Fuir l’ivresse :
« Au cours d’un repas, rien n’est plus français que de rendre hommage à la cuisine en évoquant d’autres plats analogues ou recettes similaires. Tout en mangeant, on aime à parler gastronomie et souvenirs de table. On observe le même phénomène quand apparaît la bouteille. Il y a toujours un petit répit dans la conversation au moment où on le verse, pour le seul plaisir de l’entendre chanter et d’observer son tourbillon dans le verre. La première gorgée est à peine avalée que déjà surgissent les commentaires. Tout le monde s’autorise à donner un avis, que ce soit un discours sur ses qualités aromatiques ou une simple moue dubitative. Puis viennent les inévitables comparaisons, l’évocation de breuvages du passé, les recommandations de bonnes adresses? L’alcool aidant, les buveurs aiment à se griser de mots. En fin de soirée, il n’est pas rare que les théories soient scabreuses, le lexique chaviré et l’élocution empâtée. Le plus affligeant, dans ces moments où le vin est bu sur parole, c’est d’entendre parler d’un “p’tit pinard dont tu m’diras des nouvelles”. Si tel est le cas, je m’éclipse après avoir ingurgité un grand verre d’eau.
Je suis convaincu qu’il ne faut jamais ouvrir une bouteille avec l’envie de s’enivrer. C’est un des rares principes auxquels il faudrait nous tenir. L’ivresse peut advenir mais elle n’est pas invitée. On ne doit pas la chercher ni la désirer. On ne la refuse pas pour autant, on ne fait pas d’effort particulier pour lui échapper mais on peut se passer d’elle. Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit tous ceux qui traversent leur existence à l’ignorer, à la bouder ou à la fustiger. Je connais des abstèmes qui jouissent de leur isolement, qui affichent leur joie morbide dans le refus de l’alcool et de la griserie. Leur renoncement est libre, consenti et solide. Comble du paradoxe, certains vont même jusqu’à posséder une cave pour recevoir leurs amis. Ceux-là sont très rares mais j’en fréquente un dont l’abstinence est sereine. Il se contente d’eau et de jus de fruits, parfois d’un soda quand la fête est folle. Il s’appelle Olivier. Un joli nom d’arbre qui se marie bien avec la vigne. »
Des effets de la mondialisation (p. 57-60)
“Boursouflure sémantique” (p. 82-86)
Extrait court
« Au cours d’un repas, rien n’est plus français que de rendre hommage à la cuisine en évoquant d’autres plats analogues ou recettes similaires. Tout en mangeant, on aime à parler gastronomie et souvenirs de table. On observe le même phénomène quand apparaît la bouteille. Il y a toujours un petit répit dans la conversation au moment où on le verse, pour le seul plaisir de l’entendre chanter et d’observer son tourbillon dans le verre. La première gorgée est à peine avalée que déjà surgissent les commentaires. Tout le monde s’autorise à donner un avis, que ce soit un discours sur ses qualités aromatiques ou une simple moue dubitative. Puis viennent les inévitables comparaisons, l’évocation de breuvages du passé, les recommandations de bonnes adresses? L’alcool aidant, les buveurs aiment à se griser de mots. En fin de soirée, il n’est pas rare que les théories soient scabreuses, le lexique chaviré et l’élocution empâtée. Le plus affligeant, dans ces moments où le vin est bu sur parole, c’est d’entendre parler d’un “p’tit pinard dont tu m’diras des nouvelles”. Si tel est le cas, je m’éclipse après avoir ingurgité un grand verre d’eau.
Je suis convaincu qu’il ne faut jamais ouvrir une bouteille avec l’envie de s’enivrer. C’est un des rares principes auxquels il faudrait nous tenir. L’ivresse peut advenir mais elle n’est pas invitée. On ne doit pas la chercher ni la désirer. On ne la refuse pas pour autant, on ne fait pas d’effort particulier pour lui échapper mais on peut se passer d’elle. Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit tous ceux qui traversent leur existence à l’ignorer, à la bouder ou à la fustiger. Je connais des abstèmes qui jouissent de leur isolement, qui affichent leur joie morbide dans le refus de l’alcool et de la griserie. Leur renoncement est libre, consenti et solide. Comble du paradoxe, certains vont même jusqu’à posséder une cave pour recevoir leurs amis. Ceux-là sont très rares mais j’en fréquente un dont l’abstinence est sereine. Il se contente d’eau et de jus de fruits, parfois d’un soda quand la fête est folle. Il s’appelle Olivier. Un joli nom d’arbre qui se marie bien avec la vigne. »
(p. 35-37)
Des effets de la mondialisation (p. 57-60)
“Boursouflure sémantique” (p. 82-86)
Extrait court