Brian, le penseur distrait :
« Where is Brian ? Brian is in the kitchen, en train de s’occuper du saucisson et du pinard? Épicure serait fier de constater qu’après trois ans à manger principalement des pâtes aux œufs crus, l’un de ses fils spirituels n’a pas perdu une miette de son amour pour le magret de canard et la terrine de cerf. Certains le disent timide, lui se définit comme introverti, et ses frères d’aventure le prétendent trop réfléchi – du moins pas assez spontané. Ceci dit, n’oublions pas que Brian est le seul de l’équipe à être monté sur la scène du casino de Dawson City pour esquisser quelques pas avec la plus jolie danseuse de french cancan ! À la télévision américaine déjà, il avait entretenu la réputation française en confiant son impatience de “rencontrer les Américaines” !
Sous la lumière vespérale et la douce chaleur mourante, je contemple posément l’immense ligne annotée Rodovia Transmazônica sur la carte. À quoi ressembleront vraiment les “zones indigènes” en pointillés rouges ? Je compte déjà les kilomètres entre les sinuosités bleues que sont les rivières, où nous nous approvisionnerons en eau. Après cinq semaines à explorer les bars de salsa des rues escarpées de La Paz et une expérience frustrante de tourisme de masse au Machu Picchu, j’ai à nouveau hâte, en cette fin de juillet 2011, d’abattre les kilomètres. Nous allons plonger dans la plus grande forêt équatoriale du monde alors que je n’ai encore jamais mis les pieds sous les tropiques ! De toute ma vie, c’est la première fois que je ressens une telle appréhension : les rares informations que j’ai pu trouver sur cette zone mentionnent que la route peut être envahie par la végétation ou inondée par les pluies équatoriales, que ce sont les braconniers qui font la loi, voire les jaguars. L’initiative me paraît démesurée, jamais je n’ai entrepris quelque chose d’aussi grand. Pour être honnête, cette étape me fait peur : je crains les serpents qui pourraient choir des arbres au bord de la piste, je me demande comment nous trouverons à manger, je suis inquiet de ne pas pouvoir trouver le moyen de traverser les cours d’eau et, enfin, je doute que nos vêtements imprégnés de DEET suffisent à nous préserver de la malaria. “Il y a des centaines de kilomètres sans rien”, nous avertit Douglas, un Américain témoignant de son expérience. “Prenez à manger pour cinq jours afin d’assurer le coup. Un soir, j’ai rencontré un jaguar. C’est vraiment l’Amazonie sur cette portion !”
Pour me rassurer, j’essaie de me projeter plus loin que les 2 500 kilomètres de jungle qui nous attendent mais me heurte à la vision de notre arrivée au Venezuela, puis en Colombie. Ces deux pays – dont les conditions de sécurité ne semblent pas être idéales non plus, quoique pour des raisons différentes – ont mauvaise réputation. Je place ma confiance en Morgan et en Siphay : je ne me l’avoue pas mais je compte sur eux pour que tout se passe pour le mieux. Et dans un coin de ma tête, je me répète : “Tu voulais de l’aventure, eh bien la voilà !” »
Morgan, le rêveur confiant (p. 27)
Siphay, l’optimiste original (p. 177)
Extrait court
« Where is Brian ? Brian is in the kitchen, en train de s’occuper du saucisson et du pinard? Épicure serait fier de constater qu’après trois ans à manger principalement des pâtes aux œufs crus, l’un de ses fils spirituels n’a pas perdu une miette de son amour pour le magret de canard et la terrine de cerf. Certains le disent timide, lui se définit comme introverti, et ses frères d’aventure le prétendent trop réfléchi – du moins pas assez spontané. Ceci dit, n’oublions pas que Brian est le seul de l’équipe à être monté sur la scène du casino de Dawson City pour esquisser quelques pas avec la plus jolie danseuse de french cancan ! À la télévision américaine déjà, il avait entretenu la réputation française en confiant son impatience de “rencontrer les Américaines” !
Sous la lumière vespérale et la douce chaleur mourante, je contemple posément l’immense ligne annotée Rodovia Transmazônica sur la carte. À quoi ressembleront vraiment les “zones indigènes” en pointillés rouges ? Je compte déjà les kilomètres entre les sinuosités bleues que sont les rivières, où nous nous approvisionnerons en eau. Après cinq semaines à explorer les bars de salsa des rues escarpées de La Paz et une expérience frustrante de tourisme de masse au Machu Picchu, j’ai à nouveau hâte, en cette fin de juillet 2011, d’abattre les kilomètres. Nous allons plonger dans la plus grande forêt équatoriale du monde alors que je n’ai encore jamais mis les pieds sous les tropiques ! De toute ma vie, c’est la première fois que je ressens une telle appréhension : les rares informations que j’ai pu trouver sur cette zone mentionnent que la route peut être envahie par la végétation ou inondée par les pluies équatoriales, que ce sont les braconniers qui font la loi, voire les jaguars. L’initiative me paraît démesurée, jamais je n’ai entrepris quelque chose d’aussi grand. Pour être honnête, cette étape me fait peur : je crains les serpents qui pourraient choir des arbres au bord de la piste, je me demande comment nous trouverons à manger, je suis inquiet de ne pas pouvoir trouver le moyen de traverser les cours d’eau et, enfin, je doute que nos vêtements imprégnés de DEET suffisent à nous préserver de la malaria. “Il y a des centaines de kilomètres sans rien”, nous avertit Douglas, un Américain témoignant de son expérience. “Prenez à manger pour cinq jours afin d’assurer le coup. Un soir, j’ai rencontré un jaguar. C’est vraiment l’Amazonie sur cette portion !”
Pour me rassurer, j’essaie de me projeter plus loin que les 2 500 kilomètres de jungle qui nous attendent mais me heurte à la vision de notre arrivée au Venezuela, puis en Colombie. Ces deux pays – dont les conditions de sécurité ne semblent pas être idéales non plus, quoique pour des raisons différentes – ont mauvaise réputation. Je place ma confiance en Morgan et en Siphay : je ne me l’avoue pas mais je compte sur eux pour que tout se passe pour le mieux. Et dans un coin de ma tête, je me répète : “Tu voulais de l’aventure, eh bien la voilà !” »
(p. 73)
Morgan, le rêveur confiant (p. 27)
Siphay, l’optimiste original (p. 177)
Extrait court