Le cimetière des fous :
« La secrétaire s’était-elle trompée ? Je parcourus encore le périmètre, conscient qu’à nouveau mon grand-père Osvaldo était en train de m’échapper. Alors avec méthode je scrutais, sur les bornes, les travées, la trace de ce nom qui refusait de s’inscrire. Ceux des hommes défilant devant moi avaient été gravés, pour la plupart, bien des années après. Je passai devant chaque rang, décortiquai les croix une à une. Qu’était-il arrivé à mon grand-père, inhumé sous cette prairie de pierres, soumis au régime sec de l’abandon ? Mon pied buta sur un bouquet de fleurs plastifiées ; une corneille s’en épouvanta, emportant, dans son envol, un pressentiment.
En sortant, j’aperçus le bleu d’un uniforme – garde champêtre ou gendarme, je ne savais les distinguer. Je demandai à cet homme si le cimetière que je venais de quitter était bien celui de l’hôpital. Il me répondit par un “affirmatif” clair et direct, et ajouta :
— Le cimetière des fous.
Cependant, comme le cimetière de la ville jouxtait l’enceinte de l’établissement, il m’invita à le suivre. Et là, dans l’espace communal, je vis que ce n’était plus pareil : les défunts reposaient en paix, entre les marques vivantes de la mémoire. Des gerbes de fleurs, du marbre blanc, gris, noir, et des mots, qui accompagnaient le souvenir. »
Un morceau d’Italie (p. 129-132)
Mon père (p. 164-168)
Halt ! Ausweis ! (p. 210-213)
« La secrétaire s’était-elle trompée ? Je parcourus encore le périmètre, conscient qu’à nouveau mon grand-père Osvaldo était en train de m’échapper. Alors avec méthode je scrutais, sur les bornes, les travées, la trace de ce nom qui refusait de s’inscrire. Ceux des hommes défilant devant moi avaient été gravés, pour la plupart, bien des années après. Je passai devant chaque rang, décortiquai les croix une à une. Qu’était-il arrivé à mon grand-père, inhumé sous cette prairie de pierres, soumis au régime sec de l’abandon ? Mon pied buta sur un bouquet de fleurs plastifiées ; une corneille s’en épouvanta, emportant, dans son envol, un pressentiment.
En sortant, j’aperçus le bleu d’un uniforme – garde champêtre ou gendarme, je ne savais les distinguer. Je demandai à cet homme si le cimetière que je venais de quitter était bien celui de l’hôpital. Il me répondit par un “affirmatif” clair et direct, et ajouta :
— Le cimetière des fous.
Cependant, comme le cimetière de la ville jouxtait l’enceinte de l’établissement, il m’invita à le suivre. Et là, dans l’espace communal, je vis que ce n’était plus pareil : les défunts reposaient en paix, entre les marques vivantes de la mémoire. Des gerbes de fleurs, du marbre blanc, gris, noir, et des mots, qui accompagnaient le souvenir. »
(p. 13)
Un morceau d’Italie (p. 129-132)
Mon père (p. 164-168)
Halt ! Ausweis ! (p. 210-213)