Lettre au bouleau :

« Vous êtes un arbre explorateur, un pionnier, un fureteur. Il y a fort longtemps, au bord d’un volcan du Kamtchatka, je jouais au botaniste des Lumières, collectant les graines de l’automne dans de petits paquets pliés selon l’art galénique, pour un ami pépiniériste-poète breton. Je ne découvris pas d’espèce nouvelle cet automne-là, certes, mais en courant sur les pentes soufflées de cendre et brûlées autrefois par la nuée ardente, je rencontrai Marie, qui, depuis, m’accompagne sur les chemins de la vie. Il ventait. La neige des fruits ailés des grands épilobes s’accrochait aux lichens, aux fougères et aux troncs noueux de votre cousin d’Orient, le bouleau d’Erman à l’écorce constellée d’étoiles. Est-ce en souvenir de cette rencontre d’amour que vous m’êtes cher ? C’est vraisemblable. Mais vous m’avez toujours parlé, cher Bouleau, depuis ma jeunesse.
Autour de la route qui longe le torrent du Vénéon, ce matin, partout vous vous imposez : dans le lit de la rivière, escaladant les ravines, sur les rives inondées. Vous explosez de douceur au printemps, de bruissements en été et de flammes à l’automne. Chaque fois que je monte à La Bérarde, je m’arrête un moment, juste avant Saint-Christophe, sur le bord du cours d’eau, et je viens vous saluer. Vous êtes ma vigueur, ma jeunesse, ma découverte. »

Lettre au chêne (p. 46-48)
Lettre au ginkgo (p. 65-68)
Lettre à l’olivier (p. 103-106)