Interviews


Tahiti – Polynésie (France)
Année 2004
© Olivier Gargominy

Benoît Fontaine – Chercher la petite bête
propos recueillis par Marine de Bouillane de Lacoste

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Comment définir le métier de naturaliste aujourd’hui ?
Naturaliste, c’est d’abord une passion, rarement un métier. La plupart des naturalistes sont des amateurs (au sens noble, étymologique du terme : celui qui aime), qui ne vivent pas de cette passion. Ils sont pourtant parfois extrêmement compétents dans leur domaine, à tel point que pour certains groupes, davantage d’espèces sont découvertes et décrites par des amateurs que par des professionnels. Un naturaliste, c’est une personne qui sait lire la biodiversité. Elle contemple la nature et en retire un plaisir, mais elle va plus loin, en produisant des informations, des données qui enrichissent la connaissance scientifique. Cette compétence est mise à profit dans certains métiers : celui de taxonomiste évidemment, mais aussi ceux d’animateurs nature et de gestionnaires d’aires protégées, par exemple.

D’où vient votre intérêt particulier pour la forêt tropicale ?
C’est l’un des écosystèmes les plus complexes et les plus diversifiés de la planète : tout naturaliste normalement constitué a envie de voir de ses yeux cette nature époustouflante. C’est aussi l’un des grands réservoirs d’espèces encore inconnues pour la science, et donc un terrain privilégié pour l’exploration de la biodiversité. Et les forêts tropicales sont très variées : la forêt gabonaise, avec sa grande faune, ses arbres gigantesques, le bruit des ailes des calaos qui survolent la canopée ne ressemble pas du tout aux forêts de crêtes polynésiennes, qui sont des maquis humides baignés de brume, avec des espèces différentes sur chaque île, parfois sur chaque crête. Ce sont des mondes à découvrir. Cela étant, si la forêt tropicale me fascine, beaucoup d’autres écosystèmes m’attirent.

Avez-vous un rêve en tant que chercheur naturaliste ?
J’ai beaucoup de rêves, beaucoup d’endroits que je voudrais découvrir : les zones polaires, que je ne connais pas du tout, les déserts, les steppes d’Asie centrale, mais aussi les highlands de Papouasie, les tepuis du Venezuela ou les îles Aléoutiennes. J’aimerais aussi participer à une campagne océanographique, descendre en bathyscaphe dans les grands fonds. Il y a également des espèces que je rêve de voir de mes yeux : l’okapi des forêts de l’est du Congo, la panthère des neiges de l’Himalaya, ou les Diplommatinidae, ces escargots dont les coquilles auraient pu être inventées par Salvador Dali, et qu’on trouve notamment dans les forêts de certaines zones calcaires de Malaisie ou de Bornéo. La liste n’est évidemment pas exhaustive, et je ne réaliserai pas tous mes rêves : il y a trop de choses à voir…

Votre accessoire indispensable en voyage ?
Sans doute une paire de jumelles : où que j’aille, je les emporte. C’est une habitude ancienne, prise lorsque j’étais enfant, et que je ne voulais pas risquer de rater un oiseau intéressant. Une balade sans jumelles, surtout dans un endroit nouveau où les chants d’oiseaux ne me sont pas familiers, serait trop frustrante : j’aurais l’impression de passer à côté de trop de choses. Cela étant, depuis que j’ai découvert une autre facette de la nature, avec les petites bêtes, j’utilise un peu moins les jumelles et passe plus de temps le nez sur le sol, avec une loupe et des pinces souples.

Un auteur naturaliste à lire absolument ?
Peut-être Edward Wilson, un scientifique américain reconnu, vrai naturaliste et ardent défenseur de la nature. C’est un grand spécialiste des fourmis, mais c’est aussi lui qui a popularisé le terme de « biodiversité », et ses travaux ont permis de mesurer l’impact de la déforestation sur la disparition des espèces. Il a écrit plusieurs livres, notamment La Diversité de la vie, qui fourmillent d’anecdotes et d’exemples, et font percevoir la beauté de la vie, l’effet des activités humaines sur l’environnement, et l’importance de la réconciliation entre l’homme et la nature qui l’entoure.
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