Sous de divins auspices :

« La traversée des États de l’Andhra Pradesh, de l’Odisha, du Jharkhand et du Bihar sera longue. Notre itinéraire remonte la quasi-totalité du pays jusqu’au Gange, aux confins du Népal. Ces régions très rurales que nous nous apprêtons à traverser ne connaissent aucun tourisme. C’est justement cette authenticité que nous recherchons, et elle nous est offerte par une unique voie d’accès. À notre étonnement, les routes de l’Andhra Pradesh sont relativement bonnes. C’est aux abords des forêts que nous établissons nos bivouacs. Les paysans des villages environnants passent accompagnés de leurs buffles lourdement attelés ou de leurs chèvres intrépides. Étonnés par notre installation, ils nous mettent parfois en garde contre les menaces animales ou humaines : “Le lieu est truffé de cobras”, “Le secteur est dangereux”, “Ne dormez surtout pas à même le sol”. En ce qui concerne les cobras, aucun doute sur le bien-fondé des alertes ; nous en croisons régulièrement, et le sol est jonché de cavités qui leur servent d’abris. Quant aux hommes, nous comprendrons plus tard les inquiétudes de nos messagers.
Finalement, c’est la température infernale et l’absence totale de flux d’air qui seront la cause de nos nuits blanches.
Au matin encore, c’est le corps brûlant et liquéfié que j’ouvre les yeux bouffis par l’insomnie. Coralie dort toujours. Les premiers villageois mènent leurs bestiaux aux cultures. Le soleil reste dissimulé derrière les collines. Je contemple la force de ces hommes et de leurs bêtes de somme ; leurs corps sont sculptés par la rigueur du travail et du climat. L’eau du thé frémit quand les premiers rayons du soleil s’abattent sur la plaine, promesse d’une nouvelle journée étouffante. »

Un Noël dans les nuages (p. 45-47)
Des îles aux galères (p. 269-270)
Extrait court