Collection « Sillages »

  • Namaste
  • La 2CV vagabonde
  • Ísland
  • Habiter l’Antarctique
  • Cavalières
  • Damien autour du monde
  • À l’ombre de l’Ararat
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • Carpates
  • Âme du Gange (L’)
  • Pèlerin de Shikoku (Le)
  • Ivre de steppes
  • Tu seras un homme
  • Arctic Dream
  • Road Angels
  • L’ours est mon maître
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • Cavalier des steppes
  • Odyssée amérindienne (L’)
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborigènes
  • Diagonale eurasienne
  • Brasil
  • Route du thé (La)
  • Dans les pas de l’Ours
  • Kamtchatka
  • Coureur des bois
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Siberia
  • Sur la route again
  • À l’écoute de l’Inde
  • Seule sur le Transsibérien
  • Rivages de l’Est
  • Solitudes australes
  • Espíritu Pampa
  • À l’auberge de l’Orient
  • Sans escale
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Errance amérindienne
  • Sibériennes
  • Unghalak
  • Nomade du Grand Nord
  • Sous l’aile du Grand Corbeau
  • Au cœur de l’Inde
  • Pèlerin d’Orient
  • Pèlerin d’Occident
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Au vent des Kerguelen
  • Volta (La)
  • Par les sentiers de la soie
  • Atalaya
  • Voie des glaces (La)
  • Grand Hiver (Le)
  • Maelström
  • Au gré du Yukon
Couverture
Avec les pétrels :

« La vie n’a pas disparu pour autant. Nageant à coups énergiques de leurs petites pattes, les pétrels approchent. Je les compte : une quarantaine en tout. Tout doucement, timidement, ils s’approchent. À une vingtaine de mètres du voilier, ils s’arrêtent. J’essaie de les ignorer. C’est que j’ai des choses plus importantes à faire, comme lire ou construire une maquette. Mais il est difficile d’ignorer des visiteurs si désirés ! Trois oiseaux se séparent du groupe et s’approchent encore. Je ne peux pas ne pas les voir. Les minutes passent, les heures peut-être. Qu’importe ? Les trois pétrels sont là, à portée d’aile. Ils n’ont pas pu connaître Moitessier, et pourtant ils me font le même coup : charmer un humain un jour de calme plat. Me voilà en train de leur émietter du pain, de leur lancer des raisins secs et des morceaux de sardine. Ils plongent la tête sous l’eau mais ne mangent rien. Ils n’ont pas faim, ou bien ce que je leur propose ne leur convient pas. Bernard les avait bien nourris, lui. Peut-être sont-ils tout simplement curieux aujourd’hui. Poussant leur tête en avant ils crient, ce couinement de machine à coudre mal huilée qui les a fait surnommer shoemakers – “cordonniers” – par les Anglais.
Allongé sur le pont, je les regarde. J’ai laissé tomber mes projets de lecture et de bricolage, et tous les autres à venir. Je me laisse apprivoiser. Peut-être ces oiseaux croient-ils que je suis moi-même un genre de gros volatile. Nous nous regardons, et seules les pulsations de la houle rythment le défilement du temps. Quelque chose d’important se prépare. Cette mise en scène, la mer qui retrouve son bleu, la vraie nuit de sommeil, le vent qui faiblit jusqu’à s’évanouir, tout cela, s’il est le fruit du hasard, laisse présager un événement de premier ordre. Non pas du mauvais temps, ou un accident. Non pas quelque chose de matériel. Je pense plutôt à une anecdote que le filtre du temps replacera à sa juste valeur dans mon existence.
Comment vis-tu oiseau ? Sur le même océan, nous menons la même vie d’errance ; aujourd’hui, le calme t’empêche de voler, et moi de naviguer, nous réunissant malgré l’immensité de l’océan. Quelle est la différence entre toi et moi ? Nous sommes deux êtres vivants, mus par la même curiosité. Car il y a de la curiosité chez mon pétrel ; d’ailleurs, il approche encore. Nos regards se croisent. Mieux, ils sont plongés l’un dans l’autre, au plus profond de nos êtres, fouillant nos vies, peut-être en quête d’une âme sœur. Lui aussi a sa vie, ses joies, ses peines, ses pensées, ses désirs, ses regrets. Il doit être content de m’observer depuis si longtemps, sinon pourquoi resterait-il ? On n’imagine pas ce qu’on peut échanger par le regard avec un oiseau. Le pétrel et moi demeurons silencieux. À quoi bon de vaines paroles, alors que nous nous disons tant de choses avec les yeux ? Des choses vraies, des choses sur l’égalité des espèces. Je ne veux pas refaire l’erreur commise avec la dorade. Je n’ai pas envie de lui prendre sa vie pour le manger, ni le perturber ou le provoquer, encore moins lui faire peur pour me prouver que je suis le plus fort. En vérité, le plus fort de nous deux, c’est lui. Le pétrel vit dans ce milieu mouvant sans aucun artifice, conforme à sa nature, tandis que je ne me maintiens sur la mer depuis si longtemps que grâce à mon bateau. »
(p. 88-90)

Robinson de Trindade ? (p. 58-59)
Coup de vent nocturne (p. 135-137)
Extrait court
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