Marcheurs du Grand Nord
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Au XVIIIe siècle, l’explorateur anglais Samuel Hearne entreprend de traverser les Barren Grounds canadiens, depuis la baie d’Hudson jusqu’aux rives de l’océan Glacial Arctique. Pour le compte de cette fameuse compagnie, il vise à reconnaître le passage du Nord-Ouest et la présence éventuelle de gisements de cuivre. Son odyssée, qui dura trois ans de 1769 à 1772, dut son succès à la qualité de ses guides chippewyans conduits par leur chef Matonabbee.
L’expédition « Marcheurs du Grand Nord » s’inspire librement du récit de voyage de Hearne : Yann Couillard et Céline Espardellier, sous la conduite de Pascal Hémon, partent de Yellowknife, la capitale des territoires du Nord-Ouest, et font route vers le golfe du Couronnement, en bordure de l’océan Arctique. Leur progression à la limite de la forêt subboréale, la fameuse « ligne des arbres », est le fil rouge de leur expédition et fait écho aux lectures du journal de voyage de Hearne.
En parcourant la route ancestrale qui part du Grand Lac des Esclaves, l’expédition rencontre des chasseurs dènès, qui possèdent une connaissance intime du territoire et apportent leurs conseils avisés sur la route à suivre. Les Marcheurs découvrent un enchevêtrement de lacs et de rivières pris dans les glaces hivernales. Les bivouacs, parfois une halte dans une cabane, leur apportent repos et réconfort. Puis la piste des chasseurs se perd et l’expédition doit trouver sa trace dans la taïga jusqu’au Grand Lac de l’Ours. Ce lac immense, isolé au nord du continent, fut un lieu d’échange traditionnel entre les deux communautés dènès et inuit pour y pêcher et chasser le caribou. Le but de l’expédition est le même que celui de Samuel Hearne : les Bloody Falls. Ces rapides de la rivière Coppermine non loin du village inuit de Kugluktuk sont restés célèbres par le récit sanglant qu’en laissa Samuel Hearne : ses guides chipewyans y auraient perpétré le massacre d’un groupe d’Inuit. L’expédition, enfin arrivée à son terme à l’embouchure de la rivière Coppermine, découvre la petite communauté inuit de Kugluktuk face à la banquise de l’océan Glacial Arctique.
Pascal Hémon, chef de l’expédition, et sa compagne Dominique Simonneau sont des « drogués du Nord », pour reprendre les mots de Paul-Émile Victor. Ils ont déjà à leur actif de nombreuses navigations arctiques pour elle, et de raids polaires pour lui, lorsque ce dernier découvre le récit de Samuel Hearne et décide de partir sur ses traces. Avec une exigence : rester fidèle à l’esprit de l’explorateur, trouver les chemins de passage ancestraux, rencontrer ceux qui connaissent intimement ce territoire, les Amérindiens dènès de la taïga et les Inuinnait de la toundra arctique.
L’expédition va parcourir les 800 derniers kilomètres de l’itinéraire de Samuel Hearne à ski, en raquette ou à pied sur la glace vive, en traînant de lourdes pulkas, ces traîneaux cousins des toboggans amérindiens. Loin de rechercher l’exploit, Pascal organise cette expédition pourtant engagée en donnant la priorité à la compréhension des territoires traversés, en allant à la rencontre des peuples qui vivent de part et d’autre de la « ligne des arbres », frontière naturelle entre la taïga et la toundra. Dominique met toute son énergie et sa passion à approfondir le récit de Samuel Hearne, à débroussailler la complexité des premières nations amérindiennes de la famille athapascane, à approcher les particularismes des Inuinnait au sein du peuple inuit. La récompense sera au rendez-vous, avec la découverte d’un territoire aussi magique qu’exigeant, et des rencontres riches d’enseignements et d’émotions. Au long de leur lente itinérance de quarante-trois jours au cœur des Barren Grounds, les voyageurs se laissent envahir par les bruits de la forêt, le hurlement des loups, la fuite des hardes de caribous. Chasseurs de la taïga et de l’Arctique, aînés respectés des communautés, conducteurs téméraires de la route de glace, jeunes de l’Arctic College, géographe francophone, archéologue des territoires du Nord-Ouest, écoliers de la banquise, couturières inuit… forment une galerie de portraits qui reste gravée dans le souvenir des Marcheurs.
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Livre des intervenantes en rapport avec cette conférence :
Marcheurs du Grand Nord, 800Â km dans les traces de Samuel Hearne (Diagonale Groenland, 2011)
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