Collection « Voyage en poche »

  • Par le souffle de Sayat-Nova
  • Yamabushi
  • La Seine en roue libre
  • Jours blancs dans le Hardanger
  • Au nom de Magellan
  • Faussaire du Caire (Le)
  • Ivre de steppes
  • Condor et la Momie (Le)
  • Retour à Kyôto
  • Dolomites
  • Consentement d’Alexandre (Le)
  • Une yourte sinon rien
  • La Loire en roue libre
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Au vent des Kerguelen
  • Centaure de l’Arctique (Le)
  • La nuit commence au cap Horn
  • Bons baisers du Baïkal
  • Nanda Devi
  • Confidences cubaines
  • Pyrénées
  • Seule sur le Transsibérien
  • Dans les bras de la Volga
  • Tempête sur l’Aconcagua
  • Évadé de la mer Blanche (L’)
  • Dans la roue du petit prince
  • Girandulata
  • Aborigènes
  • Amours
  • Grande Traversée des Alpes (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Vers Compostelle
  • Pour tout l’or de la forêt
  • Intime Arabie
  • Voleur de mémoire (Le)
  • Une histoire belge
  • Plus Petit des grands voyages (Le)
  • Souvenez-vous du Gelé
  • Nos amours parisiennes
  • Exploration spirituelle de l’Inde (L’)
  • Ernest Hemingway
  • Nomade du Grand Nord
  • Kaliméra
  • Nostalgie du Mékong
  • Invitation à la sieste (L’)
  • Corse
  • Robert Louis Stevenson
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Sagesse de l’herbe
  • Pianiste d’Éthiopie (Le)
  • Exploration de la Sibérie (L’)
  • Une Parisienne dans l’Himalaya
  • Voyage en Mongolie et au Tibet
  • Madère
  • Ambiance Kinshasa
  • Passage du Mékong au Tonkin
  • Sept sultans et un rajah
  • Ermitages d’un jour
  • Unghalak
  • Pèlerin d’Occident
  • Chaos khmer
  • Un parfum de mousson
  • Qat, honneur et volupté
  • Exploration de l’Australie (L’)
  • Pèlerin d’Orient
  • Cette petite île s’appelle Mozambique
  • Des déserts aux prisons d’Orient
  • Dans l’ombre de Gengis Khan
  • Opéra alpin (L’)
  • Révélation dans la taïga
  • Voyage à la mer polaire
Couverture
François Bernier – Un libertin dans l’Inde moghole :

« La plupart des gentils [hindous] brûlent leurs morts ; néanmoins il y en a qui se contentent de les faire un peu griller avec du chaume sur le bord d’un fleuve, après quoi ils les précipitent du haut en bas d’une rive haute et escarpée ; c’est ce que j’ai vu plusieurs fois sur le Gange, prenant plaisir de voir des troupes de corneilles assister à ces funérailles et voltiger tout autour du cadavre, car c’est là leur proie aussi bien que celle des poissons et des crocodiles. Mais en voici une qui me semble bien meilleure.
Il y a de ces gentils qui, lorsqu’ils s’aperçoivent qu’un malade est sur le point de mourir, le portent sur le bord d’un fleuve (je me suis aussi trouvé une fois à cette barbare façon de faire), lui mettent premièrement les pieds dans l’eau et puis le font couler et avancer jusqu’à la gorge, et lorsqu’ils jugent qu’il s’en va expirer, ils l’enfoncent tout d’un coup dedans et le laissent là, après avoir bien criaillé et battu des mains : c’est, disent-ils, afin que l’âme en sortant soit lavée de toutes les impuretés qu’elle aurait pu contracter dedans le corps. Et ce n’est point seulement une raison du bas peuple : j’ai vu des plus doctes d’entre eux qui la rapportaient sérieusement. Passons à d’autres sortes d’extravagances.
Entre une infinité et diversité très grande de fakirs ou, comme on voudra dire, de pauvres derviches, religieux ou santons gentils des Indes, il y en a grand nombre qui ont comme une espèce de couvent où il y a des supérieurs et où ils font une sorte de vœu de chasteté, pauvreté et obéissance, et qui mènent une vie si étrange que je ne sais si vous le pourrez croire. Ce sont pour l’ordinaire ceux qu’on appelle yogis, comme qui dirait unis avec Dieu ; on en voit quantité de tout nus assis ou couchés les jours et les nuits sur les cendres, et assez ordinairement dessous quelques-uns de ces grands arbres, qui sont sur les bords des talabs ou réservoirs, ou bien dans des galeries qui sont autour de leurs deüras ou temples d’idoles. Il y en a qui ont des cheveux qui leur tombent jusqu’à mi-jambe et qui sont entortillés par branches comme ce grand poil de nos barbets, ou plutôt comme les cheveux de ceux qui ont cette maladie de Pologne qu’on appelle la plique. De ceux-là, j’en ai vu en plusieurs endroits qui tenaient un bras, et quelque fois tous les deux élevés et tendus perpétuellement en haut par-dessus leurs têtes et qui avaient au bout des doigts des ongles entortillés qui étaient plus longs, selon la mesure que j’en ai prise, que la moitié de mon petit doigt. Leurs bras étaient petits et maigres, comme de ces personnes qui meurent étiques, parce qu’ils ne prenaient pas assez de nourriture dans cette posture forcée et contre nature, et ils ne les pouvaient abaisser pour prendre quoi que ce soit, pour boire ni pour manger, parce que les nerfs s’étaient retirés et les jointures s’étaient remplies et séchées. Aussi ont-ils de jeunes novices qui les servent avec des respects très grands comme de saints personnages. Il n’y a Mégère d’Enfer si horrible à voir que ces gens-là tout nus avec leur peau noire, ces grands cheveux, ces fuseaux de bras dans la posture que j’ai dite et ces longs ongles entortillés.
J’ai souvent rencontré à la campagne, et principalement sur les terres des rajas, des bandes de ces fakirs tout nus qui faisaient horreur à voir. Les uns tenaient leurs bras élevés dans la posture que je viens de dire ; les autres avaient leurs horribles cheveux épars, ou bien ils les avaient liés et entortillés à l’entour de leur tête ; quelques autres avaient des massues d’Hercule à la main et quelques autres des peaux de tigre sèches et roides sur leurs épaules. Je les considérais passer ainsi tout nus effrontément au milieu d’une grande bourgade. J’admirais comme les hommes, les femmes et les filles les regardaient indifféremment sans s’émouvoir non plus que quand on voit passer quelques ermites par nos rues, et comme les femmes leur portaient même l’aumône bien dévotement, et les prenaient sans doute pour des saints personnages bien plus sages et bien plus honnêtes que le reste des hommes.
J’en ai vu un fameux assez longtemps dans Delhi nommé Sarmet, qui allait ainsi tout nu par les rues et qui aima mieux enfin se laisser couper le col que de se vêtir, quelques menaces et quelques promesses que lui pût faire Aurangzeb.
J’en ai vu plusieurs qui par dévotion faisaient de longs pèlerinages non seulement tout nus, mais chargés de grosses chaînes de fer, comme celles qu’on met aux pieds des éléphants ; d’autres qui par un vœu particulier se tenaient les sept ou huit jours debout sur leurs jambes, qui devenaient enflées et grosses comme leurs cuisses, sans s’asseoir, ni sans se coucher, ni sans se reposer autrement qu’en se penchant et s’appuyant quelques heures de la nuit sur une corde tendue devant eux ; d’autres qui se tenaient les heures entières sur leurs mains sans branler, la tête en bas et les pieds en haut, et ainsi de je ne sais combien d’autres sortes de postures tellement contraintes et tellement difficiles que nous n’avons bateleurs qui les pussent imiter ; et tout cela, ce semble, par dévotion, comme j’ai dit, et par motif de religion où on n’en saurait seulement découvrir l’ombre.
Toutes ces choses si extraordinaires, à vous dire le vrai, me surprenaient fort dans le commencement : je ne savais qu’en dire et qu’en penser. Tantôt je les considérais comme quelques restes, ou comme les auteurs de cette ancienne et infâme secte cynique, sinon que je ne remarquais en eux que brutalité et ignorance, et qu’ils me semblaient plutôt des arbres qui se remuaient un peu d’un lieu à un autre que des animaux raisonnables ; tantôt je les considérais comme gens entêtés de religion ; mais, comme j’ai déjà dit, je ne pouvais remarquer en tout cela aucune ombre de vraie piété ; tantôt je pensais en moi-même que cette vie paresseuse, fainéante et indépendante de gueux pourrait bien avoir quelque chose d’attrayant ; tantôt que la vanité, qui se fourre partout et qui se trouve aussi souvent sous le manteau rapetassé d’un Diogène que sous les bons habits d’un Platon, pourrait être ce ressort qui faisait jouer tant de machines. Et puis, faisant encore réflexion sur la misérable et austère vie qu’ils menaient, je ne savais plus quel jugement en porter. »
(p. 495-499)

Strabon – Géographie (p. 66-67)
Marco Polo – Le Devisement du monde ou Livre des merveilles (p. 318-321)
Extrait court
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