Livre deuxième :
« Qui était ce garçon épuisé, marchant la goutte au nez et reniflant comme un mouton après l’averse ? Vous ne devinez pas ? C’était Bat.
Ses jambes fourbues flottaient dans des bottes trop grandes qui freinaient sa progression et lui blessaient les genoux. Pourtant, le seul fait de penser à son père le tirait en avant, lui redonnait de l’énergie pour continuer.
S’il se trouvait là, c’est qu’il était déterminé à retrouver Erdene dont il était sans nouvelles depuis que celui-ci avait gagné Ikh Khüree. Il y avait maintenant plusieurs jours qu’il avait quitté la lamaserie de Zaya.
? Ta mère m’a fait du mal. Mais, dès que je serai installé à Khüree, je te promets de venir te chercher », martelait dans sa tête la voix de son père. Non seulement Erdene n’était pas revenu, mais il n’avait pas non plus donné le moindre signe de vie. Il avait dû se passer quelque chose, quelque chose de grave peut-être.
Cloîtré à Zaya, Bat ne pouvait plus s’empêcher de penser à lui. Il en rêvait même la nuit. Et quand l’incertitude était devenue trop insupportable, il n’avait eu d’autre choix que de se lancer sur ses traces. ? Viens avec moi », avait-il proposé à Khongor. Mais son ami avait refusé :
— Je ne peux pas comme ça laisser mon père, ma mère, ma sœur, renoncer à mon héritage. Mais je t’aiderai, promis !
Joignant le geste à la parole, il avait volé pour lui au gevshee six khadag et des galettes.
Au moment de se séparer, ils étaient allés ensemble au pied du mont Bulgan, où poussaient deux cerisiers sauvages. Se remémorant un conte de leur enfance, ils en avaient choisi chacun un, et avaient prêté serment :
? Arbre que je fais mien ! Si la chance me sourit, si je mène mon chemin sans encombre, fleuris ! Mais s’il m’arrive malheur, si je cours un danger, ploie et dépéris ! En grandissant, si nous ne nous revoyons pas, pour peu que je vive, je reviendrai en ces lieux pour savoir comment tu vas ! »
*
Il s’assit pour se reposer un instant puis se remit en marche. Une première étoile s’alluma dans le ciel, bientôt suivie de milliers d’autres. Le vent glacial du crépuscule traversait sans mal son deel déchiré. Il claquait des dents. Il aurait voulu courir pour se réchauffer, mais ses jambes tétanisées par le froid suffisaient tout juste à le porter, alors courir?
Quand il avait pris la route, il avait d’abord pensé aller voir sa mère. Mais la peur de se faire reconduire à Zaya l’en avait dissuadé. Et il ne voulait plus avoir à croiser le regard glacial de cet Itgelt, il lui devait le respect?
Gagné par le sommeil, il se mit à chercher un campement où passer la nuit. Mais qui se serait installé dans la plaine en plein hiver ? L’horizon était désespérément plat.
La peur le saisit. Il se mit à réciter les mantras de la Tara blanche et de la Tara verte. Après quelques versets pourtant, la lassitude le gagna. Il cessa.
Croyant entendre des voix derrière lui, il se retourna en sursaut. Le chariot de tête d’une caravane de chameaux se dessinait dans la pénombre. Il se posta en travers du chemin. »
Livre troisième (p. 481-482)
Livre quatrième (p. 694-695)
Extrait court
« Qui était ce garçon épuisé, marchant la goutte au nez et reniflant comme un mouton après l’averse ? Vous ne devinez pas ? C’était Bat.
Ses jambes fourbues flottaient dans des bottes trop grandes qui freinaient sa progression et lui blessaient les genoux. Pourtant, le seul fait de penser à son père le tirait en avant, lui redonnait de l’énergie pour continuer.
S’il se trouvait là, c’est qu’il était déterminé à retrouver Erdene dont il était sans nouvelles depuis que celui-ci avait gagné Ikh Khüree. Il y avait maintenant plusieurs jours qu’il avait quitté la lamaserie de Zaya.
? Ta mère m’a fait du mal. Mais, dès que je serai installé à Khüree, je te promets de venir te chercher », martelait dans sa tête la voix de son père. Non seulement Erdene n’était pas revenu, mais il n’avait pas non plus donné le moindre signe de vie. Il avait dû se passer quelque chose, quelque chose de grave peut-être.
Cloîtré à Zaya, Bat ne pouvait plus s’empêcher de penser à lui. Il en rêvait même la nuit. Et quand l’incertitude était devenue trop insupportable, il n’avait eu d’autre choix que de se lancer sur ses traces. ? Viens avec moi », avait-il proposé à Khongor. Mais son ami avait refusé :
— Je ne peux pas comme ça laisser mon père, ma mère, ma sœur, renoncer à mon héritage. Mais je t’aiderai, promis !
Joignant le geste à la parole, il avait volé pour lui au gevshee six khadag et des galettes.
Au moment de se séparer, ils étaient allés ensemble au pied du mont Bulgan, où poussaient deux cerisiers sauvages. Se remémorant un conte de leur enfance, ils en avaient choisi chacun un, et avaient prêté serment :
? Arbre que je fais mien ! Si la chance me sourit, si je mène mon chemin sans encombre, fleuris ! Mais s’il m’arrive malheur, si je cours un danger, ploie et dépéris ! En grandissant, si nous ne nous revoyons pas, pour peu que je vive, je reviendrai en ces lieux pour savoir comment tu vas ! »
*
Il s’assit pour se reposer un instant puis se remit en marche. Une première étoile s’alluma dans le ciel, bientôt suivie de milliers d’autres. Le vent glacial du crépuscule traversait sans mal son deel déchiré. Il claquait des dents. Il aurait voulu courir pour se réchauffer, mais ses jambes tétanisées par le froid suffisaient tout juste à le porter, alors courir?
Quand il avait pris la route, il avait d’abord pensé aller voir sa mère. Mais la peur de se faire reconduire à Zaya l’en avait dissuadé. Et il ne voulait plus avoir à croiser le regard glacial de cet Itgelt, il lui devait le respect?
Gagné par le sommeil, il se mit à chercher un campement où passer la nuit. Mais qui se serait installé dans la plaine en plein hiver ? L’horizon était désespérément plat.
La peur le saisit. Il se mit à réciter les mantras de la Tara blanche et de la Tara verte. Après quelques versets pourtant, la lassitude le gagna. Il cessa.
Croyant entendre des voix derrière lui, il se retourna en sursaut. Le chariot de tête d’une caravane de chameaux se dessinait dans la pénombre. Il se posta en travers du chemin. »
(p. 261-262)
Livre troisième (p. 481-482)
Livre quatrième (p. 694-695)
Extrait court