Minou, minoualu.blogspot.be, le 8 juillet 2012 :
? En commençant cette “Petite philosophie du voyage” après celle de Matthieu Raffard (sur la photographie), je m’attendais à une certaine continuité, tant par les thèmes choisis (qui sont tous deux une des formes de la représentation du monde) que par la présentation de l’éditeur qui semblait mettre l’accent sur le regard, prépondérant dans le texte de Matthieu Raffard. Cette attente a été trompée de façon plus ou moins heureuse, Anne Le Maître traitant d’une série d’autres paramètres de façon très intéressante, mais m’agaçant également par moments.
Après une magnifique citation d’Une histoire de bleu de Jean-Michel Maulpoix, l’auteur ouvre son texte de façon très abrupte en affirmant un positionnement assez humble : “Je ne suis pas peintre. Simplement je peins. À l’aquarelle. Il ne s’agit pas d’art, quoi que ce mot puisse signifier. [?] Pour moi comme pour tous ceux qui ne partent jamais en randonnée ou en voyage sans avoir glissé au préalable dans leur bagage un bloc de papier, un crayon et quelques tubes de couleur, la peinture vagabonde – cette façon d’aller à la rencontre du réel un pinceau à la main – est plus qu’une activité : un mode de vie.” (p. 11)
Cette attitude humble face au monde revient par la suite sous la plume de l’auteur comme une des nécessités de la peinture et de la vie en général. Sont également longuement abordées les questions du temps et de l’espace, les deux composantes du voyage : on sent que l’auteur connaît son sujet (elle est professeur d’histoire-géographie), sans pour autant noyer le lecteur sous les références et les informations. Selon elle, il est inutile d’aller loin pour voyager et il faut réapprendre le temps du voyage, par la marche notamment. Toutes ces réflexions sont nourries par des anecdotes personnelles, narrées de façon fluide et très agréable : celle de la découverte de l’aquarelle notamment est vraiment belle, avec toute l’émotion que recèlent ce souvenir et les descriptions très évocatrices.
Malheureusement, il y a eu un “mais” dans ma lecture : Anne Le Maître compare souvent l’aquarelle, ou la peinture en général, à la photographie, au détriment de la seconde. Cela m’a souvent agacée, surtout après avoir lu toutes les possibilités de cet art sous la plume de Matthieu Raffard. Dans l’ensemble, je trouve dommage que l’auteur ait délimité son art par des comparaisons négatives, par exclusion, en le plaçant au-dessus des autres plutôt qu’à leur côté : cela contredit l’humilité prônée ci-dessus d’après moi. C’est sans doute l’un des éléments qui m’a empêché de me sentir tout à fait invitée au sein de ce texte, comme le proposait pourtant le titre. Heureusement, dans les dernières pages (un peu tardivement, pourrait-on dire), le “miracle” s’est produit : en abordant la question des lecteurs des carnets de voyage, Anne Le Maître a réussi à m’entraîner vraiment dans son texte, jusqu’au point final. Un beau voyage, agrémenté de réflexions intéressantes, malgré quelques petits accrocs pour ma part avec l’expression de certaines. »
Syl, sylectures.wordpress.com, le 29 mai 2012 :
? “Je ne suis pas peintre. Simplement je peins. À l’aquarelle. Il ne s’agit pas d’art, quoi que ce mot puisse signifier. Je ne suis ni Turner, ni Cézanne, et si je dessinais la montagne Sainte-Victoire, personne d’autre que moi n’en ferait cas. Je le ferais, moi, au nom de l’occasion qui me serait ainsi donnée, une heure durant, de dialoguer avec chaque brin d’herbe qui m’en sépare, avec chacun des arbres, chacune des pierres qui la composent ; avec Cézanne, même, pourquoi pas ??”
Ainsi commence le témoignage de l’auteur qui nous pousse sur les chemins, équipés d’un carnet d’esquisses, de pinceaux et d’une palette de couleurs. De sa confession, j’ai retenue ces quelques idées qui j’espère sauront traduire avec justesse sa passion? l’aquarelle. Réceptive à cette pratique plus qu’à une autre, elle fait corps avec sa peinture et offre son approche toute personnelle. Résumer un roman, une intrigue, est bien plus facile que de relater, sans outrepasser, les sentiments d’autrui. Elle saisit comme pourrait le faire un poète, l’instant qu’elle s’accorde. Elle se donne au temps, à la nature, à quelques traces de vie. Elle s’abandonne. Je pense que ses aquarelles peuvent s’associer à des haïkus. La peinture peut ressembler à une lecture. Elle transporte l’esprit et le situe au-delà de nos périphéries. L’artiste peut s’évader et pousser les limites de sa rue jusqu’à un sentier ombragé perdu d’une campagne. Elle raconte sa communion avec les éléments, le vent, la chaleur, l’harmonie des formes, des couleurs, et conte l’aventure dans sa forme la plus simple. D’une attention particulière et délicate pour d’infimes descriptions, elle peut s’immobiliser quelques minutes pour esquisser ses traits, les colorer, comme elle peut rester patiemment, un temps infini. “Se dépouiller un peu plus. S’ouvrir. Il lui faudra garder le cœur disponible s’il veut être capable d’entendre l’appel de ce qui l’entoure?”
Autre partie après le temps, c’est l’espace, pour une étendue qui peut être lointaine ou proche. Dans cet espace, il y a le sujet, inerte ou vagabond, organique ou minéral. L’observateur-aquarelliste peut saisir le plus petit indice. Dans un compartiment de sa conscience, il garde son information et essaiera de la retranscrire? L’insecte, le pissenlit, prend présence et l’artiste aimerait rendre honnêtement le petit détail. Anne Le Maître aime parcourir les contrées et les peindre. Elle retrouve dans ses aquarelles la magie des instants vécus et se rappelle ses émotions. Elle rentre en osmose avec le sujet et prône la contemplation? Un état d’esprit que l’on retrouve chez Proust : “Assieds-toi. Regarde. Attends.”
Le temps, l’espace et la maîtrise? Il y a différentes méthodes de peindre, dont celle du lavis. L’auteur narre “le miracle”? Lorsqu’elle imbibe sa feuille d’eau et qu’elle pointe son pinceau gorgé d’un pigment, la peinture fuse, éclate et se propage en léchant le papier. À sa lecture, je voyais les tons s’avaler, se mêler et posséder le support. C’est vivant et magique. J’imagine la fascination du spectateur fasse à cette alchimie.
Anne Le Maître perçoit l’aquarelle comme des bonheurs. Elle partage son amour avec ardeur et gourmandise. Elle savoure le temps, essaie parfois de conserver l’innocence de l’enfant, rester zen, généreuse, et capture les petits plaisirs, comme les grands, pour les ranger sur les étagères de ses souvenirs. Peintre voyageur? un beau titre qu’elle peut revendiquer? elle l’est sans prétention. »
Narcisse Steiner, narcissesteiner.over-blog.com, le 18 octobre 2009 :
? Venant de moi, ce genre de livre a de quoi surprendre. D’abord parce que l’essentiel de ce que je lis tourne autour de la fantasy ou de la science-fiction, ensuite parce que l’aquarelle n’est pas mon médium de prédilection. En fait, ce livre est un cadeau, et ma foi, c’est avec grand plaisir que je l’ai découvert.
Pour commencer, un mot sur la présentation. C’est un petit livre pas bien épais (moins de 100 pages), format poche classique mais ce qui frappe d’emblée, c’est le soin apporté à la couverture. Papier cartonné texturé, le bandeau de titre en relief. Déjà, c’est agréable à manipuler, ce qui est assez rare pour des livres de cette gamme. Le choix de l’image est quant à lui évident mais on a préféré à la boîte proprette la boîte qui a l’air d’avoir servi ; c’est un détail mais j’ai du mal à imaginer la pratique de l’aquarelle autrement.
Passons au contenu. Les Bonheurs de l’aquarelle, sous-titré Petite invitation à la peinture vagabonde, est le septième livre de la collection “Petite philosophie du voyage”, aux éditions Transboréal. Cette collection brasse un large éventail de la notion du voyage, traitée de manière subjective sans la prétention pompeuse d’un livre purement philosophique.
En l’occurrence, Anne Le Maître, professeur d’histoire et géographie, nous dévoile sa propre idée du voyage, qui, selon elle, est indissociable de sa boîte d’aquarelle.
Soyons clairs tout de suite : ce livre n’est pas un essai sur l’art, encore moins un guide sur la technique de l’aquarelle, pas plus qu’un roman sur une aquarelliste itinérante ; il s’agit bien d’un essai, un recueil de moments, d’émotions et de souvenirs de voyage tracés à la pointe du pinceau. Anne Le Maître n’a pas la prétention d’être une artiste, ni d’écrire sur l’art. Son pinceau, c’est l’appareil photo du touriste lambda, à ceci près que l’aquarelle demande sensiblement plus de temps que le clic de la boîte noire. Le temps est primordial chez l’auteur, le temps qu’on cherche à gagner alors même qu’on ne sait plus le prendre.
Anne Le Maître ne se voit pas comme une grande voyageuse. La distance n’est qu’un facteur secondaire lorsqu’on sait regarder l’arbre du parc du bout de la rue ou le ciel au-dessus de notre propre demeure.
Les digressions de l’auteur ne sont jamais lourdes, n’arrivent jamais comme un cheveu sur la soupe. Elle ponctue son récit de brèves pensées philosophiques, de philosophie quotidienne, loin de celle des grands penseurs, parfois abstraites au commun des mortels.
Aucune lourdeur, aucune longueur, je me suis plongé avec plaisir dans ce petit ouvrage fort rafraîchissant, un brin contemplatif, et qui rappelle à chacun que les plaisirs simples sont ceux qui mènent le plus sûrement au bonheur. »
Gazou, gazou.over-blog.fr, le 16 septembre 2009 :
? Anne Le Maître n’est pas peintre, elle est professeur? Si elle peint, c’est pour dialoguer avec chaque brin d’herbe, chaque arbre, chaque pierre qui composent le paysage qu’elle a choisi de peindre. Elle va à la rencontre du réel, un pinceau à la main? C’est sa manière d’être à l’écoute du monde. “Il est des moments, dit-elle, où une force incite à s’en aller marcher droit sous le ciel, un pas après l’autre, le souffle accordé à celui du vent. Le chemin non pas comme moyen mais comme lieu de vie, comme fin en soi.”
Je ris en lisant cette phrase car hier, justement, j’avais une irrésistible envie de marcher. Nous devions faire une balade avec des amis mais la pluie les avait découragés. Le soir, le désir devenant plus pressant encore, je me décide à marcher toute seule. J’ouvre la porte et c’est un rideau de pluie qui m’arrête. Non, décidément, ce n’est pas le moment, reprenons notre livre. Il y a des passages délicieux :
“Il poussait, à l’angle d’un jardin, certain buisson d’un chèvrefeuille bruissant d’abeilles dont le parfum plus doux qu’un baiser m’arrivait par vagues. Foin de la météo, ce buisson m’appelait. Il s’agissait de capturer en quelques traits le bruissement, le parfum et le baiser. Le baiser surtout.”
“J’ai toujours été frappée par le fait qu’il y a dans l’aquarelle quelque chose qui s’approche de l’expérience du zen ; une façon concentrée de faire silence, de se laisser emplir par les choses, de délaisser le sentiment au profit de la sensation. Ce n’est plus moi qui regarde la fleur, c’est la fleur qui pousse en moi ses fleurs et ses pétales.”
”D’ailleurs on ne peint pas une chose, en fait, on peint une émotion. Un lien. Le surgissement d’une rencontre. Ce que l’on entend lorsque, enfin, on se met à l’écoute.”
L’aquarelle, c’est quelque chose que je ne connais pas du tout mais elle m’en donnerait bien l’envie? peut-être ! »
Bernadette Dubuc, Artistes Magazine n° 140, juillet-août 2009 :
? Qui sait, de retour à l’atelier, vous aurez peut-être à cœur de coucher sur papier vos impressions. Anne Le Maître a sauté le pas plus d’une fois. Nous vous invitons à lire “sa façon d’être au monde” dans son nouveau récit Les Bonheurs de l’aquarelle, un court mais intense moment de lecture à s’octroyer entre deux peintures. »