Double étape :
« Jean-Claude marche derrière moi, à son rythme. J’en profite pour ralentir l’allure, pour marcher lentement et savourer les charmes de la forêt. Je m’amuse à photographier tout ce qui ressemble à un œil : des entailles dans l’écorce d’un arbre, un trou dans un tronc mort, une forme étrange dans un caillou? et je m’imagine que la forêt nous regarde passer, comme dans les dessins de Rackham. Non pas, certes, avec les “yeux” de mes clichés, projection humaine et animiste de notre façon de percevoir et d’appréhender le monde. Mais la forêt a une conscience, et les images d’aujourd’hui ont pour mission de me le rappeler.
J. M. G. Le Clézio écrit que “la magie est consciente ; ce n’est pas la conscience de l’intelligence, ni celle du langage, puisque le monde ne se voit pas lui-même. Ce n’est pas le regard dédoublé des miroirs. La magie est la plus haute forme de la conscience [?], c’est de sentir, d’entendre, de voir. La magie, c’est de vivre avec son cœur, ses poumons, ses viscères, ses nerfs. [?] La magie est dans le vol du milan, dans le zigzag de la mouche, dans la musique des crapauds, dans le corps des lamproies et des gobies, dans les lianes et les ronces, dans les lichens, dans les arbres aux grandes racines. Qui peut connaître les limites du secret ?”
En montant, je revois les lieux fréquentés hier avec nos amis. J’en parle – ou non – à Jean-Claude, concentré sur le chemin. Une montée dans le bois me rappelle Pierre, un rocher étrange un scénario de film de Jonathan, un belvédère, Anthony avec son drone et son appareil reflex au cou. Je ralentis, je fais durer cette journée.
Il ne s’agit pas pour nous d’être visionnaires, ni d’élargir le champ visuel de notre perception, mais d’ouvrir notre cœur à la présence. Le chemin est une quête de vie et de vérité. Il nous met face au présent, pour nous faire participer à la vie et à la vérité de toutes nos rencontres, comme cette fourmi qui fait, sur les ronds d’une souche, le “tour de la prison”. Nous faisons nous aussi, en sillonnant le monde, le tour de notre maison.
Ralentir et faire durer le temps du chemin, pour savourer et assimiler le paysage et ses mystères. “Qui peut connaître les limites du secret ?”
Enrichis de la force de ces montagnes si finement découpées, qui relient la terre au ciel, qui semblent chanter un hymne à la vie et poussent à la contemplation et à la conscience de notre présence au monde, nous redescendons plus heureux. »
Sur les hauteurs de Calvi (p. 27-28)
Au paradis des chevaux sauvages : le Lavu di u Ninu (p. 78-79)
Extrait court
« Jean-Claude marche derrière moi, à son rythme. J’en profite pour ralentir l’allure, pour marcher lentement et savourer les charmes de la forêt. Je m’amuse à photographier tout ce qui ressemble à un œil : des entailles dans l’écorce d’un arbre, un trou dans un tronc mort, une forme étrange dans un caillou? et je m’imagine que la forêt nous regarde passer, comme dans les dessins de Rackham. Non pas, certes, avec les “yeux” de mes clichés, projection humaine et animiste de notre façon de percevoir et d’appréhender le monde. Mais la forêt a une conscience, et les images d’aujourd’hui ont pour mission de me le rappeler.
J. M. G. Le Clézio écrit que “la magie est consciente ; ce n’est pas la conscience de l’intelligence, ni celle du langage, puisque le monde ne se voit pas lui-même. Ce n’est pas le regard dédoublé des miroirs. La magie est la plus haute forme de la conscience [?], c’est de sentir, d’entendre, de voir. La magie, c’est de vivre avec son cœur, ses poumons, ses viscères, ses nerfs. [?] La magie est dans le vol du milan, dans le zigzag de la mouche, dans la musique des crapauds, dans le corps des lamproies et des gobies, dans les lianes et les ronces, dans les lichens, dans les arbres aux grandes racines. Qui peut connaître les limites du secret ?”
En montant, je revois les lieux fréquentés hier avec nos amis. J’en parle – ou non – à Jean-Claude, concentré sur le chemin. Une montée dans le bois me rappelle Pierre, un rocher étrange un scénario de film de Jonathan, un belvédère, Anthony avec son drone et son appareil reflex au cou. Je ralentis, je fais durer cette journée.
Il ne s’agit pas pour nous d’être visionnaires, ni d’élargir le champ visuel de notre perception, mais d’ouvrir notre cœur à la présence. Le chemin est une quête de vie et de vérité. Il nous met face au présent, pour nous faire participer à la vie et à la vérité de toutes nos rencontres, comme cette fourmi qui fait, sur les ronds d’une souche, le “tour de la prison”. Nous faisons nous aussi, en sillonnant le monde, le tour de notre maison.
Ralentir et faire durer le temps du chemin, pour savourer et assimiler le paysage et ses mystères. “Qui peut connaître les limites du secret ?”
Enrichis de la force de ces montagnes si finement découpées, qui relient la terre au ciel, qui semblent chanter un hymne à la vie et poussent à la contemplation et à la conscience de notre présence au monde, nous redescendons plus heureux. »
(p. 177-179)
Sur les hauteurs de Calvi (p. 27-28)
Au paradis des chevaux sauvages : le Lavu di u Ninu (p. 78-79)
Extrait court