
Sibthorpia, le murmure du temps – O Cebreiro ~ Compostelle ~ Fisterra :
« Je pars à la rencontre des plantes. Et très vite, une réponse à la question que je n’avais même pas osé me poser : quelle est la plante de Compostelle ?
Elle est de tous les murs, absolument partout. La seule à fleurir sur la cathédrale, au-dessus des grandes portes ; une discrète sculpture de Marie est tournée vers elle.
Son nom, c’est Trachelium caeruleum. Sa floraison, est d’un bleu flashant. Une grande panicule faite de nombreuses fleurs en forme d’étoiles, mais petites et qui ne se touchent pas vraiment, lui donne un aspect transparent dans son inflorescence, quelque chose de flou sur la beauté réelle. Le même effet que les tours du saint édifice. Un charme nous atteint en la regardant, apparaître au milieu de parois lisses comme un désert, ou perchée, à l’envers sous une statue.
C’est une plante qui fait des tours de magie.
En France, on ne la trouve que sur quelques vieux murs du Pays basque, et dans quelques gorges des Alpes-Maritimes, que des lieux prenants. Étonnant, ou pas, de la trouver ici. Qui aurait dit, l’an passé, alors que j’étais attiré par elle mais qu’elle ne se dévoilait pas, que je me retrouverais un jour dans son royaume ? Je me demande à quel point, jadis utilisée en parfumerie pour ses touches vanillées, elle a joué un rôle dans l’histoire de cette ville. Est-ce la plante oubliée, qui a assaini les remugles des pèlerins, quand on ne pouvait importer des quintaux d’encens ? Est-ce que ces corymbes pendaient déjà au-dessus de nous, avant que le botafumeiro ne se mette en marche ? Alors que ce dernier ne vole plus aussi régulièrement, elle, inonde toujours les airs de ces petites parties invisibles, qui ne comptent peut-être pas pour rien dans la magie de Compostelle.
Il y a une église, presque une chapelle, entourée d’arbres centenaires, au sommet du mamelon qu’est le parc Alameda, au centre de la ville. Discrète, toute légère : on s’y sent s’élever. Je me sens tout aussi léger qu’elle, et tiré vers le haut. L’énergie est toute différente de celle de la cathédrale, dont la puissance flanque au sol. La femme ange gardien de ce lieu me dit : “Tu as senti le vortex qui s’élance depuis le centre de l’église ? C’est l’énergie des arbres qui remonte ici.” Première fois qu’une personne pieuse me parle de vortex, et de l’énergie des arbres. “Avant, les pèlerins passaient par ici, le chemin traversait la colline. Cette église a été refaite, mais il y a encore des pierres du premier édifice, et regarde, ce sont des croix celtiques déguisées. Cela fait longtemps que les humains viennent ici, bien avant qu’on trouve les reliques de Santiago.” Le passage des druides aux chrétiens est resté inscrit dans la mémoire et les lieux de miracle galiciens.
Sur les toits, on aperçoit parfois la fougère Nephrolepis cordifolia, venue d’Asie, se substituer tranquillement aux gargouilles. Et sur les murs, la rue des murailles ; l’Asplenium obovatum, autre fougère du fond des âges, jette ses frondes à mon passage, en relique bien vivante que je suis heureux de revoir. Mes compagnes d’aventure sont donc là pour m’accueillir. Elles me font la “holà”, et on se tape dans les limbes.
Je dors sur mes deux oreilles, seul dans une chambre à deux lits. »
Valerianella, le goût du départ – Charlieu ~ Le Puy-en-Velay (p. 46-48)
Rosa, l’humeur du mouvement – Le Puy-en-Velay ~ Decazeville (p. 76-78)
Extrait court
« Je pars à la rencontre des plantes. Et très vite, une réponse à la question que je n’avais même pas osé me poser : quelle est la plante de Compostelle ?
Elle est de tous les murs, absolument partout. La seule à fleurir sur la cathédrale, au-dessus des grandes portes ; une discrète sculpture de Marie est tournée vers elle.
Son nom, c’est Trachelium caeruleum. Sa floraison, est d’un bleu flashant. Une grande panicule faite de nombreuses fleurs en forme d’étoiles, mais petites et qui ne se touchent pas vraiment, lui donne un aspect transparent dans son inflorescence, quelque chose de flou sur la beauté réelle. Le même effet que les tours du saint édifice. Un charme nous atteint en la regardant, apparaître au milieu de parois lisses comme un désert, ou perchée, à l’envers sous une statue.
C’est une plante qui fait des tours de magie.
En France, on ne la trouve que sur quelques vieux murs du Pays basque, et dans quelques gorges des Alpes-Maritimes, que des lieux prenants. Étonnant, ou pas, de la trouver ici. Qui aurait dit, l’an passé, alors que j’étais attiré par elle mais qu’elle ne se dévoilait pas, que je me retrouverais un jour dans son royaume ? Je me demande à quel point, jadis utilisée en parfumerie pour ses touches vanillées, elle a joué un rôle dans l’histoire de cette ville. Est-ce la plante oubliée, qui a assaini les remugles des pèlerins, quand on ne pouvait importer des quintaux d’encens ? Est-ce que ces corymbes pendaient déjà au-dessus de nous, avant que le botafumeiro ne se mette en marche ? Alors que ce dernier ne vole plus aussi régulièrement, elle, inonde toujours les airs de ces petites parties invisibles, qui ne comptent peut-être pas pour rien dans la magie de Compostelle.
Il y a une église, presque une chapelle, entourée d’arbres centenaires, au sommet du mamelon qu’est le parc Alameda, au centre de la ville. Discrète, toute légère : on s’y sent s’élever. Je me sens tout aussi léger qu’elle, et tiré vers le haut. L’énergie est toute différente de celle de la cathédrale, dont la puissance flanque au sol. La femme ange gardien de ce lieu me dit : “Tu as senti le vortex qui s’élance depuis le centre de l’église ? C’est l’énergie des arbres qui remonte ici.” Première fois qu’une personne pieuse me parle de vortex, et de l’énergie des arbres. “Avant, les pèlerins passaient par ici, le chemin traversait la colline. Cette église a été refaite, mais il y a encore des pierres du premier édifice, et regarde, ce sont des croix celtiques déguisées. Cela fait longtemps que les humains viennent ici, bien avant qu’on trouve les reliques de Santiago.” Le passage des druides aux chrétiens est resté inscrit dans la mémoire et les lieux de miracle galiciens.
Sur les toits, on aperçoit parfois la fougère Nephrolepis cordifolia, venue d’Asie, se substituer tranquillement aux gargouilles. Et sur les murs, la rue des murailles ; l’Asplenium obovatum, autre fougère du fond des âges, jette ses frondes à mon passage, en relique bien vivante que je suis heureux de revoir. Mes compagnes d’aventure sont donc là pour m’accueillir. Elles me font la “holà”, et on se tape dans les limbes.
Je dors sur mes deux oreilles, seul dans une chambre à deux lits. »
(p. 167-169)
Valerianella, le goût du départ – Charlieu ~ Le Puy-en-Velay (p. 46-48)
Rosa, l’humeur du mouvement – Le Puy-en-Velay ~ Decazeville (p. 76-78)
Extrait court