Interviews
Réserve naturelle Haard – Dudelange (Luxembourg)
Année 2021
© Matic Zorman
Robert Weis – Heureux comme un bonzaï dans un jardin zen
propos recueillis par Agnès Guillemot
Archives des interviews
Pourquoi vos pas vous ont-ils mené vers Kyôto ?
Nicolas Bouvier écrivait que Kyôto est une des dix villes au monde où il vaut la peine d’avoir vécu, et je ne peux que le rejoindre sur cette affirmation. Kyôto est un endroit spécial ; c’est une de ces villes qui, comme Saint-Pétersbourg et Istanbul peut-être, n’appartient à aucun peuple en particulier mais à l’humanité entière. Ce n’est donc pas un hasard si la ville recèle dix-sept sites du patrimoine mondial de l’Unesco. On trouve à Kyôto un genius loci, un esprit du lieu, qui émane d’une part de l’histoire spirituelle de Kyôto, celle du Japon), et d’autre part des éléments naturels : l’eau, la montagne, les jardins, qui caractérisent la ville malgré une surface moderne et parfois laide masquant le sublime.
J’y ai ainsi trouvé des endroits qui élèvent l’âme et font résonner des archétypes : jardins zen, forêts sacrées autour des sanctuaires shinto, montagnes symboles, mais également l’intimité des maisons de thé, des traditions vivantes, la beauté d’un ikebana ou d’un bonsaï, le goût amer et mystérieux du matcha. Séjourner à Kyôto est pour moi à chaque fois une forme de psychothérapie qui atteint des endroits ensevelis au plus profond de mon être, et j’en ressors transformé, et, ainsi je l’espère, plus proche de la signification d’être humain.
Comment votre esprit est-il entré en résonance avec cette cité ?
C’est une conversation silencieuse. Il me faut pour cela passer du temps seul à arpenter les rues de la ville, longer ses cours d’eau, méditer au cœur de ses jardins. M’éloigner des foules et des sites touristiques trop courus. Kyôto est une ville spirituelle, mais c’est également un endroit qui ne se révèle pas à la première rencontre. Il faut l’aborder avec patience, humilité et curiosité, et c’est alors que, peu à peu, elle vous dévoile ses mystères sans jamais ouvrir toutes ses portes. Et c’est peut-être pour cela que la conversation que j’entretiens avec cette ville ne risque pas de se tarir de sitôt : pour chaque porte qui s’ouvre à moi, j’en trouve deux fermées. L’envie d’y accéder, un jour, est le moteur le plus sûr qui entretient ma passion pour Kyôto.
Quelle place a cette ville dans le cœur des Japonais ?
Kyôto a une signification ambiguë pour les Japonais. D’un côté, ils en sont fiers, et la ville est souvent comparée au cœur du Japon, Tokyo en étant la tête et Osaka l’estomac. De l’autre, beaucoup de Japonais pensent que Kyôto est une ville austère, peu accueillante, dont les habitants sont conservateurs et réservés. À Kyôto subsistent des codes et des comportements ancestraux, surtout au sein des vieilles familles kyôtoïtes, et il peut être difficile, même pour un Japonais, d’accéder à certains cercles.
Poètes, écrivains et voyageurs, nombreux sont ceux à avoir arpenter Kyôto. Quelle source littéraire a votre préférence ?
Voyager sur les pas de ceux qui vous ont précédé, c’est ajouter une dimension métaphysique au voyage. J’ai toujours aimé lire les récits d’autres auteurs avant de partir en voyage pour mieux les relire une fois rentré chez moi. Concernant les auteurs japonais, je citerais Mishima Yukio et son magistral Pavillon d’or, ainsi que Kawabata Yasunari avec Kyôto. L’auteur anglophone qui a peut-être le mieux saisi la ville est pour moi Pico Iyer avec The Lady and the Monk, Four Seasons in Kyôto. Et pour les francophones, il s’agit sans nul doute de Nicolas Bouvier, et plus récemment de la traductrice et écrivain Corinne Atlan et l’auteur de romans policiers Sébastien Raizer. Une autre source d’inspiration constante est pour moi le magazine Kyôto Journal, fondé en 1986 par John Einarsen et Ken Rodgers, qui donne voix aux nombreux poètes, écrivains, photographes et autres artistes qui fréquentent la ville de nos jours.
Nicolas Bouvier écrivait que Kyôto est une des dix villes au monde où il vaut la peine d’avoir vécu, et je ne peux que le rejoindre sur cette affirmation. Kyôto est un endroit spécial ; c’est une de ces villes qui, comme Saint-Pétersbourg et Istanbul peut-être, n’appartient à aucun peuple en particulier mais à l’humanité entière. Ce n’est donc pas un hasard si la ville recèle dix-sept sites du patrimoine mondial de l’Unesco. On trouve à Kyôto un genius loci, un esprit du lieu, qui émane d’une part de l’histoire spirituelle de Kyôto, celle du Japon), et d’autre part des éléments naturels : l’eau, la montagne, les jardins, qui caractérisent la ville malgré une surface moderne et parfois laide masquant le sublime.
J’y ai ainsi trouvé des endroits qui élèvent l’âme et font résonner des archétypes : jardins zen, forêts sacrées autour des sanctuaires shinto, montagnes symboles, mais également l’intimité des maisons de thé, des traditions vivantes, la beauté d’un ikebana ou d’un bonsaï, le goût amer et mystérieux du matcha. Séjourner à Kyôto est pour moi à chaque fois une forme de psychothérapie qui atteint des endroits ensevelis au plus profond de mon être, et j’en ressors transformé, et, ainsi je l’espère, plus proche de la signification d’être humain.
Comment votre esprit est-il entré en résonance avec cette cité ?
C’est une conversation silencieuse. Il me faut pour cela passer du temps seul à arpenter les rues de la ville, longer ses cours d’eau, méditer au cœur de ses jardins. M’éloigner des foules et des sites touristiques trop courus. Kyôto est une ville spirituelle, mais c’est également un endroit qui ne se révèle pas à la première rencontre. Il faut l’aborder avec patience, humilité et curiosité, et c’est alors que, peu à peu, elle vous dévoile ses mystères sans jamais ouvrir toutes ses portes. Et c’est peut-être pour cela que la conversation que j’entretiens avec cette ville ne risque pas de se tarir de sitôt : pour chaque porte qui s’ouvre à moi, j’en trouve deux fermées. L’envie d’y accéder, un jour, est le moteur le plus sûr qui entretient ma passion pour Kyôto.
Quelle place a cette ville dans le cœur des Japonais ?
Kyôto a une signification ambiguë pour les Japonais. D’un côté, ils en sont fiers, et la ville est souvent comparée au cœur du Japon, Tokyo en étant la tête et Osaka l’estomac. De l’autre, beaucoup de Japonais pensent que Kyôto est une ville austère, peu accueillante, dont les habitants sont conservateurs et réservés. À Kyôto subsistent des codes et des comportements ancestraux, surtout au sein des vieilles familles kyôtoïtes, et il peut être difficile, même pour un Japonais, d’accéder à certains cercles.
Poètes, écrivains et voyageurs, nombreux sont ceux à avoir arpenter Kyôto. Quelle source littéraire a votre préférence ?
Voyager sur les pas de ceux qui vous ont précédé, c’est ajouter une dimension métaphysique au voyage. J’ai toujours aimé lire les récits d’autres auteurs avant de partir en voyage pour mieux les relire une fois rentré chez moi. Concernant les auteurs japonais, je citerais Mishima Yukio et son magistral Pavillon d’or, ainsi que Kawabata Yasunari avec Kyôto. L’auteur anglophone qui a peut-être le mieux saisi la ville est pour moi Pico Iyer avec The Lady and the Monk, Four Seasons in Kyôto. Et pour les francophones, il s’agit sans nul doute de Nicolas Bouvier, et plus récemment de la traductrice et écrivain Corinne Atlan et l’auteur de romans policiers Sébastien Raizer. Une autre source d’inspiration constante est pour moi le magazine Kyôto Journal, fondé en 1986 par John Einarsen et Ken Rodgers, qui donne voix aux nombreux poètes, écrivains, photographes et autres artistes qui fréquentent la ville de nos jours.