Amazonas :
« L’Amazonie est un univers. Un proverbe brésilien prétend que “Dieu a créé le monde et le diable l’Amazonie”. C’est à peu près le raccourci que nous avons en tête en nous jetant dans la gueule du fleuve mythique. Nous sommes dans les années 1970 et, à ce moment-là, les seules richesses de cette région du monde sont ses mystères, à peu près aussi épais que du temps où les premiers explorateurs se risquèrent à y pénétrer. Elle intrigue, elle fascine et effraie. Elle représente l’ultime terra incognita, le dernier Eldorado des aventuriers et des flibustiers. À la fin du XIXe siècle, l’épopée du caoutchouc lui fit miroiter une reconnaissance universelle et une expansion économique qui auraient rapidement domestiqué les éléments et les hommes. Nul doute, les richesses engendrées par le commerce du latex allaient donner naissance à un paradis au sein même de l’enfer. Illusoire prospérité et éphémère avènement de la vanité humaine. Comme le fleuve, la selva reprit sa domination hégémonique en un rien de temps, corroborant tous les mythes et sa fatalité de plus grande et de plus impitoyable forêt du monde.
Alors que venons-nous y chercher, nous qui ne sommes ni des aventuriers, ni des flibustiers ? Quelle quête inspire ce défi anachronique au milieu de notre périple si exclusivement océanique ? Les clichés et les qualificatifs qui déferlent comme une pororoca dès qu’on prononce le mot “Amazonie” ne sont pas exagérés. Ils nous font battre le cœur mais sans répondre à ces questions. Lorsque nous avons songé à un grand départ, l’Amazone s’est imposé comme un univers qu’il nous faudrait conquérir coûte que coûte. Dans nos esprits d’adolescents les appels de l’Amazonie rythmaient l’invitation au voyage. Qu’importaient les raisons de cette fascination, nous étions convaincus que la forêt et le grand fleuve fourniraient les réponses attendues. Il n’existait aucune alternative que celle de se laisser emporter par leur appel envoûtant. Sur le plan de la navigation les difficultés ne manquaient pas, mais apprendre que nul voilier de plaisance avant le nôtre n’avait risqué cette exploration nous surprit car tout le monde sait que les plus gros cargos remontent jusqu’au Pérou en empruntant le fleuve. La voile nous paraissait, une nouvelle fois, la tactique la plus appropriée pour apprivoiser graduellement et avec douceur les mystères de cette région. »
Grand-Père Atalaya (p. 48-50)
Francesca et l’œil du boto (p. 136-138)
Les petites vérités (p. 196-199)
« L’Amazonie est un univers. Un proverbe brésilien prétend que “Dieu a créé le monde et le diable l’Amazonie”. C’est à peu près le raccourci que nous avons en tête en nous jetant dans la gueule du fleuve mythique. Nous sommes dans les années 1970 et, à ce moment-là, les seules richesses de cette région du monde sont ses mystères, à peu près aussi épais que du temps où les premiers explorateurs se risquèrent à y pénétrer. Elle intrigue, elle fascine et effraie. Elle représente l’ultime terra incognita, le dernier Eldorado des aventuriers et des flibustiers. À la fin du XIXe siècle, l’épopée du caoutchouc lui fit miroiter une reconnaissance universelle et une expansion économique qui auraient rapidement domestiqué les éléments et les hommes. Nul doute, les richesses engendrées par le commerce du latex allaient donner naissance à un paradis au sein même de l’enfer. Illusoire prospérité et éphémère avènement de la vanité humaine. Comme le fleuve, la selva reprit sa domination hégémonique en un rien de temps, corroborant tous les mythes et sa fatalité de plus grande et de plus impitoyable forêt du monde.
Alors que venons-nous y chercher, nous qui ne sommes ni des aventuriers, ni des flibustiers ? Quelle quête inspire ce défi anachronique au milieu de notre périple si exclusivement océanique ? Les clichés et les qualificatifs qui déferlent comme une pororoca dès qu’on prononce le mot “Amazonie” ne sont pas exagérés. Ils nous font battre le cœur mais sans répondre à ces questions. Lorsque nous avons songé à un grand départ, l’Amazone s’est imposé comme un univers qu’il nous faudrait conquérir coûte que coûte. Dans nos esprits d’adolescents les appels de l’Amazonie rythmaient l’invitation au voyage. Qu’importaient les raisons de cette fascination, nous étions convaincus que la forêt et le grand fleuve fourniraient les réponses attendues. Il n’existait aucune alternative que celle de se laisser emporter par leur appel envoûtant. Sur le plan de la navigation les difficultés ne manquaient pas, mais apprendre que nul voilier de plaisance avant le nôtre n’avait risqué cette exploration nous surprit car tout le monde sait que les plus gros cargos remontent jusqu’au Pérou en empruntant le fleuve. La voile nous paraissait, une nouvelle fois, la tactique la plus appropriée pour apprivoiser graduellement et avec douceur les mystères de cette région. »
(p. 33-34)
Grand-Père Atalaya (p. 48-50)
Francesca et l’œil du boto (p. 136-138)
Les petites vérités (p. 196-199)