Le Grand Phare :
« Arrêt sur image. Nous sommes à Belle-ÃŽle un soir de printemps de 1998. Le jour va tomber, la nuit venir, le phare s’allumer. Mis en service en 1835, après neuf ans de travaux d’édification et la disparition de son concepteur qui n’est autre qu’Augustin Fresnel, le phare de Goulphar, ou Grand Phare de Kervilahouen pour les Bellilois, est une élégante tour de granite de plus de 50 mètres ancrée dans le schiste de la falaise à 92 mètres au-dessus de l’eau. Son feu, sous la coupole rouge, deux éclats blancs toutes les dix secondes, est visible à 27 milles nautiques, soit à 50 kilomètres à la ronde, ce qui en fait un phare de grand atterrissage de premier ordre. Jusqu’à son automatisation en 2002, la rotation de ses lentilles se faisait par un système, lancé à la main, de contrepoids qui montaient et descendaient au cœur de l’escalier en colimaçon. Le gardien de quart escaladait donc plusieurs fois par nuit ses deux cent cinquante-six marches. Je fus invitée ce soir-là à le suivre dans sa mission principale : allumer le phare. Je savourai ce privilège. Les derniers rayons de lumière jouaient de leurs reflets entre les rutilants échelons des lentilles de l’optique du phare. Sur la côte sauvage, de la pointe des Poulains au nord à celle du Skeul au sud, le soleil basculait au-delà de l’horizon. L’homme, silencieux, d’un pas régulier comme le mécanisme de l’horloge, montait l’escalier de la tour. Dans un geste qui se répétait pour lui et ses compagnons immuablement depuis plus de cent cinquante ans, il décrocha les rideaux de la coupole qui filtraient la lumière et lança à la main le mouvement de l’optique. Un véritable ballet d’engrenages et de facettes de verre se mit en route. Pure magie. Puis l’homme redescendit du même pas régulier et alluma les deux lampes du phare. Jusqu’au lever du jour, pour les marins au large, Goulphar constituera un repère, un guide pour la navigation? Pour lui rendre hommage, chaque été, les Belliloises et Bellilois viennent entonner des chants de marins, danser la gavotte et faire autour de lui une grande ronde en costumes de l’époque au son du violon et de l’accordéon. À l’heure où la lanterne s’allume, assister un été au Grand Phare à l’improvisation d’un violoncelliste au pied de son escalier, puis, tout en montant dans la tour, à la lecture sur fond de cor de chasse du récit poétique et philosophique de Jean-Pierre Abraham, écrivain et quelques années gardien de phare à Ar-Men, pour finir dans la chambre de veille par un duo de violon et d’alto au coucher du soleil est un moment d’enchantement que ni les artistes ni la visiteuse d’un soir n’oublieront. »
Feu et lumière (p. 20-22)
Palmarès (p. 84-87)
Extrait court
« Arrêt sur image. Nous sommes à Belle-ÃŽle un soir de printemps de 1998. Le jour va tomber, la nuit venir, le phare s’allumer. Mis en service en 1835, après neuf ans de travaux d’édification et la disparition de son concepteur qui n’est autre qu’Augustin Fresnel, le phare de Goulphar, ou Grand Phare de Kervilahouen pour les Bellilois, est une élégante tour de granite de plus de 50 mètres ancrée dans le schiste de la falaise à 92 mètres au-dessus de l’eau. Son feu, sous la coupole rouge, deux éclats blancs toutes les dix secondes, est visible à 27 milles nautiques, soit à 50 kilomètres à la ronde, ce qui en fait un phare de grand atterrissage de premier ordre. Jusqu’à son automatisation en 2002, la rotation de ses lentilles se faisait par un système, lancé à la main, de contrepoids qui montaient et descendaient au cœur de l’escalier en colimaçon. Le gardien de quart escaladait donc plusieurs fois par nuit ses deux cent cinquante-six marches. Je fus invitée ce soir-là à le suivre dans sa mission principale : allumer le phare. Je savourai ce privilège. Les derniers rayons de lumière jouaient de leurs reflets entre les rutilants échelons des lentilles de l’optique du phare. Sur la côte sauvage, de la pointe des Poulains au nord à celle du Skeul au sud, le soleil basculait au-delà de l’horizon. L’homme, silencieux, d’un pas régulier comme le mécanisme de l’horloge, montait l’escalier de la tour. Dans un geste qui se répétait pour lui et ses compagnons immuablement depuis plus de cent cinquante ans, il décrocha les rideaux de la coupole qui filtraient la lumière et lança à la main le mouvement de l’optique. Un véritable ballet d’engrenages et de facettes de verre se mit en route. Pure magie. Puis l’homme redescendit du même pas régulier et alluma les deux lampes du phare. Jusqu’au lever du jour, pour les marins au large, Goulphar constituera un repère, un guide pour la navigation? Pour lui rendre hommage, chaque été, les Belliloises et Bellilois viennent entonner des chants de marins, danser la gavotte et faire autour de lui une grande ronde en costumes de l’époque au son du violon et de l’accordéon. À l’heure où la lanterne s’allume, assister un été au Grand Phare à l’improvisation d’un violoncelliste au pied de son escalier, puis, tout en montant dans la tour, à la lecture sur fond de cor de chasse du récit poétique et philosophique de Jean-Pierre Abraham, écrivain et quelques années gardien de phare à Ar-Men, pour finir dans la chambre de veille par un duo de violon et d’alto au coucher du soleil est un moment d’enchantement que ni les artistes ni la visiteuse d’un soir n’oublieront. »
(p. 34-36)
Feu et lumière (p. 20-22)
Palmarès (p. 84-87)
Extrait court