« “Les ruines elles-mêmes ont péri”, aurait proclamé César dans la ville de Troie dévastée.
Et pourtant la cité avait déjà resurgi de ses cendres, maintes fois restaurée et soufflée à nouveau par le vent capricieux de l’histoire.
Le temps ne s’efface que si on l’oublie. Peut-être cependant doit-il se dissiper un instant pour être recouvré. Surpris pour être réinventé.
Car toujours les ruines sont prêtes à renaître.
“Chercher le gué du temps.”
Un jour apparurent des hommes qui affirmaient l’avoir trouvé. Résonnant de leur savoir et jonglant avec les mots, les trouvères colportaient sur les chemins le fruit de leur trésor. Le trobar partait à l’assaut des forteresses antiques pour faire trembler les murailles. Réceptacles de l’éternité que le présent leur avait offerte dans la durée d’un instant, les troubadours s’affranchissaient de la clepsydre qui voue la quête à l’utopie.
D’autres les avaient précédés, en suivant leur étoile. Ils avaient découvert des traces enfouies dans les strates de l’oubli – reliques d’un messager appelé à percer le silence. On les appela eux aussi inventeurs, leurs découvertes inventions. In-venire : trouver en plongeant dans les profondeurs. « C’est là qu’il faut creuser. » Là où l’étoile fixa sa course dans le ciel, ils s’arrêtèrent. Et ils trouvèrent.
Creuser, libérer le temps de ses scories pour lui ménager un passage. Révéler l’instant rêvé pour donner raison au songe.
Les fortifications de l’âme comblent les ruines de la mémoire. Chaque jour, de nouvelles trompettes ébranlent les murailles d’un nouveau Jéricho ; d’autres viendront qui les relèveront.
Cheminons donc en compagnie de ces hommes qui se sont consacrés à réparer l’ouvrage malmené par le temps ; sans l’achever toutefois. Laissant toujours une brèche ouverte au lendemain.
Ces nouveaux troubadours pour notre siècle ont à leur tour choisi d’inventer leur vie. »

Éditorial par Gaële de La Brosse
Extraits d’articles
Évasions
La route du Tôkaidô