Synchronicités providentielles :
« Après deux nuits festives, une découverte de l’architecture soviétique de la capitale slovaque, toute de blocs bétonnés, il me faut envisager le retour. Je tends le pouce. Sur le trajet, deux ingénieurs manquent de m’embaucher, convaincus qu’oser un tel voyage est la meilleure des cartes de visite. Les nœuds routiers de la frontière franco-allemande m’incitent à changer d’itinéraire. Je frôle le Luxembourg et la Belgique quand m’embarque l’avant-dernier conducteur de cette folle aventure. Quelle probabilité pour que nos trajectoires se croisent ? Quelle chance qu’il me fournisse une clé qui allait changer le cours de ma vie ? Discutant voyage, je lui dis mon envie d’un grand périple après mes études. Il me parle de son fils, ingénieur, ayant eu ce rêve et trop vite coincé par une offre d’emploi, qui aujourd’hui regrette, et me convainc de travailler solidement mon projet pour ne pas le voir s’envoler. Sans son conseil judicieux, je n’aurais sûrement pas entrepris un tour du monde à vélo, ni le film documentaire qui en a résulté, trop enfermé dans une carrière scientifique? La vie, parfois, ne tient qu’à un fil, mais quel fil ! Et le stop m’a maintes fois permis de m’en rendre compte. Quand, conducteur après conducteur, lieu d’attente après lieu d’attente, je me retrouve exactement au bon endroit, au bon moment, j’aime à me remémorer l’enchaînement des circonstances qui m’ont permis d’arriver, et dont chaque maillon, chaque petite décision est un élément essentiel : le choix d’un emplacement pour lever le pouce, celui de chaque conducteur de s’arrêter, jusqu’à l’heure du départ initial. Sans ces convergences de destin, comment ces rencontres auraient-elles pu se produire ? À l’identique, la vie me semble peuplée de croisements et de hasards opportuns, de signes qui ne trompent pas. Seulement l’atmosphère est plus maîtrisée, chaque chose est plus facilement explicable grâce à une logique qui rend les liens moins visibles. En stop, ils sont comme mis à nu et deviennent une évidence.
On retrouve ces synchronicités chez Carl Gustav Jung, père de la psychologie analytique, pour qui ces occurrences simultanées sans causalité commune ont un rôle de guidage dans le processus de changement psychique de ses patients. Tout comme les rêves prémonitoires et les pressentiments, elles sont communication de notre inconscient. Cette approche est étayée par les découvertes de la physique quantique, notamment celles qui montrent l’influence de l’observateur sur l’observation. Ces interrelations sont détaillées par Deepak Chopra dans son Livre des coïncidences, que l’on me conseilla de lire un jour? en stop. Elles sont devenues pour moi de petites balises éclairant mes directions, avec parfois une pointe d’humour. Au terme d’une très décevante table ronde sur l’agriculture, c’est sur le trajet du retour que j’obtins les réponses aux questions qui me taraudaient. Sur les six automobilistes qui s’arrêtèrent pour me prendre, cinq travaillaient de près ou de loin dans l’agriculture. Commercialisation de vin, direction d’usines agro-industrielles, maintien d’une petite exploitation engagée, conseil clientèle dans une banque agricole ou promotion d’une start-up innovant dans les engrais bio : leurs profils, des plus varié, me permirent un tour d’horizon de la profession. Pirouette céleste rappelant la primauté des apprentissages de terrain sur les cours magistraux ? Appel de mon inconscient à persévérer dans ce champ d’investigation ? Plus qu’un long déplacement de Montpellier à Angers, ou qu’un bel apprentissage, ce voyage m’a confirmé dans ma trajectoire. Au fil du temps, j’ai appris de l’auto-stop une écoute particulière, une attention aux événements, à ce qu’ils peuvent signifier dans mon parcours de vie.
Comment, même, ne pas voir dans les synchronicités du stop la main d’une certaine providence ? Le mot peut faire peur. À croire que notre laïcisme forcené a étouffé la magie, le sens et le spirituel. Voyageons, prenons un peu de hauteur. Dans de nombreuses représentations, la providence est considérée comme la volonté douce d’un démiurge. On l’appelle Dieu, Terre Mère, principe universel, Allah, âme du monde, ou de diverses autres façons, trop humaines, inventées pour qualifier l’inimaginable. Ce germe créateur nous oriente vers la croissance de l’arbre des possibles de notre destin. “Quand tu veux quelque chose, tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir”, explicite Paulo Coelho dans son conte philosophique L’Alchimiste. Parti en quête d’un trésor personnel, le jeune berger Santiano découvre que “dans la vie, tout est signe”. Il aiguise son regard pour mieux suivre les indications qui, de l’Espagne à l’Égypte, vont le mener vers lui-même. “Personne ne peut fuir son cœur. C’est pourquoi il vaut mieux écouter ce qu’il dit.” Quittant la maîtrise de sa vie, il épouse peu à peu son destin, qui, loin d’être une contrainte enfermante, sera son véritable espace d’épanouissement, par-delà les voiles de l’illusion. »
Le stop comme respiration : entre intensité et vide (p. 54-59)
En quête de dévoilement (p. 59-61)
Extrait court
« Après deux nuits festives, une découverte de l’architecture soviétique de la capitale slovaque, toute de blocs bétonnés, il me faut envisager le retour. Je tends le pouce. Sur le trajet, deux ingénieurs manquent de m’embaucher, convaincus qu’oser un tel voyage est la meilleure des cartes de visite. Les nœuds routiers de la frontière franco-allemande m’incitent à changer d’itinéraire. Je frôle le Luxembourg et la Belgique quand m’embarque l’avant-dernier conducteur de cette folle aventure. Quelle probabilité pour que nos trajectoires se croisent ? Quelle chance qu’il me fournisse une clé qui allait changer le cours de ma vie ? Discutant voyage, je lui dis mon envie d’un grand périple après mes études. Il me parle de son fils, ingénieur, ayant eu ce rêve et trop vite coincé par une offre d’emploi, qui aujourd’hui regrette, et me convainc de travailler solidement mon projet pour ne pas le voir s’envoler. Sans son conseil judicieux, je n’aurais sûrement pas entrepris un tour du monde à vélo, ni le film documentaire qui en a résulté, trop enfermé dans une carrière scientifique? La vie, parfois, ne tient qu’à un fil, mais quel fil ! Et le stop m’a maintes fois permis de m’en rendre compte. Quand, conducteur après conducteur, lieu d’attente après lieu d’attente, je me retrouve exactement au bon endroit, au bon moment, j’aime à me remémorer l’enchaînement des circonstances qui m’ont permis d’arriver, et dont chaque maillon, chaque petite décision est un élément essentiel : le choix d’un emplacement pour lever le pouce, celui de chaque conducteur de s’arrêter, jusqu’à l’heure du départ initial. Sans ces convergences de destin, comment ces rencontres auraient-elles pu se produire ? À l’identique, la vie me semble peuplée de croisements et de hasards opportuns, de signes qui ne trompent pas. Seulement l’atmosphère est plus maîtrisée, chaque chose est plus facilement explicable grâce à une logique qui rend les liens moins visibles. En stop, ils sont comme mis à nu et deviennent une évidence.
On retrouve ces synchronicités chez Carl Gustav Jung, père de la psychologie analytique, pour qui ces occurrences simultanées sans causalité commune ont un rôle de guidage dans le processus de changement psychique de ses patients. Tout comme les rêves prémonitoires et les pressentiments, elles sont communication de notre inconscient. Cette approche est étayée par les découvertes de la physique quantique, notamment celles qui montrent l’influence de l’observateur sur l’observation. Ces interrelations sont détaillées par Deepak Chopra dans son Livre des coïncidences, que l’on me conseilla de lire un jour? en stop. Elles sont devenues pour moi de petites balises éclairant mes directions, avec parfois une pointe d’humour. Au terme d’une très décevante table ronde sur l’agriculture, c’est sur le trajet du retour que j’obtins les réponses aux questions qui me taraudaient. Sur les six automobilistes qui s’arrêtèrent pour me prendre, cinq travaillaient de près ou de loin dans l’agriculture. Commercialisation de vin, direction d’usines agro-industrielles, maintien d’une petite exploitation engagée, conseil clientèle dans une banque agricole ou promotion d’une start-up innovant dans les engrais bio : leurs profils, des plus varié, me permirent un tour d’horizon de la profession. Pirouette céleste rappelant la primauté des apprentissages de terrain sur les cours magistraux ? Appel de mon inconscient à persévérer dans ce champ d’investigation ? Plus qu’un long déplacement de Montpellier à Angers, ou qu’un bel apprentissage, ce voyage m’a confirmé dans ma trajectoire. Au fil du temps, j’ai appris de l’auto-stop une écoute particulière, une attention aux événements, à ce qu’ils peuvent signifier dans mon parcours de vie.
Comment, même, ne pas voir dans les synchronicités du stop la main d’une certaine providence ? Le mot peut faire peur. À croire que notre laïcisme forcené a étouffé la magie, le sens et le spirituel. Voyageons, prenons un peu de hauteur. Dans de nombreuses représentations, la providence est considérée comme la volonté douce d’un démiurge. On l’appelle Dieu, Terre Mère, principe universel, Allah, âme du monde, ou de diverses autres façons, trop humaines, inventées pour qualifier l’inimaginable. Ce germe créateur nous oriente vers la croissance de l’arbre des possibles de notre destin. “Quand tu veux quelque chose, tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir”, explicite Paulo Coelho dans son conte philosophique L’Alchimiste. Parti en quête d’un trésor personnel, le jeune berger Santiano découvre que “dans la vie, tout est signe”. Il aiguise son regard pour mieux suivre les indications qui, de l’Espagne à l’Égypte, vont le mener vers lui-même. “Personne ne peut fuir son cœur. C’est pourquoi il vaut mieux écouter ce qu’il dit.” Quittant la maîtrise de sa vie, il épouse peu à peu son destin, qui, loin d’être une contrainte enfermante, sera son véritable espace d’épanouissement, par-delà les voiles de l’illusion. »
(p. 27-31)
Le stop comme respiration : entre intensité et vide (p. 54-59)
En quête de dévoilement (p. 59-61)
Extrait court