
Chunha et Tsetsegmaa :
« Chunha a hérité des épaules de son père – larges comme la steppe. Si, comme tous les gars du coin, il a un physique de déménageur, quand il se déplace et s’assoie, il se coule comme un liquide sur la neige ou le tapis, à l’inverse du bourru Gotov, qui tombe balourdement. Quant à son tempérament et ses manières, Chunha les doit à sa mère. Ainsi, il écoute, parle seulement s’il est consulté, demande rarement et prend peu. On le sait muré dans son silence, mais cet homme au muscle dur n’en est pas moins attentif, déférent même, pour laisser place à l’autre. Chez lui, l’invité trouve sans faute la paix et un sourire complice. Toutefois, ce qui révèle la profondeur du personnage, ce sont ses yeux, pointés sur vous, comme attachés aux vôtres.
Chunha n’est en couple que depuis six ans. Tsetsegmaa, sa femme, est pétrie d’une pâte différente ; pourtant, ils s’accordent merveilleusement. La franchise de leurs sentiments suggère d’ailleurs un amour plus ancien. Quoique, par capillarité, Tsetsegmaa ait pris de la modération chez son époux, ses mouvements ont gardé leur feu. Je ne sais pas si elle nourrit des sentiments plus ardents que les autres mais du moins sont-ils à fleur de peau. La retenue ne lui est de toute façon pas naturelle. À la voir danser à cœur joie à la fête du bag, j’ai su son besoin de rire et de brûler sa jeunesse. Comme Densmaa, elle apporte beaucoup de gaieté dans la famille. La voir travailler est encore plus épatant ; il n’y a personne d’aussi vaillant dans le voisinage. En plus, avec un visage lisse et rond brillant comme du bronze poli, aux traits épais mais harmonieux, des yeux francs taillés en amande au-dessus de pommettes couleur de pêche mûre, elle incarne la splendeur de ces montagnes. Un cou large posé sur une poitrine haute et arrogante finit de l’éloigner des statues de la déesse Tara autant que des œuvres de Modigliani. Mais il s’en dégage une impression générale de vigueur, de santé, ce que confirme son attitude résolue. Nulle grâce de princesse à chercher chez Tsetsegmaa, plutôt la rude et rieuse indépendance des campagnardes avec la beauté d’une fleur éclose.
Ça n’est pas pour la seule fraîcheur de son occupante que j’apprécie la yourte de Chunha. Quoique aussi modeste que la nôtre, elle est toujours impeccable et l’accueil y est magnifique de simplicité. Tsetsegmaa y élève ses deux enfants. L’aîné, Mamuu, a, comme souvent dans le pays, un an de moins à peine que l’union de ses parents. Les familles de Chunha et de son épouse étaient toutes deux originaires du premier bag de Malchin. Petit cercle que celui de ces éleveurs, où tout le monde se connaît. »
L’importance des troupeaux (p. 85-87)
Pépé –lziidelger (p. 121-123)
Extrait court
« Chunha a hérité des épaules de son père – larges comme la steppe. Si, comme tous les gars du coin, il a un physique de déménageur, quand il se déplace et s’assoie, il se coule comme un liquide sur la neige ou le tapis, à l’inverse du bourru Gotov, qui tombe balourdement. Quant à son tempérament et ses manières, Chunha les doit à sa mère. Ainsi, il écoute, parle seulement s’il est consulté, demande rarement et prend peu. On le sait muré dans son silence, mais cet homme au muscle dur n’en est pas moins attentif, déférent même, pour laisser place à l’autre. Chez lui, l’invité trouve sans faute la paix et un sourire complice. Toutefois, ce qui révèle la profondeur du personnage, ce sont ses yeux, pointés sur vous, comme attachés aux vôtres.
Chunha n’est en couple que depuis six ans. Tsetsegmaa, sa femme, est pétrie d’une pâte différente ; pourtant, ils s’accordent merveilleusement. La franchise de leurs sentiments suggère d’ailleurs un amour plus ancien. Quoique, par capillarité, Tsetsegmaa ait pris de la modération chez son époux, ses mouvements ont gardé leur feu. Je ne sais pas si elle nourrit des sentiments plus ardents que les autres mais du moins sont-ils à fleur de peau. La retenue ne lui est de toute façon pas naturelle. À la voir danser à cœur joie à la fête du bag, j’ai su son besoin de rire et de brûler sa jeunesse. Comme Densmaa, elle apporte beaucoup de gaieté dans la famille. La voir travailler est encore plus épatant ; il n’y a personne d’aussi vaillant dans le voisinage. En plus, avec un visage lisse et rond brillant comme du bronze poli, aux traits épais mais harmonieux, des yeux francs taillés en amande au-dessus de pommettes couleur de pêche mûre, elle incarne la splendeur de ces montagnes. Un cou large posé sur une poitrine haute et arrogante finit de l’éloigner des statues de la déesse Tara autant que des œuvres de Modigliani. Mais il s’en dégage une impression générale de vigueur, de santé, ce que confirme son attitude résolue. Nulle grâce de princesse à chercher chez Tsetsegmaa, plutôt la rude et rieuse indépendance des campagnardes avec la beauté d’une fleur éclose.
Ça n’est pas pour la seule fraîcheur de son occupante que j’apprécie la yourte de Chunha. Quoique aussi modeste que la nôtre, elle est toujours impeccable et l’accueil y est magnifique de simplicité. Tsetsegmaa y élève ses deux enfants. L’aîné, Mamuu, a, comme souvent dans le pays, un an de moins à peine que l’union de ses parents. Les familles de Chunha et de son épouse étaient toutes deux originaires du premier bag de Malchin. Petit cercle que celui de ces éleveurs, où tout le monde se connaît. »
(p. 172-173)
L’importance des troupeaux (p. 85-87)
Pépé –lziidelger (p. 121-123)
Extrait court