Interviews


Magadan (Russie)
Année 2005
© Valérie François

Géraldine Bérard – Au diapason de la Sibérie
propos recueillis par Matthieu Delaunay

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D’où vous vient votre amour pour la Russie ?
J’ai grandi au milieu de livres en langues étrangères. Mes parents parlaient anglais, russe et chinois, ont vécu à l’étranger et beaucoup voyagé. Après mon bac et une année sabbatique, j’aurais pu faire du chinois, du sanscrit, du japonais, de l’hindi… Je crois que j’ai choisi le russe à cause des anecdotes racontées par mon père, dignes de romans d’espionnage, et par curiosité. À la fin de ma première année aux Langues O (que j’ai ratée), je suis partie deux mois à Saint-Pétersbourg dans une famille uniquement russophone. J’ai eu la chance d’avoir un très bon professeur qui a su me montrer la richesse et la beauté de cette langue. J’ai continué…

Comment entretenez-vous cette passion ?
Je retourne plus ou moins régulièrement en Russie, et garde contact avec les gens rencontrés là-bas. Mais en ce qui concerne la langue, l’actualité, la littérature, je ne suis pas très sérieuse : par manque de temps et par paresse aussi. Je ne suis plus focalisée sur le monde russophone. Je l’ai été pendant mes cinq années d’études et en ai conçu une sorte d’overdose. Je ne pouvais pas faire un pas sans que l’on me parle de la Russie ! Et puis, je suis trop curieuse pour me consacrer à 100 % à un seul centre d’intérêt.

Votre enquête sur les femmes de Sibérie a-t-elle changé votre regard sur la condition féminine en France ?
Je reste persuadée que nous souhaitons toutes la même chose : une vie familiale (l’amour, toujours l’amour !) et une vie professionnelle harmonieuses. La grande différence réside dans nos conditions de vie : difficultés économiques, système D, aléas climatiques, accès aux soins… Il me semble également qu’avoir un enfant en Russie, même seule, est plus répandu qu’en France : l’homme russe, bien qu’il soit largement plus galant qu’un Français, ne semble pas être un cadeau dans la vie quotidienne. Mais il y a toujours une part de la mentalité russe qui me restera inaccessible : nous évoluons dans des univers trop différents !

De ce voyage, retenez-vous un souvenir ou une personne particulièrement marquante ?
Je garde un souvenir ému de Barbara et Inokentii, de cette sensation de paix que j’ai ressentie chez eux. Comment oublier le sourire de la mère très discrète de Varia Amanatova, la gentillesse encombrante de Svetlana ? J’aurais néanmoins une pensée particulière pour Galina Onikienko qui nous a ouvert les portes de Magadan en 2005 et qui est décédée en 2008. J’aimerais bien volontiers pouvoir me téléporter de temps en temps dans la cuisine de Galina Moukhyna pour un dîner entre amies ! Finalement, il ne se passe pas une semaine sans que j’aie une pensée pour l’une ou l’autre.

Un livre ou un auteur a-t-il influencé votre manière de voyager ?
Saga moscovite de Vassili Axionov m’a donné encore plus envie d’aller à Magadan mais je n’ai pas le souvenir d’une lecture qui ait influencé ma façon de voyager. Peut-être la crainte d’être influencée par l’avis de quelqu’un d’autre ou comme si j’allais y trouver la clé d’un mystère avant l’heure. Je n’aime pas non plus regarder trop de photos d’un lieu où je vais me rendre pour que la découverte soit totale. Et j’aime lire un livre en retrouvant soit des sensations connues soit une opinion que je ne vais pas forcément partager. Par exemple, j’ai beaucoup aimé certains passages de Tour du monde d’un sceptique d’Aldous Huxley et ne partage pas pour autant tous ses propos.
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