La quête de l’invisible :
« Je sillonne le Sahel à la recherche des éleveurs ; leur présence justifie la mienne, et la beauté du paysage est pour moi intimement liée à leurs tribulations en ces lieux, lieux chargés du cheminement roboratif de ces pâtres toujours en route pour le bonheur de leurs troupeaux. Chez les Peuls wodaabe, le déménagement semble vital, comme si chaque matin, par-delà la quête de l’eau et des pâtures, un nouvel horizon leur était nécessaire. “Tresser la paille”, marcher devant les bœufs, siffler et parler aux bêtes : autant d’actes qui répondent à leur envie profonde de parcourir le désert. Leurs aspirations correspondent secrètement aux nôtres : cheminer le nez au vent et revenir le cœur rempli de contes. Ces transhumants invétérés modifient la donne, irradient le territoire, lui accordent la valeur ajoutée que nous cherchons tous plus ou moins sans le savoir. C’est le mystère qu’elles recèlent qui rend si fascinantes les savanes arbustives subsahariennes.
Dans le Sahel nigérien, je marche trois jours en compagnie d’un jeune villageois pour retrouver des bouviers fréquentés l’année précédente. Dans le monde entier – de par leur statut marginal –, les nomades se méfient et, là plus qu’ailleurs, les personnes croisées hésitent à nous renseigner : que cherchent ces deux hommes, que veulent-ils à mon voisin ? Finalement, je retrouve toujours mes amis. Là, leur bivouac est adossé à une dune piquée de rares épineux, et l’instant furtif durant lequel nos regards se croisent est le point d’orgue, la justification de tout un voyage. L’espoir de contacts éphémères ou de retrouvailles valide le départ, inspire la mise en route du sédentaire que je suis. La silhouette du chamelier, le puits, le silex taillé ou la météorite sont les buts conjecturés qui aiguisent ma curiosité et aiguillonnent mon désir d’ailleurs. Et si le rendez-vous est manqué, eh bien il aura lieu une prochaine fois et servira de prétexte à un nouveau séjour. J’aime, nous aimons le Sahara moins pour ce qu’il montre que pour ce qu’il dissimule. Comme en amour, le plus important n’est pas l’acte, mais l’escalier qui conduit à la chambre. Les caravaniers n’ont pas besoin d’être présents physiquement : il suffit de savoir qu’ils marchent quelque part. Qu’ils viennent à disparaître, et le désert sera différent, plus inhospitalier, moins humain. »
Au gré des vents du désert (p. 18-21)
Éloge d’un peuple (p. 46-48)
Le silence religieux du désert (p. 76-79)
« Je sillonne le Sahel à la recherche des éleveurs ; leur présence justifie la mienne, et la beauté du paysage est pour moi intimement liée à leurs tribulations en ces lieux, lieux chargés du cheminement roboratif de ces pâtres toujours en route pour le bonheur de leurs troupeaux. Chez les Peuls wodaabe, le déménagement semble vital, comme si chaque matin, par-delà la quête de l’eau et des pâtures, un nouvel horizon leur était nécessaire. “Tresser la paille”, marcher devant les bœufs, siffler et parler aux bêtes : autant d’actes qui répondent à leur envie profonde de parcourir le désert. Leurs aspirations correspondent secrètement aux nôtres : cheminer le nez au vent et revenir le cœur rempli de contes. Ces transhumants invétérés modifient la donne, irradient le territoire, lui accordent la valeur ajoutée que nous cherchons tous plus ou moins sans le savoir. C’est le mystère qu’elles recèlent qui rend si fascinantes les savanes arbustives subsahariennes.
Dans le Sahel nigérien, je marche trois jours en compagnie d’un jeune villageois pour retrouver des bouviers fréquentés l’année précédente. Dans le monde entier – de par leur statut marginal –, les nomades se méfient et, là plus qu’ailleurs, les personnes croisées hésitent à nous renseigner : que cherchent ces deux hommes, que veulent-ils à mon voisin ? Finalement, je retrouve toujours mes amis. Là, leur bivouac est adossé à une dune piquée de rares épineux, et l’instant furtif durant lequel nos regards se croisent est le point d’orgue, la justification de tout un voyage. L’espoir de contacts éphémères ou de retrouvailles valide le départ, inspire la mise en route du sédentaire que je suis. La silhouette du chamelier, le puits, le silex taillé ou la météorite sont les buts conjecturés qui aiguisent ma curiosité et aiguillonnent mon désir d’ailleurs. Et si le rendez-vous est manqué, eh bien il aura lieu une prochaine fois et servira de prétexte à un nouveau séjour. J’aime, nous aimons le Sahara moins pour ce qu’il montre que pour ce qu’il dissimule. Comme en amour, le plus important n’est pas l’acte, mais l’escalier qui conduit à la chambre. Les caravaniers n’ont pas besoin d’être présents physiquement : il suffit de savoir qu’ils marchent quelque part. Qu’ils viennent à disparaître, et le désert sera différent, plus inhospitalier, moins humain. »
(p. 12-13)
Au gré des vents du désert (p. 18-21)
Éloge d’un peuple (p. 46-48)
Le silence religieux du désert (p. 76-79)