas en faisant tinter tout le trousseau, c’est un jeu goûté des surveillants de prison.
Cette séparation violente du monde agit psychologiquement sur le prisonnier. C’est moins pénible quand cette séparation se fait graduellement, plus légèrement, d’une façon moins soulignée. C’est un petit détail, mais en prison tout est fait de détails, et tout le gros jeu roule sur la psychologie.
La porte était fermée, et je demeurais dans la cellule.
Seul.
La voilà, l’issue !
Sept pas en longueur, cinq en largeur ; à droite, le lit vissé au mur ; à gauche, une petite table vissée et un tabouret ; au-dessus de la table, une petite lampe électrique ; en face de la porte, à 2 mètres du plancher, une petite fenêtre grillagée ; dans le coin, le lavabo et le cabinet. Tout est nu, vide, froid.
Je sentais, plutôt que je ne pensais : voilà ce qui est, ce qui sera, ce qui ne changera pas.
Je m’assis sur le tabouret, je me levai, je marchai dans la cellule, je m’assis de nouveau. Je ne pouvais me recueillir.
“L’étage spécial de la Chpalernaïa. Je suis l’“inconnu no 11”? pris dans la rue.
“Personne ne savait que j’étais arrêté. Avouer où je logeais, impossible.
“Alors, quoi ? L’inconnu, aucune issue. Rien.
“Comment, rien ? C’est impossible !
“Quelle est la première chose qui m’attend ?
“L’interrogatoire.
“L’interrogatoire? Et je dois me taire.
“Je garderai le silence. On me tiendra enfermé. On me tuera par la faim. Ou la fusillade. Une impasse.”
Non, ce n’est pas cela. Il faut encore réfléchir. Toujours les pensées, et toujours les mêmes.
“Des tortures en perspective, la mort par la faim. Ou fusillé.”
Machinalement, pensant toujours à la même chose, je fis le tour de la cellule. Sur une planche : une petite cuvette, une cuillère et un gobelet. “On n’y ajoutera rien, pensai-je. On ne peut rien y ajouter.”
Et j’avais une telle envie d’un confort quelconque. Même ici, dans la prison, on pourrait le créer. Quelques objets familiers? Même la couverture de chez soi, l’oreiller, le gobelet de chez soi, voilà déjà du confort. On sent un certain soulagement. Tout cela, je ne l’avais pas et ne pouvais pas l’avoir ! Et, de nouveau, la désespérance.
Il faisait froid. Mon veston et mes bottes étaient mouillés. Je les ôtai, je baissai le lit et me couchai.
Où donc était l’issue ?
Pas de réponse?
Et soudain quelque chose de peu net passa par ma tête? à peine un frôlement, mais une trace en resta?
“Dieu ! Quoi, Dieu ? C’est lui qui m’aidera?”
Mais je l’avais déjà sincèrement prié? de toute mon âme, je ne pouvais prier davantage. Je ne savais pas. M’était-il venu en aide ?
Peut-être oui, peut-être non. Peut-être tout dépendait de moi. Peut-être?
“Oh ! Que tout cela est peu net ! Que c’est angoissant, douloureux. Mais ce n’est pas de la réflexion simplement. La limite est là. Il faut que je sache? Il faut que je sache ! Quelle volonté est là? Que faire ?” »
Première évasion (p. 116-118)
La dernière évasion (p. 365-367)
Extrait court
« On me conduisit dans la cellule?
Une porte lourde, massive, tout à fait pareille à celle d’un coffre-fort, rapide, sans bruit, rentra dans son châssis, et immédiatement trois craquements? Le premier coïncidant avec le bruit de la porte de fer contre le châssis, celui du loquet, lourd, gémissant? Et les deux suivants, plus secs : les deux tours de la clé.
Faire entrer le prisonnier, tirer rapidement le loquet de la porte derrière lui et, immédiatement, tourner deux fois la clé et la retirer avec fracas en faisant tinter tout le trousseau, c’est un jeu goûté des surveillants de prison.
Cette séparation violente du monde agit psychologiquement sur le prisonnier. C’est moins pénible quand cette séparation se fait graduellement, plus légèrement, d’une façon moins soulignée. C’est un petit détail, mais en prison tout est fait de détails, et tout le gros jeu roule sur la psychologie.
La porte était fermée, et je demeurais dans la cellule.
Seul.
La voilà, l’issue !
Sept pas en longueur, cinq en largeur ; à droite, le lit vissé au mur ; à gauche, une petite table vissée et un tabouret ; au-dessus de la table, une petite lampe électrique ; en face de la porte, à 2 mètres du plancher, une petite fenêtre grillagée ; dans le coin, le lavabo et le cabinet. Tout est nu, vide, froid.
Je sentais, plutôt que je ne pensais : voilà ce qui est, ce qui sera, ce qui ne changera pas.
Je m’assis sur le tabouret, je me levai, je marchai dans la cellule, je m’assis de nouveau. Je ne pouvais me recueillir.
“L’étage spécial de la Chpalernaïa. Je suis l’“inconnu no 11”? pris dans la rue.
“Personne ne savait que j’étais arrêté. Avouer où je logeais, impossible.
“Alors, quoi ? L’inconnu, aucune issue. Rien.
“Comment, rien ? C’est impossible !
“Quelle est la première chose qui m’attend ?
“L’interrogatoire.
“L’interrogatoire? Et je dois me taire.
“Je garderai le silence. On me tiendra enfermé. On me tuera par la faim. Ou la fusillade. Une impasse.”
Non, ce n’est pas cela. Il faut encore réfléchir. Toujours les pensées, et toujours les mêmes.
“Des tortures en perspective, la mort par la faim. Ou fusillé.”
Machinalement, pensant toujours à la même chose, je fis le tour de la cellule. Sur une planche : une petite cuvette, une cuillère et un gobelet. “On n’y ajoutera rien, pensai-je. On ne peut rien y ajouter.”
Et j’avais une telle envie d’un confort quelconque. Même ici, dans la prison, on pourrait le créer. Quelques objets familiers? Même la couverture de chez soi, l’oreiller, le gobelet de chez soi, voilà déjà du confort. On sent un certain soulagement. Tout cela, je ne l’avais pas et ne pouvais pas l’avoir ! Et, de nouveau, la désespérance.
Il faisait froid. Mon veston et mes bottes étaient mouillés. Je les ôtai, je baissai le lit et me couchai.
Où donc était l’issue ?
Pas de réponse?
Et soudain quelque chose de peu net passa par ma tête? à peine un frôlement, mais une trace en resta?
“Dieu ! Quoi, Dieu ? C’est lui qui m’aidera?”
Mais je l’avais déjà sincèrement prié? de toute mon âme, je ne pouvais prier davantage. Je ne savais pas. M’était-il venu en aide ?
Peut-être oui, peut-être non. Peut-être tout dépendait de moi. Peut-être?
“Oh ! Que tout cela est peu net ! Que c’est angoissant, douloureux. Mais ce n’est pas de la réflexion simplement. La limite est là. Il faut que je sache? Il faut que je sache ! Quelle volonté est là? Que faire ?” »
(p. 245-247)
Première évasion (p. 116-118)
La dernière évasion (p. 365-367)
Extrait court