L’opium :

« Dans le village de Bar Kot, le moment est à la récolte. Elle mobilise toutes les mains des maisonnées et s’étale sur plusieurs semaines. Les appels du muezzin saluent l’aube alors que le soleil n’a pas encore paru. Seule une lueur blanchâtre annonce la chaude journée. De toute la vallée, de toute la province, de tout le pays, les voix d’Afghanistan proclament, enrouées de sommeil, qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète. La clameur devient murmure, les prières soufflées entre les lèvres. Alors les fumées s’élèvent des villages, les animaux sortent de leur torpeur, et déjà des gamins morveux jouent dans la poussière, à courir après les poules. Les premiers rayons d’or frappent les sommets blancs de l’Hindu Kush quand les paysans sont dans les champs. Ce matin se pratique l’incision des capsules. Chaque paysan tient à la main une sorte de racloir fabriqué à partir d’un morceau de bois plat sur lequel ont été collés, à la cire, des bouts de lames de rasoir disposés en râteau. En passant l’instrument sur la peau tendre des capsules de pavot, ces bouts de lames laissent une série d’entailles parallèles et peu profondes. Immédiatement apparaissent dans les incisions quelques gouttes d’une sève laiteuse et blanchâtre : l’opium. Les paysans caressent de leur racloir des centaines de capsules avec des gestes rapides, précis et délicats. Leurs vêtements, à force de frotter contre les capsules incisées, sont bariolés de traînées d’opium. »

L’héritage (p. 6-7)
L’épreuve du feu (p. 32-35)
L’aventure taliban (p. 52-55)