« Hors collection »

  • Périple de Beauchesne à la Terre de Feu (1698-1701)
  • Œuvres autobiographiques
  • Testament des glaces (Le)
  • Un rêve éveillé
  • Pouyak
  • Esprit du chemin (L’)
  • Voyage en Italique
  • Solidream
  • Cap-Vert
  • Vivre branchée
  • Chemins de Halage
  • 100 Vues du Japon (Les)
  • 100 Objets du Japon (Les)
  • Légende des Pôles (La)
  • Lettres aux arbres
  • Dersou Ouzala
  • Julien, la communion du berger
  • Tamir aux eaux limpides (La)
  • Courir l’Himalaya
  • Gagarine ou le rêve russe de l’espace
Couverture
Livre troisième :

« Khüree célébrait le Tsagaan Sar. Mois du bonheur pour les bourgeois, mois du malheur pour les miséreux, a-t_on coutume de dire de ce « Mois blanc ». Il y a du vrai là-dedans.
Les riches, en effet, peuvent faire servir plusieurs carcasses de mouton entières, airag et arkhi coulant à flots. Ils se parent de leurs plus beaux deel et montent leurs meilleurs chevaux. Ils s’invitent les uns chez les autres, s’échangent des cadeaux, passent d’agréables moments. Pour eux, le Mois blanc est celui de l’allégresse.
Mais les pauvres, que le courant entraîne pour les forcer à faire bonne figure, vont jusqu’à mettre en gage leur logis et font ainsi ripaille quelques jours pour se retrouver endettés jusqu’au cou, contraints de démonter et céder leur yourte une fois le Tsagaan Sar passé, sans plus même de quoi survivre. Pour eux, le « Mois blanc » est un mois de malheur.
Les pauvres d’entre les pauvres, les mendiants qui vont les mains vides, trouvent eux pour une fois l’occasion de manger à leur faim : « Et un ventre plein de temps en temps, et un pour Tsagaan Sar. Et un ventre plein de temps à autre, et un pour une vache abattue », dit la rengaine.
Cette année-là, à Khüree, le Tsagaan Sar n’eut rien à voir avec les précédents. Dans cette Khüree foulée aux pieds, d’abord par les gemin puis par le baron et sa clique, dans cette ville qui ne vivait plus qu’au jour le jour, voilà déjà des années que l’on n’avait plus pu le célébrer. L’hiver 1920-1921, les marchands chinois enhardis par la puissance des gemin se pavanaient même la queue haute, abusant de la candeur des habitants pour leur vendre leur camelote, en les insultant de quolibets du style : « Puisque cette année votre “Mois blanc” risque de virer au rouge, pourquoi ne pas acheter des dattes de la même couleur ? »
Un an avait passé. Et en ce court laps de temps, la vie à Khüree avait bien changé. Les gemin qui prétendaient lui préparer un « Mois rouge » s’étaient fait laminer par un baron à l’appétit identique au leur, et avaient fui vers Kiakhta en se livrant au passage à toutes sortes de violences et brigandages.
Loin d’apporter le bonheur, l’arrivée du baron n’avait été pour Khüree – et ce dès le premier jour – que synonyme de pillages, exactions et pendaisons.
« À force de croquer, les dents s’usent tandis que le buisson croqué reverdit. » Après avoir nettoyé la ville de ces ennemis, le nouveau gouvernement célébrait son premier Tsagaan Sar.
À Khüree, on se para de ses plus beaux deel, pour aller de foyer en foyer présenter ses souhaits : « Les fêtes ont été bonnes ? », « Vous viendrez nous voir ! », « Tous mes vœux ! ». La ville résonnait de toute part de joyeux zolgoo. »
(p. 481-482)

Livre deuxième (p. 261-262)
Livre quatrième (p. 694-695)
Extrait court
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