Collection « Visions »

« ?L?Afghanistan a fait de moi un homme?, c?est par ces mots que St?phane Allix conclut le r?cit des ann?es qu?il a pass?es dans la poussi?re des pistes afghanes depuis l?instant o? il entra dans le pays clandestinement, ? 19?ans, en suivant une escouade de moudjahidin antisovi?tiques jusqu?au jour o? il guida ses parents sur le lieu o? son fr?re avait trouv? la mort dans un accident de voiture au printemps?2001.
Entre ces deux moments, entre l?infiltration interdite du temps de la jeunesse et le p?lerinage tragique qui cl?t et d?chire le r?ve afghan, St?phane Allix va vivre treize ann?es de voyages et de reportages, treize ann?es de naissance ? lui-m?me, treize ann?es ? observer un pays aim?. Plus d?une d?cennie ? y travailler, ? en sillonner les chemins et parfois, comme il aime ? le pr?ciser lui-m?me, ? y ?tre simplement, sans rien faire, avec, ? chaque s?jour l?-bas, le sentiment ineffable qu?une parcelle de son ?tre, qu?un fragment de son ?me, provient d?Afghanistan et s?y retrouve chez soi?!
Lors de chacun de ces voyages ? de ces retours chez lui ?, St?phane Allix photographie ce qu?il voit. Sans jamais pr?tendre comprendre. Sans tenter de distinguer les bons des m?chants dans le labyrinthique Grand Jeu afghan, si ardu ? d?coder. Sans jamais plaquer un regard moralisateur sur la complexit? afghane que tant de voyageurs ? visiteurs ? l?emporte-pi?ce ? affirment avoir d?brouill?e le temps d?une travers?e ?clair. Jamais juger, seulement aimer, regarder, photographier, ?crire et d?crire en silence.
Henry Miller disait?: ?Le type qui a envie de faire sauter le monde est la contrepartie de l?imb?cile qui s?imagine qu?il peut sauver le monde. Le monde n?a besoin ni d?un destructeur ni d?un sauveur. Le monde est, nous sommes.? St?phane Allix aurait pu faire sienne cette devise?: ?L?Afghanistan est, nous sommes.?
Et c?est peut-?tre son erreur ? St?phane Allix, son p?ch? fatal que certains ne lui pardonneront pas, que de se contenter de montrer l?Afghanistan tel qu?il est, dans ses paradoxes, avec son double h?ritage de splendeur et de violence, avec sa double apparence d?apaisement et de sauvagerie et son double habit d?ombre et de lumi?re, terre de myst?re o? les minarets de l?Islam s?enracinent dans les fondations des temples bouddhiques, o? les ennemis d?hier se r?v?lent les alli?s et les fr?res d?aujourd?hui, o? les neiges ?ternelles couronnent des versants fich?s dans des d?serts de sable, o? les grelots mortif?res des pavots scandaleux caressent les murs d?une mosqu?e dans laquelle un soldat de Dieu appelle les croyants ? la puret?.
En devenant un homme dans ces parages afghans o? la r?alit? n?est pas plus solide que le l?ss mill?naire, St?phane Allix a appris que le visage des choses masque parfois leur sens vrai. Voil? pourquoi, apr?s treize ans de pistes initiatiques, il croit ? la vertu des songes, ? la puissance des r?ves, ? la valeur des intuitions, ? la force du sourire d?un bouddha mutil?, ? la vie de l??me une fois les corps broy?s et ? la sup?riorit? du regard de la fillette sur les canons des brutes.
Et voil? pourquoi il sait, en braquant l?objectif de ses appareils sur les sommets pamiris, sur les fortins pachtouns, sur les ermitages gr?co-bouddhiques, sur les sections de moudjahidin, sur les groupes de taliban aux yeux fard?s, sur les march?s, les villages et les campagnes d?Afghanistan, que ce n?est pas une photo qu?il prend mais une v?rit? qu?il rend. »