Des effets de la mondialisation :
« De tout ce défilé de portraits, de symboles et de témoignages, parcourus par les effluves vineux soufflés des quatre points cardinaux, on ressort avec l’intime conviction qu’il nous faudra désormais nous conformer à l’inévitable globalisation mondiale. Les schémas qui ont prévalu ces dernières décennies vont être bousculés avec la puissante émergence des pays asiatiques. Robert Parker et consorts sont vieillissants, leurs appréciations techniques et gustatives sont remises en question face aux particularités du gigantesque marché qui se développe en Extrême-Orient. On définit encore assez mal les attentes des Chinois et les caractéristiques de leur consommation, mais tout laisse à penser que leurs pratiques culturelles vont bouleverser les codes usuels. Avec près d’un milliard et demi d’habitants, les affairistes se frottent les mains et cette manne financière fait rêver les investisseurs, les exportateurs et les spéculateurs de tout bord. Certes, la consommation annuelle par habitant est actuellement estimée à 1,2 litre et l’on n’assiste qu’aux balbutiements, mais tous les espoirs sont permis pour ceux qui se plaisent à faire pisser la vigne et à remplir leur compte en banque. Les autorités gouvernementales chinoises ont décidé de favoriser le vin pour des raisons de santé publique. Le baiju, boisson très alcoolisée à base de riz, est majoritairement prisé mais provoque des dégâts sanitaires considérables. Dans un pays où il n’existe aucun interdit sur la consommation d’alcool, on préfère déplacer le problème vers une boisson moins forte dont on n’hésite pas à vanter les vertus sanitaires. Le vin est en effet présenté comme un vecteur de bonne santé et de longévité, après avoir été longtemps un produit occidental bourgeois selon l’idéologie communiste. Tout en permettant de préserver les rizières qu’il vaut mieux consacrer à l’alimentation, les vignobles permettent de rentabiliser les terres dites “pauvres” qui sont désormais plantées sur plus de 600 000 hectares, principalement dans la province de Shandong, mais aussi dans les régions de Hebei et du Xinjiang. Près de 70 % des vins consommés en Chine sont des productions locales. Les superficies y sont impressionnantes. Pour exemple, le domaine de Huang Heyang, situé dans la province du Gansu, s’étend sur 54 000 hectares et produit plus de 17 000 tonnes de vin rouge. Tout est planté en cabernet sauvignon, muscat, chardonnay et riesling. Les méthodes de vinification s’apparentent évidemment aux techniques françaises, voire bordelaises. Pour mettre un pied sur ce territoire encore neuf, presque vierge, plusieurs sociétés hexagonales ont déjà commencé à travailler en s’associant à des financiers locaux, notamment les groupes Pernod-Ricard ou Castel qui ont rejoint respectivement la Beijing Winery et le Yantai Changyu Group. Mais outre ce souci de salubrité et cette réorganisation de l’espace agricole, le fait de boire du vin dans la nouvelle Chine consumériste est un moyen de se distinguer et de s’élever socialement. Cela touche principalement les classes moyennes et supérieures urbaines qui affirment ainsi leur accession au luxe et au prestige. Un autre phénomène vient s’ajouter à l’engouement pour le vin avec cette culture singulière du cadeau d’entreprise. La plupart des bouteilles, qu’elles soient chinoises ou étrangères, sont distribuées selon ce système économique très particulier régissant les relations sociales et interprofessionnelles. Symbole de la réussite et de la modernité, le flacon se retrouve alors exposé chez soi, dans une vitrine, sans forcément être bu. »
Fuir l’ivresse (p. 35-37)
“Boursouflure sémantique” (p. 82-86)
Extrait court
« De tout ce défilé de portraits, de symboles et de témoignages, parcourus par les effluves vineux soufflés des quatre points cardinaux, on ressort avec l’intime conviction qu’il nous faudra désormais nous conformer à l’inévitable globalisation mondiale. Les schémas qui ont prévalu ces dernières décennies vont être bousculés avec la puissante émergence des pays asiatiques. Robert Parker et consorts sont vieillissants, leurs appréciations techniques et gustatives sont remises en question face aux particularités du gigantesque marché qui se développe en Extrême-Orient. On définit encore assez mal les attentes des Chinois et les caractéristiques de leur consommation, mais tout laisse à penser que leurs pratiques culturelles vont bouleverser les codes usuels. Avec près d’un milliard et demi d’habitants, les affairistes se frottent les mains et cette manne financière fait rêver les investisseurs, les exportateurs et les spéculateurs de tout bord. Certes, la consommation annuelle par habitant est actuellement estimée à 1,2 litre et l’on n’assiste qu’aux balbutiements, mais tous les espoirs sont permis pour ceux qui se plaisent à faire pisser la vigne et à remplir leur compte en banque. Les autorités gouvernementales chinoises ont décidé de favoriser le vin pour des raisons de santé publique. Le baiju, boisson très alcoolisée à base de riz, est majoritairement prisé mais provoque des dégâts sanitaires considérables. Dans un pays où il n’existe aucun interdit sur la consommation d’alcool, on préfère déplacer le problème vers une boisson moins forte dont on n’hésite pas à vanter les vertus sanitaires. Le vin est en effet présenté comme un vecteur de bonne santé et de longévité, après avoir été longtemps un produit occidental bourgeois selon l’idéologie communiste. Tout en permettant de préserver les rizières qu’il vaut mieux consacrer à l’alimentation, les vignobles permettent de rentabiliser les terres dites “pauvres” qui sont désormais plantées sur plus de 600 000 hectares, principalement dans la province de Shandong, mais aussi dans les régions de Hebei et du Xinjiang. Près de 70 % des vins consommés en Chine sont des productions locales. Les superficies y sont impressionnantes. Pour exemple, le domaine de Huang Heyang, situé dans la province du Gansu, s’étend sur 54 000 hectares et produit plus de 17 000 tonnes de vin rouge. Tout est planté en cabernet sauvignon, muscat, chardonnay et riesling. Les méthodes de vinification s’apparentent évidemment aux techniques françaises, voire bordelaises. Pour mettre un pied sur ce territoire encore neuf, presque vierge, plusieurs sociétés hexagonales ont déjà commencé à travailler en s’associant à des financiers locaux, notamment les groupes Pernod-Ricard ou Castel qui ont rejoint respectivement la Beijing Winery et le Yantai Changyu Group. Mais outre ce souci de salubrité et cette réorganisation de l’espace agricole, le fait de boire du vin dans la nouvelle Chine consumériste est un moyen de se distinguer et de s’élever socialement. Cela touche principalement les classes moyennes et supérieures urbaines qui affirment ainsi leur accession au luxe et au prestige. Un autre phénomène vient s’ajouter à l’engouement pour le vin avec cette culture singulière du cadeau d’entreprise. La plupart des bouteilles, qu’elles soient chinoises ou étrangères, sont distribuées selon ce système économique très particulier régissant les relations sociales et interprofessionnelles. Symbole de la réussite et de la modernité, le flacon se retrouve alors exposé chez soi, dans une vitrine, sans forcément être bu. »
(p. 57-60)
Fuir l’ivresse (p. 35-37)
“Boursouflure sémantique” (p. 82-86)
Extrait court