La Ronde des phares, Petites lueurs sur les caps, les finistères et leurs sentinelles
Françoise Sylvestre
Ancrés dans le roc au terme de travaux herculéens, les phares et leurs gardiens affrontent, en sentinelles, la fureur des éléments. Pour le marin, ils constituent à la fois des amers et des écueils. Implantés tantôt à terre, comme celui du Créac’h à Ouessant, le plus puissant d’Europe avec ses huit faisceaux visibles à 60 kilomètres à la ronde, tantôt sur des récifs au large, comme celui de Dhu Heartach proche de l’île écossaise de Mull, à la construction duquel Robert Louis Stevenson prit part, les phares préviennent du danger, à condition toutefois que l’homme veille à leur fonctionnement. Le métier de gardien de phare est rude, l’isolement extrême. Dans cet univers impitoyable priment les valeurs d’humanité, de solidarité des gens de mer. Avec l’essor de la navigation, ces édifices ont connu leurs heures de gloire sous toutes les latitudes : depuis la tour d’Alexandrie, qui rayonnait sur le monde antique, jusqu’au fanal de l’île argentine des États, en passant par le phare de Bressay aux Shetland ou celui, à présent ruiné, de l’île Murray aux Kerguelen, édifié par les baleiniers. Du fait du développement du GPS, les phares ont peu à peu été automatisés : ils ne sont plus guère habités que par quelques propriétaires fortunés ou touristes aventureux à l’occasion de séjours insolites. Si bien qu’on pourrait presque parler d’eux au passé. Mais ils demeurent de vivants symboles, ils véhiculent des mythes séculaires et inspirent les artistes autant que les gens de lettres, de Jules Verne à Peter May, de Rachilde à Jean-Pierre Abraham ou Paolo Rumiz, qui emportent toujours le lecteur dans leurs embruns.