Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Vie des cimetières (La)
  • Éclat du rire (L’)
  • Clameur du monde (La)
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • Engagement humanitaire (L’)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
La poésie du mode :

« Henri Bergson a étudié le rire. Son livre est ardu, certes, mais à éplucher quand on prétend en faire son métier. Ce philosophe français des années 1900 a cherché en horloger de l’humanité à découvrir le ressort du rire. Pourquoi cet éclat de voix ? La première constatation passionnante est celle-ci : on ne rit que du champ humain. On ne se moque pas d’un paysage, d’une plante, d’une pierre, d’une planète. Et s’il nous arrive de rire d’un animal, c’est parce qu’il ressemble à un humain. Formidable. Quand on sait déjà que “Le rire est le propre de l’homme”, voilà qu’on apprend que l’objet du rire, surtout, est le propre de l’homme. Et tout ceci ne peut prendre que la dimension d’un miroir. Si je ris de ce que je vois, c’est bien souvent parce que je m’y retrouve. Le rire n’est rien d’autre que le reflet de notre relation au monde. Serions-nous racistes qu’une blague raciste nous ferait rire. Idem avec toute situation. Je vais donc pleurer de ce qui fera rire mon voisin. Les exemples fusent et nous le savons (de Marseille) : cette parenthèse ne fera pas rire dans les Bouches-du-Rhône. C’est ce qui rend tout humour subjectif. Et là, en cette qualité précisément, le rire rejoint la beauté.
Mais il apparaît un élément important et quasi universel, signale Bergson : la surprise. Je crois connaître la réalité, je sais ce qui va arriver, et voilà qu’elle m’attrape par le col. Un exemple ? Le fabuleux film Funny Bones met en place deux frères : l’un est comique de métier (et se plante lamentablement à Las Vegas) ; l’autre, simple balayeur, est comique de nature et l’ignore. Quand un psychologue lui pose la question “Il y a un intrus dans la série suivante : maison, garage, église ET chien. Lequel ?” il répond ET. On éclate de rire et on ne peut que lui donner raison. Le poète devient roi du monde, le clown a tout compris des mécaniques, le fou devient l’empereur.
La surprise donc. La tarte à la crème qui ne finit pas en bouche. La plaque d’égout ouverte sous les pas du quidam. Buster Keaton en scaphandrier qui vide son seau alors qu’il est au fond de la mer ; Grock qui, trop éloigné du piano pour en jouer, rapproche les 800 kilos de l’instrument plutôt que son tabouret. L’absurde. L’avion bricolé qui chute plutôt que de voler.
Les personnes qui ne comprennent pas ou ne se laissent pas aller à la poésie du moment clament : “C’est idiot, ce n’est pas logique d’agir comme ça, non, ça ne me fait pas rire !” Ils ont déjà un doigt de trop dans la mécanisation du monde. Aïe, Bergson dénonce cette mécanisation en 1900. Qu’en dirait-il au XXIe siècle ? Notre paysage déborde de machines et celles-ci remplacent nos cœurs et nos mains. Si le chômage augmente, c’est que la mécanisation du monde a lieu, et l’intelligence artificielle forge sa suprématie. S’il nous reste un territoire, et Bergson le savait, c’est bien celui du rire.

Oui, le rire est l’acceptation de la poésie du monde. La montgolfière de nos bouches nous entraîne vers une autre logique. Oui, le fou a raison, et tout devient possible. Les poètes hilarants (de la Baltique) sont pionniers face au moteur à essence, aux cheminées qui fument, aux usines sans ouvriers, aux robots, à l’ia même, car ils répondent à l’automatisation – autorégulation – automobilisation de notre humanité par la sincérité, par l’improvisation, par la spontanéité, par la surprise, toutes qualités impossibles (et, je l’espère, non recherchées) de l’IA. Non, celle-ci ne remplacera jamais un sourire en coin de l’œil, une réponse de fou, une métaphore (poil au Bosphore) parce que ce n’est pas logique. Et c’est tant mieux. »
(p. 22-25)

Cent blagues (p. 61-65)
Changer le monde (p. 82-86)
Extrait court
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