Collection « Sillages »

  • Namaste
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Épilogue :

« Le jeune ami de Samuel est assis à l’arrière d’une camionnette, sur laquelle est ficelée mon embarcation. La caméra est prête à filmer l’enfant sur le canoë. Ce sera l’image de fin du film retraçant mon aventure. Je cadre un gros plan sur le regard du garçon et lui annonce que mon bateau est à présent le sien. Il ouvre grand ses deux yeux limpides et murmure un timide Spasiba – “Merci”. Puis il s’anime à l’idée de pagayer. Je le retiens un instant, car je veux écrire au feutre indélébile son prénom à l’avant du canoë. Yura devient ainsi le surnom que je n’ai jamais donné à l’embarcation. “Tu t’es toujours appelé Yura !” dis-je à mon canoë, en le remerciant ensuite de nous avoir supportés, Slava et moi, durant de si longs jours sur la Lena. “Je n’oublierai jamais ta présence et ta bravoure !” La tristesse m’envahit au moment de la séparation définitive quand Samuel, désireux de me distraire, me conduit à pied au sommet d’une colline dominant la ville. Je ne suis plus à présent ce navigateur autonome qui sillonne les régions désolées de la Sibérie, mais un citadin qui doit négocier son retour vers la France.
Sur la colline, nous marchons tantôt sur du basalte tranchant, tantôt sur de la mousse détrempée. De nombreux cristaux de roche illuminent le sol moelleux de la toundra et, au loin, les monts de Verkhoïansk sont enneigées. À la vue des paysages et de la beauté de l’horizon bordé par l’océan, je réussis lentement à me libérer du chagrin de la séparation. “Bientôt, me dit Samuel, la banquise viendra se souder à la terre ferme.” Nous apercevons la station polaire de Tiksi, où des chercheurs étudient la faune et la flore de l’Arctique. “Nous sommes au sommet de Lialkin Pup, m’annonce Samuel. C’est une montagne sacrée, vénérée par le peuple iakoute. On y trouve la plante la plus précieuse de la toundra : la racine d’or. C’est une plante médicinale qui soigne toutes les maladies.” J’écoute les propos de mon guide avec sérénité. La dernière vision que j’aurai de la Sibérie sera sans doute cette vue panoramique, englobant l’océan, les plaines de la toundra et la ville de Tiksi. “Sais-tu ce que signifie le mot ‘tiksi’ en langue iakoute ?” me demande Samuel. Je lui réponds négativement. “Dans les temps anciens, m’explique-t-il alors, les Iakoutes avaient coutume de laisser dériver sur la Lena leurs morts dans des cercueils jusqu’ici. Tiksi est donc un lieu où se retrouvent les morts.” Ai-je été mort durant tout mon voyage sur le fleuve ? Je redescends de la montagne avec cette étrange idée qui m’accompagne jusqu’à l’heure de mon départ. Je donne une accolade chaleureuse à Tatiana et à Samuel et leur promets de leur rendre visite dans trois ans, lorsqu’ils seront installés à Moscou. Je suis chargé d’un sac à dos léger, de la pagaie, et de 10 kilos de poisson gelé destiné à Elvira, la fille de Tatiana.
Avant de monter à bord de l’avion, je rencontre le maire de Tiksi. “C’est un meurtrier, murmure Samuel. Il a poignardé un homme pendant une fête?” Tatiana nous suggère de nous taire et sort de la poche de son manteau de fourrure un objet blanc, minuscule. Un autre cadeau qu’elle m’oblige à accepter. C’est une figurine sculptée par un Iakoute, qui représente un petit homme. “C’est en défense de mammouth”, me dit Tatiana. Je saute de joie, tel un enfant, et l’embrasse une nouvelle fois affectueusement.
Six heures d’avion plus tard, je mesure l’isolement des habitants du Grand Nord sibérien en arpentant les rues de la mégalopole. Les Moscovites ont l’esprit dans les embouteillages. Douze millions d’individus fourmillent dans la capitale. Pendant que Samuel collecte sur les plages de l’océan Glacial les écorces de bouleau apportées par la Lena, et rêve d’expéditions au-delà des 20 kilomètres autorisés par Tatiana, sa sœur Elvira essaie de sortir des embouteillages. Bientôt, j’aperçois sur la place Rouge la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux. Elvira me conduit à l’intérieur du monument, où des escaliers sombres nous mènent aux reliques. De vieux livres scellés, datant du XVIe siècle, sont exposés derrière des vitres blindées. Des milliers de touristes immortalisent leur visite en photographiant les objets sacrés. Je dois l’accepter : je redeviens un citadin. J’essuie sur mes chaussures la mousse de la toundra. Les traces de mon immersion dans la nature vont lentement disparaître. Seule l’impression de ces 3 800 kilomètres d’efforts perdurera et se fondra dans mes souvenirs. »
(p. 323-325)

Des chiens et des hommes (p. 56-58)
Sauvé par Nikolaï (p. 172-174)
Extrait court
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