Attente en terrasse :
« Les derniers rayons du soleil sur la terrasse caressent les passants que je scrute du regard. De quelle direction viendra-t-elle ? Du couchant, à contre-jour ? Comment sera-t-elle vêtue ce soir ? Il est bon d’attendre quelqu’un, de ressentir sa présence dans l’absence. Le serveur s’impatiente, je commande un chardonnay. Sans défauts ni qualités, industriel ; j’apprécie cependant sa fraîcheur dans la main. À l’époque du bistrot familial, ma cousine et moi goûtions aux fonds de verre dès que pépé avait le dos tourné. Les papilles se souviennent, les images et les mots émergent des saveurs clandestines : anis capiteux, méditerranéen, Suze d’Auvergne douce-amère, bière légère Valstar, malaga et guignolet-kirsch au goût de vieux fruits mûrs, vin rouge Préfontaine et coteau du Layon, ce moelleux angevin au charme d’un dimanche après-midi en famille. Le panorama des saveurs s’achevait par un café que grand-père appelait jus et dont la tasse encore chaude s’emplissait d’une goutte d’eau-de-vie fauve. S’en doutait-il, laissait-il faire ? Nous étions les petits princes de son royaume. Une mélodie me revient, Olivia Ruiz accompagnée d’une boîte à musique ou d’un piano jouet chante le “joyeux bordel” du café de son enfance.
Le bistrot n’est-il pas l’endroit idéal pour écouter le murmure du monde et laisser libre cours à ses pensées ? La femme que je n’attendais plus se fraie un passage parmi les tables, les poussettes et sacs des voyageurs ; les événements surgissent souvent lorsqu’on cesse d’y songer. Je voudrais la connaître davantage, dans quel Paris vit-elle ? Nous habitons la même ville mais pas la même planète. Alors elle m’embarque vers les horizons en zinc d’autres bistrots bizarres et beaux, vers ces bars un brin barrés où tout peut arriver. Dans notre minuscule Lutèce, concentré du vaste monde, nous partons en quête de mots et de musique. Nous cherchons un balcon d’où observer la ville, à la fois un lieu convivial et une bulle pour deux. »
Convivialité (p. 20-23)
Origine du terme (p. 27-31)
Quel avenir aux bistrots ? (p. 79-86)
« Les derniers rayons du soleil sur la terrasse caressent les passants que je scrute du regard. De quelle direction viendra-t-elle ? Du couchant, à contre-jour ? Comment sera-t-elle vêtue ce soir ? Il est bon d’attendre quelqu’un, de ressentir sa présence dans l’absence. Le serveur s’impatiente, je commande un chardonnay. Sans défauts ni qualités, industriel ; j’apprécie cependant sa fraîcheur dans la main. À l’époque du bistrot familial, ma cousine et moi goûtions aux fonds de verre dès que pépé avait le dos tourné. Les papilles se souviennent, les images et les mots émergent des saveurs clandestines : anis capiteux, méditerranéen, Suze d’Auvergne douce-amère, bière légère Valstar, malaga et guignolet-kirsch au goût de vieux fruits mûrs, vin rouge Préfontaine et coteau du Layon, ce moelleux angevin au charme d’un dimanche après-midi en famille. Le panorama des saveurs s’achevait par un café que grand-père appelait jus et dont la tasse encore chaude s’emplissait d’une goutte d’eau-de-vie fauve. S’en doutait-il, laissait-il faire ? Nous étions les petits princes de son royaume. Une mélodie me revient, Olivia Ruiz accompagnée d’une boîte à musique ou d’un piano jouet chante le “joyeux bordel” du café de son enfance.
Le bistrot n’est-il pas l’endroit idéal pour écouter le murmure du monde et laisser libre cours à ses pensées ? La femme que je n’attendais plus se fraie un passage parmi les tables, les poussettes et sacs des voyageurs ; les événements surgissent souvent lorsqu’on cesse d’y songer. Je voudrais la connaître davantage, dans quel Paris vit-elle ? Nous habitons la même ville mais pas la même planète. Alors elle m’embarque vers les horizons en zinc d’autres bistrots bizarres et beaux, vers ces bars un brin barrés où tout peut arriver. Dans notre minuscule Lutèce, concentré du vaste monde, nous partons en quête de mots et de musique. Nous cherchons un balcon d’où observer la ville, à la fois un lieu convivial et une bulle pour deux. »
(p. 14-15)
Convivialité (p. 20-23)
Origine du terme (p. 27-31)
Quel avenir aux bistrots ? (p. 79-86)