Une actrice française à  Pékin ou les coulisses de la Chine
par Élizabeth Guyon
Au début du XXe siècle, le cinéma chinois naît et se développe à Shanghai : dans sa gestuelle et ses mélodies, on devine encore l’influence de l’opéra chinois. Par suite de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre civile, qui s’achève en 1949, une grande partie des artistes quitte la Chine continentale pour Taiwan et Hong-Kong. Le cinéma chinois, toujours perçu de façon globale par les Occidentaux, connaît alors une histoire très différente selon son lieu de production. Le cinéma de Hong-Kong, très commercial et populaire, est le premier à avoir connu le succès à l’étranger, notamment dans les années 1970 avec Bruce Lee et ses films d’arts martiaux. Le cinéma de Taiwan, lui, obtient de nombreux prix en Europe, comme Hou Hsiao-hsien qui, avec La Cité des douleurs est Lion d’or à Venise en 1989. Enfin, le cinéma de la Chine populaire connaît d’importants bouleversements à mesure que le pays s’ouvre.
Dès 1949, les films comme la chanson ou la télévision deviennent un outil de propagande pour l’État. À la fin des années 1980, des cinéastes, qu’on dit de la « 5e génération », connaissent un important succès, que ce soit Zhang Yimou avec notamment Le Sorgho rouge en 1987, Épouses et concubines en 1991 et La Cité interdite en 2007, ou bien Chen Kaige avec Adieu ma concubine en 1993 et L’Empereur et l’Assassin en 2001, ou enfin Wu Ji avec La Légende des cavaliers du vent en 2006. Ces deux derniers réalisateurs font des films à très gros budget.
Après les événements de Tian an men en 1989, des cinéastes, dits de la « 6e génération », tournent dans la clandestinité, caméra à l’épaule, des films qui ressemblent à des documentaires et obtiennent des prix importants en Europe, que ce soit à Venise ou à Cannes. Bien accueillis par la critique occidentale, ces films restent inconnus des Chinois. Il en va ainsi de Beijing Bicycle de Wang Xiaoshuai, de Platform ou Still life de Jia Zhangke, de Suzhou River de Lou Ye, ou du Mariage de Tuya de Wang Quan’an. La critique occidentale en vient à accuser les réalisateurs de la « 5e génération » de compromission avec les autorités chinoises, aussi Zhang Yimou refuse-t-il même d’envoyer l’un de ses films à Cannes en 2000.
À partir de Tigres et dragons, en 1999, un nouveau cinéma chinois international naît. Ang Lee, son réalisateur, est de Taiwan ; ses acteurs principaux viennent de Hong-Kong, de République populaire ou de Taiwan.
Comme le cinéma, la chanson chinoise moderne est née dans le Shanghai des années 1930 où le jazz s’était également développé. Les grandes stars de l’époque sont à la fois actrices et chanteuses. Après 1949, la chanson devient aussi un organe de propagande. Avec la disparition de Mao Zedong en 1976, la politique devient moins « radicale » et une certaine ouverture commencée sous Deng Xiaoping permet aux premiers groupes rock – comme Heibao, Tang Dynasty et Cui Jian – de voir le jour. À Hong-Kong et Taiwan, des stars de la chanson, qui font aussi du cinéma, apparaissent dans les années 1960. Faye Wong, l’une des plus grandes chanteuses de Hong-Kong depuis les années 1990, vient de Chine populaire et s’est adaptée au marché en chantant en cantonais. De plus, Faye Wong (alias Wang Fei) est l’épouse de Dou Wei, l’ancien meneur de Heibao. Faye Wong a ainsi su devenir une icône à Hong-Kong, à Taiwan et en Chine populaire ! À présent, tous les styles musicaux qui existent en Occident se sont développés en Chine. Les chanteurs sont bien moins révoltés qu’il y a quelques années. La qualité des clips s’est considérablement améliorée, mais ceux-ci restent « écrémés ». Aujourd’hui, les chanteurs chinois n’hésitent pas à enregistrer des chansons entièrement en anglais, comme Cao Fang avec So cool, et remportent un grand succès. Toutefois, en dépit des apparences, la télévision, les studios cinématographiques et les salles de concert appartiennent exclusivement à l’État, tout comme les maisons d’édition et la presse. Et excepté les films internationaux à gros budgets, le cinéma et les feuilletons sont produits par des organismes d’État. Peu d’argent y est investi et une partie minime contribue réellement à la production. Pour la plupart des acteurs et des chanteurs chinois connus, la vie est rude en termes de conditions de travail, de cachets ou de logement. Au milieu des chansons patriotiques, des chanteurs, acteurs ou réalisateurs militaires et des artistes « dans le vent » qui passent à la soirée télévisée du nouvel an chinois, sur CCTV1, se faire une place demeure ardu…
Au début de l’année 1997, invitée par CCTV, la télévision nationale chinoise, la jeune sinophone Élizabeth Guyon s’envole pour Pékin où elle participe à sa première émission de variétés. Là -bas, repérée par un metteur en scène, elle joue un rôle dans un feuilleton en version originale et s’installe sur place, louant une chambre dans le modeste appartement de banlieue d’une Pékinoise et de sa fille. Les médias s’intéressent subitement à cette Française blonde aux yeux bleus qui parle couramment leur langue. Elle enchaîne alors les tournages de séries télévisées aux multiples épisodes, où elle tient des rôles de premier plan. Ils lui permettent de pénétrer les coulisses du pays. Ce faisant, elle continue d’écrire les paroles de chansons qu’elle offre aux chanteurs de pop chinoise. Son titre « Xiaorong », dont l’interprétation par Li Jie est devenue célèbre, reste plusieurs semaines en tête du palmarès et obtient le prix de la deuxième meilleure chanson de l’année 1998. Au cinéma, Élizabeth Guyon tient le premier rôle féminin dans le film Chaodao, qui obtient le prix national Huabiao en 1998. La même année, elle devient présentatrice de l’émission « Arts Views » sur la chaîne CCTV 1. Elle apparaît régulièrement dans des émissions de variétés où elle interprète ses propres chansons et parfois des morceaux populaires chinois sur les chaînes télévisées du pays (Sichuan TV, Zhejiang TV, BTV Pékin, Shenzhen TV, Tianjin TV…). On la voit également sur Channel V, la chaîne musicale. Dans un studio d’enregistrement, elle rencontre Tao Qi, musicien célèbre et compositeur décrit comme le « Jean-Michel Jarre chinois », qui deviendra son compagnon. Jusqu’en l’an 2000, Élizabeth Qi-Guyon a ainsi pu visiter les coulisses du show business chinois.
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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Petite-Fleur
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