La vie dans nos campagnes : des paysans prennent la plume
par Denis Loquet, Armelle Pelcat & Emmanuel Pinchon
En partenariat avec l’association Plumes des champs
Devient-on paysan ou le naît-on, et que cela signifie-t-il en 2007 ? « Les paysans sont sans cesse au travail et c’est un mot qu’ils n’utilisent jamais », écrivait Anton Tchekhov dans Calepin. Peut-on aujourd’hui encore imaginer les Fils de la campagne comme ne reculant jamais devant la besogne ? Et doit-on encore employer le mot « paysan » pour désigner ceux qui vivent hors des villes et s’occupent des travaux des champs. Car, à l’heure où la culture de la terre et l’élevage emploient plus d’un million de personnes en France, on n’entend plus parler de paysans mais d’agriculteurs ou de fermiers.
Certains géographes disent que les terroirs s’estompent au profit de réseaux commerciaux. Le paysannat, qui constituait jadis l’identité de la société française, disparaîtrait-il ou évoluerait-il en un secteur professionnel quelconque ? Qu’est-il advenu de l’instinct paysan dont parlait Frédéric Pottecher, et qui lui faisait dire que c’est « un don qui permet à ceux qui le possèdent de percevoir les obscures machinations de la nature » ? Ne serait-il pas remplacé par la « solidarité paysanne » que des syndicats européens revendiquent pour les autres paysans du monde ? Un peu partout sur Terre, le nombre de paysans s’accroît. En France, c’est l’inverse : la fermeture des fermettes laisse de l’espace aux grandes exploitations, qui s’adaptent ainsi aux évolutions du marché et résistent à la concurrence étrangère.
Mais les paysans sont bien là . Ils restent les détenteurs de savoir-faire ruraux : le lien privilégié avec une bête, le rapport au troupeau, ce qu’un sens singulier du regard et du toucher décèle dans l’avancée d’une naissance, l’intonation d’une voix qui soudain fait autorité, l’observation impliquée qui donne la mesure de la progression des cultures, une pensée abstraite lorsqu’il s’agit de prévoir, de planifier, d’organiser et d’intervenir au bon moment, que ce soit pour une fécondation ou pour lutter contre un parasite.
En 2005 dans l’Eure, des éleveurs et des cultivateurs désireux de s’exprimer créent, avec le soutien de la Chambre d’agriculture, un atelier d’écriture et fondent l’association Plumes des champs. Ses membres se réunissent une fois par mois pour échanger, écrire mais aussi s’informer et se soutenir mutuellement. Ils ont à cœur de témoigner du travail d’agriculteur, de la vie quotidienne à la campagne ainsi que des passions, rêves et frustrations de chacun. Dans les textes qu’ils rédigent sous la direction de Philippe Chenot, ils évoquent l’originalité de leur parcours, le passage des saisons, le travail des champs ou auprès des animaux ou encore leurs interrogations quant à l’avenir et à la refonte de la Politique agricole commune. Pour compléter leur travail, la photographe Sophie Zénon entreprend de passer vingt-quatre heures avec chacun d’eux pour les saisir dans toutes leurs activités quotidiennes. Trois des membres de Plumes des champs, installés dans le Lieuvin, Denis Loquet, éleveur de vaches laitières prim’holstein, Armelle Pelcat, qui assure la traite et la gestion administrative de la ferme qu’elle exploite avec son mari à Saint-Vincent-du-Boulay, et Emmanuel Pinchon qui cultive blé, colza, lin, maïs, pois et betteraves, et élève des vaches laitières normandes à Boissy-Lamberville, livrent leur expérience du métier et évoquent leur amour de la terre, tandis que d’autres membres de l’association lisent leurs textes.
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des intervenants en rapport avec cette conférence :
Plumes des champs, Itinéraires paysans en Normandie
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