Interviews


Sur la route de Bachi à Almaty – (Kazakhstan)
Année 2007
© Alice Plane

Alice Plane – A beau pimenter qui vient d’Orient
propos recueillis par Marc Alaux

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D’où vous viennent votre passion pour l’Asie centrale et l’idée de votre voyage ?
J’aime apprendre les langues étrangères, car c’est une excellente façon de comprendre l’autre, autant en France qu’à l’étranger. Au lycée, j’ai suivi un an de japonais pour les mangas, un an d’italien auprès d’une amie turinoise, et un an d’arabe après une randonnée sur le M’Goun, au Maroc ! Lors de mes études en sciences politiques, je me suis passionnée pour l’espace soviétique et j’ai décidé d’approfondir le russe. Une bourse d’études à l’institut Pouchkine de Moscou m’a familiarisée avec cette langue magnifique et, en flânant dans les rues, j’ai croisé des balayeurs tadjiks et des vendeurs d’épices ouzbeks ; on parlait de terroristes tchétchènes… J’ai eu envie de rencontrer la mosaïque des peuples qui formait l’Union soviétique.

Le thème de la cuisine et de l’alimentation a représenté un fil conducteur tout au long de votre voyage… À quand remonte votre inclination pour la gastronomie ?
Depuis toute petite, je n’ai mangé ni surgelés ni boîtes de conserve. Ma mère allait au marché trois fois par semaine et préparait pour nous des plats simples ou cuisinés : tomates et mozzarella en été, blanquette de veau à l’automne, risotto milanais ou endives gratinées en hiver, asperges dans une sauce à l’œuf au printemps… Le week-end, j’allais chez ma grand-mère avec qui je préparais les frites, levais les crêpes dentelles et faisais mijoter les caramels mous. Lorsque je me suis décidée à partir seule, l’idée de la cuisine a émergé naturellement comme le meilleur moyen de pénétrer dans l’intimité des foyers, de goûter le quotidien des femmes et de comprendre leurs aspirations.

À quoi ressemblerait pour vous le voyage parfait ?
Pendant mon voyage, je me félicitais d’avoir choisi l’angle culinaire et le voyage en solitaire. J’ai cependant croisé un auto-stoppeur, un couple en camping-car et une famille en carriole attelée… Il y a mille et une façons de voyager et toutes sont idéales pour ceux qui les empruntent. Pour ma part, je me porte vers les voyages lointains dans des destinations habitées, mais peu fréquentées : ils permettent une rencontre plus spontanée. J’en apprends toujours la langue, ou tout au moins les bases, car c’est une clé de compréhension essentielle. J’apprécie néanmoins le retour en France pour me rappeler qui je suis et les normes sociales qui m’ont forgée.

Vous avez plus récemment découvert le « voyage sédentaire » par le biais d’une expérience dans l’aide au développement. Pouvez-vous confronter les deux approches ?
J’aime l’idée d’un voyage à durée indéterminée, qui permet aussi le repos, voire l’installation. À Madagascar, j’ai vécu dans une splendide colocation à côté de taudis insalubres. Je suivais des cours intensifs de malgache et naviguais entre les ONG locales ou internationales, les grandes entreprises et les projets sociaux. J’avais pour but de comprendre, autant que faire se peut, l’île Rouge. Cette expérience de plusieurs mois m’a permis d’approfondir mes analyses autant que de constater mon ignorance ; elle m’a donné envie de découvrir l’Afrique par ses saveurs et par ses rythmes. En somme, je pense que le voyage sédentaire stimule le voyage itinérant, et réciproquement !

Quel livre ou quel auteur stimule en vous la passion du voyage avec le plus de force ?
Cela manque probablement d’originalité pour qui est passionné de voyages, mais c’est Nicolas Bouvier qui stimule en moi la passion du voyage et l’envie d’écrire. Au-delà des expériences vécues, il a su extraire l’essence même de la rencontre et de l’amitié pour les transformer en une véritable littérature, érudite et accessible. Parmi les romans, Le Chercheur d’or de Le Clézio m’a donné envie de découvrir l’océan Indien. Quant à Ella Maillart, ses récits m’ont permis de croire qu’il était possible, même en étant une femme, de partir seule.
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