La Magie des grimoires, Petite flânerie dans le secret des bibliothèques
Nicolas Weill-Parot
Tous les livres voyagent ; et, parmi eux, ceux de magie suivent de plus secrets itinéraires encore : manuscrits clandestins circulant sous le manteau, traités copiés par des universitaires, précieux trésors offerts à des princes. Du temps où ils étaient manuscrits, les livres représentaient à la fois un merveilleux objet, dont la peau ou le papier s’ornait parfois de délicates enluminures, et un vecteur de la pensée et de la connaissance. Les livres de magie ajoutaient à tous ces attraits celui, plus mystérieux encore, d’une promesse de puissance. Dans l’atmosphère feutrée des bibliothèques, cet univers à part où le temps semble suspendu et l’espace, tapissé de reliures, une invitation aux élans de l’imaginaire, les chercheurs s’adonnent au déchiffrement inlassable des manuscrits et des incunables, et connaissent la ferveur et l’exaltation, la déception parfois de qui s’aventure en terre inconnue. Sous leurs yeux, page après page, l’histoire revit ; la grande, celle qui esquisse la destinée de l’humanité, mais aussi la petite, celle de l’humble copiste qui, dans le silence d’une chambre, d’un monastère ou d’un atelier, muni de sa plume ou de son stylet, a permis qu’un morceau du passé voyage jusqu’à nous à travers les péripéties des siècles, offrant à l’historien la possibilité de restituer un peu de ce temps disparu et de mieux le comprendre. Une quête qui, par la persévérance qu’elle nécessite et les recherches qu’elle implique, s’apparente à un voyage initiatique. Et les recherches autour des codex de magie révèlent au mieux le sens profond de cette pérégrination. De découverte en découverte, de cabinet de lecture en réserve de livres rares, l’amoureux des ouvrages anciens pénètre dans les hauts lieux de la conservation du patrimoine universel : des boiseries du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France à la salle sombre du Duke Humfrey’s Library dans la mythique bibliothèque Bodleian d’Oxford, des fonds infinis de la Vaticane à la collection Amploniana de la bibliothèque d’Erfurt? Chaque bibliothèque a son histoire, ses traditions et ses habitués : lecteurs assidus aux habitudes parfois cocasses, dilettantes curieux de tout, savants docteurs ou érudits maniaques, ils forment, avec les gardiens du temple que sont les conservateurs, une tribu passionnée qui sait que chaque livre recèle, outre le plaisir sans cesse renouvelé de la connaissance et de l’évasion, un peu de la mémoire du monde et de sa signification.