Tenir tête :
« — Grecs, Macédoniens, et vous tous qui me faites confiance depuis si longtemps, je vous ai rassemblés ce matin parce que j’entends monter de vos rangs une sourde rumeur de plaintes et de doutes, la peur de ce qui nous attend demain, un vacillement que je ne vous connaissais pas, et je veux que nous en parlions sans détours pour dissiper les ombres, je veux vous donner mon avis, je veux écouter les vôtres afin que nous nous retrouvions sans arrière-pensées pour avancer ou retourner ensemble.
Quoiqu’il n’eût à aucun moment envisagé de tourner casaque avant d’atteindre son but, il valait mieux ménager les susceptibilités.
— Je n’ignore pas, soldats, que ces jours derniers, les peuples de l’Inde ont à dessein répandu une foule de bruits propres à vous effrayer, mais les exagérations et les mensonges ne sont pas pour vous une nouveauté. Rappelez-vous les gorges de la Cilicie, les plaines de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate, l’Indus que nous avons franchi à gué ou sur des ponts, et qui étaient dans les récits des Perses des obstacles si terribles. On vous a décrit des armées gigantesques et vous les avez écrasées, des hordes infernales et vous n’avez rencontré que des hommes. Qui parmi vous, appuya-t-il en balayant l’assemblée de son doigt pointé, qui a vu de ses yeux un seul des animaux monstrueux que prédisaient les fables ? Même les éléphants de Paurava n’ont pas su venir à bout?
Des exclamations révoltées fusèrent çà et là.
— Oui, je sais, ils nous ont mis un moment en péril, mais voyez le carnage qu’ils ont causé dans leurs propres rangs. Qu’importe alors si nous en possédons moins que les Gangarides, s’ils en alignent trois mille, lorsque deux ou trois de ces animaux blessés suffisent à mettre les autres en fuite ? On me rapporte que la masse des troupes ennemies vous épouvante : c’est commencer bien tard à compter ceux d’en face. C’était au moment de traverser l’Hellespont qu’il fallait s’inquiéter de notre faible nombre. Il ne nous a pourtant pas empêché d’écraser les Perses deux mois plus tard au Granique. Nous avons défait les Scythes réputés invincibles et l’Asie reconnut qu’aucune nation n’était capable de nous résister. Maintenant, les Scythes marchent à notre suite, les Bactriens et les Mèdes sont à nous, les Sogdiens et les Arachosiens combattent dans nos rangs. Tant que je me trouverai au milieu de vous sur le champ de bataille, je ne compterai ni mes troupes ni celles des ennemis? Trois mille éléphants, qu’en savez-vous ? Deux cent mille fantassins ? Chaque jour qui passe multiplie leur nombre comme par miracle dans la bouche d’informateurs malhonnêtes et de mystificateurs. Ne laissez pas ces faux prophètes vous dérober l’avenir. Affermissez plutôt votre courage au souvenir des victoires qui nous ont portés jusqu’ici, riches, puissants, invaincus.
Rappelez-vous d’abord, Macédoniens, d’où vous venez. Philippe, mon père, avait reçu en vous des hordes errantes, sans asile fixe, dénuées de tout, couvertes de peaux grossières et faisant paître dans les montagnes de misérables troupeaux que vous disputiez sans grand succès aux Illyriens, aux Triballiens et aux Thraces voisins. Il vous a fait descendre de vos refuges sordides, vêtus, formés, instruits et métamorphosés en un peuple qui rivalisait fièrement avec les Athéniens et les Barbares. Les Thessaliens qui vous faisaient trembler furent assujettis, comme les Thraces qui autrefois vous traitaient en esclaves, et presque toutes les cités de Grèce, qui se soumirent à Philippe, c’est-à-dire à vous.
Voilà qui aurait suffi à plus d’un peuple, mais vous ne pouviez vous contenter de ce sort déjà enviable et je vous ai tiré de Macédoine, je vous ai ouvert l’Hellespont. Ensemble nous avons conquis et conservé le plus vaste des empires jamais créés. L’Ionie, les deux Phrygies, la Cappadoce, la Paphlagonie, la Carie, la Lycie, la Pamphylie, la Phénicie et une part de l’Arabie, tout ce que les Grecs occupaient de la Libye? »
Alexandrie du Caucase (p. 96-98)
Vertige (p. 235-237)
Extrait court
« — Grecs, Macédoniens, et vous tous qui me faites confiance depuis si longtemps, je vous ai rassemblés ce matin parce que j’entends monter de vos rangs une sourde rumeur de plaintes et de doutes, la peur de ce qui nous attend demain, un vacillement que je ne vous connaissais pas, et je veux que nous en parlions sans détours pour dissiper les ombres, je veux vous donner mon avis, je veux écouter les vôtres afin que nous nous retrouvions sans arrière-pensées pour avancer ou retourner ensemble.
Quoiqu’il n’eût à aucun moment envisagé de tourner casaque avant d’atteindre son but, il valait mieux ménager les susceptibilités.
— Je n’ignore pas, soldats, que ces jours derniers, les peuples de l’Inde ont à dessein répandu une foule de bruits propres à vous effrayer, mais les exagérations et les mensonges ne sont pas pour vous une nouveauté. Rappelez-vous les gorges de la Cilicie, les plaines de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate, l’Indus que nous avons franchi à gué ou sur des ponts, et qui étaient dans les récits des Perses des obstacles si terribles. On vous a décrit des armées gigantesques et vous les avez écrasées, des hordes infernales et vous n’avez rencontré que des hommes. Qui parmi vous, appuya-t-il en balayant l’assemblée de son doigt pointé, qui a vu de ses yeux un seul des animaux monstrueux que prédisaient les fables ? Même les éléphants de Paurava n’ont pas su venir à bout?
Des exclamations révoltées fusèrent çà et là.
— Oui, je sais, ils nous ont mis un moment en péril, mais voyez le carnage qu’ils ont causé dans leurs propres rangs. Qu’importe alors si nous en possédons moins que les Gangarides, s’ils en alignent trois mille, lorsque deux ou trois de ces animaux blessés suffisent à mettre les autres en fuite ? On me rapporte que la masse des troupes ennemies vous épouvante : c’est commencer bien tard à compter ceux d’en face. C’était au moment de traverser l’Hellespont qu’il fallait s’inquiéter de notre faible nombre. Il ne nous a pourtant pas empêché d’écraser les Perses deux mois plus tard au Granique. Nous avons défait les Scythes réputés invincibles et l’Asie reconnut qu’aucune nation n’était capable de nous résister. Maintenant, les Scythes marchent à notre suite, les Bactriens et les Mèdes sont à nous, les Sogdiens et les Arachosiens combattent dans nos rangs. Tant que je me trouverai au milieu de vous sur le champ de bataille, je ne compterai ni mes troupes ni celles des ennemis? Trois mille éléphants, qu’en savez-vous ? Deux cent mille fantassins ? Chaque jour qui passe multiplie leur nombre comme par miracle dans la bouche d’informateurs malhonnêtes et de mystificateurs. Ne laissez pas ces faux prophètes vous dérober l’avenir. Affermissez plutôt votre courage au souvenir des victoires qui nous ont portés jusqu’ici, riches, puissants, invaincus.
Rappelez-vous d’abord, Macédoniens, d’où vous venez. Philippe, mon père, avait reçu en vous des hordes errantes, sans asile fixe, dénuées de tout, couvertes de peaux grossières et faisant paître dans les montagnes de misérables troupeaux que vous disputiez sans grand succès aux Illyriens, aux Triballiens et aux Thraces voisins. Il vous a fait descendre de vos refuges sordides, vêtus, formés, instruits et métamorphosés en un peuple qui rivalisait fièrement avec les Athéniens et les Barbares. Les Thessaliens qui vous faisaient trembler furent assujettis, comme les Thraces qui autrefois vous traitaient en esclaves, et presque toutes les cités de Grèce, qui se soumirent à Philippe, c’est-à-dire à vous.
Voilà qui aurait suffi à plus d’un peuple, mais vous ne pouviez vous contenter de ce sort déjà enviable et je vous ai tiré de Macédoine, je vous ai ouvert l’Hellespont. Ensemble nous avons conquis et conservé le plus vaste des empires jamais créés. L’Ionie, les deux Phrygies, la Cappadoce, la Paphlagonie, la Carie, la Lycie, la Pamphylie, la Phénicie et une part de l’Arabie, tout ce que les Grecs occupaient de la Libye? »
(p. 441-443)
Alexandrie du Caucase (p. 96-98)
Vertige (p. 235-237)
Extrait court