Interviews


Château d’Arcano, Udine – Frioul (Italie)
Année 2016
© Fabiana Savorgnan Cergneu di Brazzà

Cristina Noacco – Mythique dolomie
propos recueillis par Agnès Guillemot

Archives des interviews

Les Dolomites sont méconnues en France. Quelle est leur singularité ?
Les Dolomites sont un vaste massif alpin dont neuf sites ont été nommés en 2009 patrimoine de l’humanité ; elles occupent un territoire qui regroupe trois régions et cinq provinces et qui a connu une très longue histoire : âgées de 290 millions d’années, elles racontent la formation des Alpes. Malgré la croissante anthropisation qu’elles subissent, elles demeurent un massif riche en histoire, en traditions et culture : pour peu qu’on le protège des changements les plus envahissants, ce massif peut être un véritable conservatoire des valeurs de la montagne.

Quel lien entretenez-vous personnellement avec ce territoire ?
J’ai découvert ce massif à l’âge de 20 ans et j’ai tout de suite été fascinée par ses parois verticales, ses formes imposantes et ses aiguilles effilées. Ces paysages ont été pour moi comme un hymne de la nature à la beauté, un chef-d’œuvre de la création, un témoignage de la force vitale qui a bâti les montagnes. Le rendez-vous avec les Dolomites est alors devenu un rituel incontournable de tous mes étés ; pendant plus de trente ans, j’en ai parcouru les chemins, les sommets, les pentes, et je les fréquente toujours avec la même passion qu’au commencement. J’ai voulu rassembler dans ce livre les récits de trois voyages effectués au cours de trois étés successifs. Les parcours suivis coïncident partiellement avec les Altas Vias 1, 2, 4, 5 et 9, mais ils s’en écartent parfois pour permettre d’aborder des sommets et des groupes que j’aime tout particulièrement. Chacun des trois itinéraires répond à la recherche d’un objectif particulier, la connaissance de l’histoire de la montagne, la découverte de la culture des peuples qui l’habitent et la quête du sublime.

Quelle fut la rencontre la plus marquante au cours de vos pérégrinations ?
J’ai fait de nombreuses rencontres : les plus marquantes ont été celles de randonneurs qui sont devenus pour moi des amis dévoués et fidèles. J’avais ainsi rencontré en hiver, lors d’une promenade en raquettes, une famille milanaise : j’ai par la suite partagé avec elle de beaux voyages en France et au Canada. Une autre fois, c’est un randonneur passionné d’aubes qui m’a invitée à faire partie de sa famille en me proposant d’être la marraine de son fils aîné. Il y a eu aussi une rencontre amoureuse, brève mais inoubliable.

Quelle est la place des Dolomites dans l’histoire de l’alpinisme ou dans celle des hommes en général ?
Les Dolomites occupent une place de tout premier plan dans l’histoire de l’alpinisme. Il suffit de penser que le mont Pelmo, appelé pour sa forme en vénitien « le trône de Dieu », a été la première montagne du massif à avoir été escaladée avec l’objectif d’atteindre un sommet. L’alpinisme est né ce jour-là, le 19 septembre 1857, grâce à l’Irlandais John Ball, fondateur et premier président de l’Alpine Club. Les Dolomites ont également permis à l’escalade d’évoluer, en passant de « l’art pour la nature » à « l’art pour l’art » : négligeant la conquête des cimes, cette forme d’alpinisme a conduit les alpinistes à chercher la voie parfaite sur des parois réputées infranchissables.

Que lire ou que voir d’autre pour compléter votre ouvrage ?
Les Dolomites servent de toile de fond à quelques romans de Dino Buzzati (Bàrnabo des montagnes, paru en italien en 1933 ; Le Secret du vieux bois, publié en 1935 ; Le Désert des Tartares, 1940) et aux livres que Mario Rigoni Stern a consacrés à sa terre d’origine, le haut plateau d’Asiago : Histoire de Tönle (1978) et Les Saisons de Giacomo (1995). Il y a surtout deux livres qui ont marqué l’histoire de l’exploration et de la connaissance de ces montagnes : Wanderungen in den Dolomiten (1877) de Paul Grohmann et The Dolomite Mountains (1864) de Josiah Gilbert et George Churchill. Ce dernier livre fut crucial pour l’histoire du site, car c’est le titre de cet ouvrage qui a donné son nom au massif, à partir de la roche qui le caractérise, la dolomie, laquelle tire son nom du géologue isérois Déodat de Dolomieu (1750-1801).
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