Collection « Petite philosophie du voyage »

  • Défis de la course (Les)
  • Écho des bistrots (L’)
  • Quête du naturaliste (La)
  • Instinct de la glisse (L’)
  • Vertiges de la forêt (Les)
  • Voyage en famille (Le)
  • Tao du vélo (Le)
  • Parfum des îles (Le)
  • Appel de la route (L’)
  • Bonheurs de l’aquarelle (Les)
  • Euphorie des cimes (L’)
  • Malices du fil (Les)
  • Ivresse de la marche (L’)
  • Force du silence (La)
  • Secret des pierres (Le)
  • Frénésie du windsurf (La)
  • Prouesses de l’apnée (Les)
  • Vie en cabane (La)
  • Fureur de survivre (La)
  • Art de la trace (L’)
  • Voyage dans l’espace (Le)
  • Ronde des phares (La)
  • Frisson de la moto (Le)
  • Légèreté du parapente (La)
  • Poésie du rail (La)
  • Hymne aux oiseaux (L’)
  • L’Engagement humanitaire
  • Grâce de l’escalade (La)
  • Temps du voyage (Le)
  • Vertu des steppes (La)
  • Facéties du stop (Les)
  • Cantique de l’ours (Le)
  • Esprit du geste (L’)
  • Écriture de l’ailleurs (L’)
  • Rythme de l’âne (Le)
  • Chant des voiles (Le)
  • Liberté du centaure (La)
  • Tour du monde (Le)
  • Fièvre des volcans (La)
  • Extase du plongeur (L’)
  • Tentation du jardin (La)
  • Vie à la campagne (La)
  • Murmure des dunes (Le)
  • Goût de la politesse (Le)
  • Caresse de l’onde (La)
  • Magie des grimoires (La)
  • Audaces du tango (Les)
  • Simplicité du kayak (La)
  • Voyage immobile (Le)
  • Attrait des gouffres (L’)
  • Soif d’images (La)
  • Mémoire de la Terre (La)
  • Enchantement de la rivière (L’)
  • Prodige de l’amitié (Le)
  • Promesse de l’envol (La)
  • Mystères du vin (Les)
  • Religion du jazz (La)
  • Charme des musées (Le)
  • Triomphe du saltimbanque (Le)
  • Sortilèges de l’opéra (Les)
  • Âme de la chanson (L’)
  • Sérénité de l’éveil (La)
  • Arcanes du métro (Les)
Couverture
Usages du monde :

« Enfin, la convenance exige de se conformer aux usages du lieu. Comme disent les Anglais : When in Rome, do as the Romans do – “À Rome, faites comme les Romains”. Ce n’est pas toujours facile. Les conventions varient d’un pays à l’autre et parfois s’opposent : tel comportement est une qualité ici, une erreur là. L’observation et l’attention sont donc de rigueur dès qu’on aborde une terre inconnue. Quelques exemples témoignent de la diversité des usages. Lors de la conquête de l’Inde, Britanniques et autochtones furent embarrassés par leurs habitudes différentes voire contraires. Pour se saluer, les uns ôtaient leur chapeau quand les autres se couvraient ; les Indiennes étaient choquées par les décolletés des Anglaises tandis que celles-ci s’offusquaient du ventre que celles-là dévoilaient. Chez nous, lorsqu’on s’adresse à quelqu’un, on respecte son temps et sa personne en étant bref. Au Japon, plus un énoncé est long et plus il est poli, car l’attention aux autres se marque par le temps qu’on passe auprès d’eux. Dans notre pays, la parole adressée à un inconnu rapproche ; aux États-Unis, à l’inverse, elle rétablit de la distance lorsque la situation impose une promiscuité physique, dans le métro ou dans un ascenseur par exemple. En Chine, faire du bruit en mangeant sa soupe est bien vu car c’est signe qu’on l’apprécie. On sait à quel point, en France, c’est mal élevé au contraire. À tel endroit, finir son assiette est un hommage aux talents culinaires de son hôte ; à tel autre, la suggestion insultante que l’on est resté sur sa faim?
Il est du reste frappant de voir à quel point c’est dans les manières de table que les usages diffèrent le plus d’un pays à l’autre. Peut-être est-ce parce que la nourriture est un bien vital à partir duquel s’organise tout le reste, ou parce que la réunion autour d’un plat marque partout dans le monde à la fois le début et l’acmé de la sociabilité. Lors d’un voyage en Ouzbékistan, je m’étais organisé pour déjeuner chaque jour chez l’habitant. Au premier repas, je fus vivement impressionné par la profusion des mets qu’on avait disposés devant moi. Selon la convention française qui veut qu’on ne s’empiffre pas à table, j’avalai quelques bouchées de chacun des plats, puis je m’arrêtai ; mes hôtes me regardèrent avec inquiétude et m’invitèrent à me resservir. Impossible, j’étais déjà rassasié. Ils prirent un air attristé. Le lendemain, je touchai à peine au petit-déjeuner qu’on me servit à l’hôtel et je pus ainsi faire honneur, à midi, à la nouvelle table qu’on me dressa. Mes hôtes en furent ravis. Un peu d’intuition m’avait permis de deviner l’usage et de m’y conformer.
Parfois, cependant, il n’est pas question d’usage, il s’agit seulement de s’adapter à l’attitude de la personne qu’on rencontre. Ainsi, parti à la découverte de l’État du Gujarat, en Inde, alors que je séjournais dans un ancien pavillon de chasse, propriété d’une maharani âgée que des revers de fortune avaient contrainte d’ouvrir des chambres d’hôtes, quelle ne fut pas ma surprise, au dîner, de la voir se tenir debout à proximité de moi, guettant le moindre de mes désirs – du pain, un peu d’eau, me resservir – et s’avançant prestement pour le satisfaire ! Gêné par tant de sollicitude, embarrassé par sa posture vu son grand âge, je commençai à me servir moi-même, la privant de toute action, et finis par lui demander de s’asseoir, ce qu’elle refusa tout net. Autant d’erreurs et de maladresses de ma part ! Je compris que la politesse commandait que j’accepte la situation et que je m’en montre digne, tout en n’allongeant pas trop le repas pour ménager les forces de cet étonnant serviteur. On le voit : l’art de la politesse a beau être moins exigeant qu’autrefois, il est plus compliqué à exercer en raison de notre mobilité démultipliée et de notre confrontation plus fréquente à des personnes de cultures différentes. En ce sens, sa pratique minimale est devenue moins aisée. Nous sommes contraints de nous contrôler davantage et d’être plus malléables, plus adaptables, pour être constamment en mesure de faire face à l’imprévu et à la nouveauté. »
(p. 67-70)

La nuance des sentiments (p. 27-30)
Les préalables de la politesse (p. 51-55)
Extrait court
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