Stanley Kubrick, Au-del? de l?image
Baptiste Roux

La vie de Stanley Kubrick bascule ? l??ge de 13?ans, quand son p?re l?initie aux ?checs et lui offre un appareil photo pour son anniversaire. L?adolescent, que passionnent imm?diatement les images, ne deviendra pas champion international mais l?un des metteurs en sc?ne les plus fameux. Photographe professionnel ? 17?ans pour le magazine Look, il y con?oit le reportage comme un micror?cit, dont le sens aigu du cadre et de la lumi?re sc?narise l?action. Le cin?ma appara?t d?s lors comme le prolongement naturel de cette initiation ? la mise en sc?ne. ? force de persuasion, le jeune prodige de 23?ans convainc un oncle de lui avancer les fonds n?cessaires ? la r?alisation de son premier long-m?trage, Fear and Desire, sur lequel il assure ?galement les fonctions de chef op?rateur et monteur. Sept ans plus tard, il dirige Spartacus, une superproduction de 13?millions de dollars, o? sa calme assurance triomphe des vicissitudes de l?entreprise. Nul d?fi n?outrepasse ses ambitions?; quand Kubrick s??prend d?une histoire au point d?y consacrer trois ans de son existence, il n?est ni censure (Lolita, Orange m?canique) ni contraintes techniques (2001, L?odyss?e de l?espace, Barry Lyndon) capables d?infl?chir sa vision de d?part. Que valent alors les sacrifices ou la mythologie forg?e sur son despotisme et sa parano?a?? Le cin?ma, valeur absolue, forme l??picentre d?une vie qui, d?s 1962, choisit de tourner le dos au syst?me hollywoodien. L?irr?ductible New-Yorkais transf?re alors ses p?nates en Angleterre, qu?il ne quitte plus jusqu?? sa mort en 1999. C?est au nord de Londres que le cr?ateur, entour? de son ?pouse et de ses deux filles v?n?r?es ? sans oublier la dizaine de chiens et chats qu?il affectionnait tout particuli?rement ? con?oit le Vietnam de Full Metal Jacket ou le New?York d?Eyes Wide Shut. Cet esprit polymathe, capable de disserter sans fin sur la philosophie de Schopenhauer, la vie de Napol?on ou les performances de l??quipe de baseball des Yankees, est sans cesse ? l?aff?t de nouveaux champs de savoirs o? son intelligence aff?t?e pourra s?aventurer, et encore mieux, se perdre. Dans sa demeure de Childwickbury, ce sont les artistes et scientifiques qu?il convie ? sa table, rarement les producteurs? Reclus mythique, m?galomane odieux, psychorigide obs?d? par la technique, Stanley Kubrick?? Les contre-v?rit?s ont forg? le mythe d?un misanthrope assoiff? de pouvoir. En r?alit?, cet homme d?vou? ne conna?t qu?une loi?: celle du travail n?cessaire pour concilier sa vision artistique et la force de l?histoire qu?il a choisi de raconter. Peu de cin?astes ont su r?fl?chir sans dogme ? la condition humaine. Cet humaniste n?a jamais cess? d?interroger la relation de l?homme avec ses d?sirs et la puissance d?vastatrice de l?imaginaire, sans jamais trancher la question de fa?on d?finitive. Son regard per?ant et sa lucidit? ne sont pas ceux d?un anatomiste glacial mais d?un sceptique qui ne manque jamais de se compter parmi les ?tres dont il expose les chim?res.