Le Bangladesh, berceau du microcrédit
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Le microcrĂ©dit est nĂ© au Bangladesh Ă la fin des annĂ©es 1970 avec pour objectif dâ€aider les plus dĂ©munis Ă sortir de la misĂšre. Dâ€aprĂšs les chiffres de son dernier sommet mondial, Ă Halifax en novembre 2006, ses bĂ©nĂ©ficiaires sont passĂ©s de 7 millions en 1998 Ă 110 millions.
En 1979, le Bangladais Muhammad Yunus, alors professeur dâ€Ă©conomie, crĂ©e la Grameen Bank, destinĂ©e aux nĂ©cessiteux qui veulent entreprendre. Les prĂȘts sont minimes, de lâ€ordre de deux euros, mais ils suffisent Ă dĂ©marrer un petit commerce. Au Bangladesh, deux euros permettent dâ€acheter une poule et un coq ; toute une richesse ! GrĂące Ă ce couple de volatiles, on ouvre boutique et, avec le fruit de la vente des Ć“ufs, il est possible de rembourser, peu Ă peu, le crĂ©dit de dĂ©part et de rĂ©aliser, de surcroĂźt, un petit bĂ©nĂ©fice. Le microcrĂ©dit est un systĂšme dans lequel tout le monde gagne : la banque gagne de lâ€argent grĂące aux intĂ©rĂȘts et lâ€emprunteur trouve enfin les moyens de lancer un commerce qui a toutes les chances de prospĂ©rer. Aussi qualifie-t-on Muhammad Yunus de « capitaliste philanthrope » !
Avec vingt-cinq annĂ©es dâ€exercice, la Grameen Bank dĂ©tient un taux record de remboursement : 97 %. Lâ€idĂ©e quâ€il faut faire confiance aux pauvres et que ces derniers remboursent aussi bien, voire mieux, que les riches a toujours Ă©tĂ© le cheval de bataille de Muhammad Yunus. Il sâ€est longtemps battu pour la faire accepter : le prix Nobel de la paix quâ€il a reçu en octobre 2006, conjointement avec la Grameen Bank, rĂ©compense autant lâ€idĂ©e du microcrĂ©dit quâ€il a su mettre en place dans son pays que la conviction et la tĂ©nacitĂ© dont il a fait preuve. La Grameen Bank nâ€a pas pour seule particularitĂ© dâ€ĂȘtre « la banque des pauvres » ; pour bĂ©nĂ©ficier dâ€un microprĂȘt, il faut respecter certains principes : suivre les rĂšgles Ă©lĂ©mentaires dâ€hygiĂšne, ĂȘtre sensible au planning familial, envoyer ses enfants Ă lâ€Ă©cole, privilĂ©gier la santĂ© de la famille, etc. Au fil du temps, les femmes sâ€y sont montrĂ©es plus assidues, aussi le microcrĂ©dit les concerne-t-il Ă quelque 95 %.
Autrefois jugĂ©e farfelue, lâ€histoire de la Grameen Bank est aujourdâ€hui mondialement reconnue. Pour preuve : ses mĂ©thodes sont exportĂ©es dans plus de cinquante pays. Une question demeure cependant : le microcrĂ©dit suffira-t-il Ă supprimer la pauvretĂ© de notre planĂšte ?
Olga Prudâ€homme Farges, historienne de formation, sâ€est rendue pour la premiĂšre fois au Bangladesh en 1992, dans le cadre dâ€une campagne de fouilles archĂ©ologiques du CNRS. Elle y est retournĂ©e deux hivers consĂ©cutifs, pour poursuivre lâ€Ă©tude dâ€un grand site remontant au IIIe siĂšcle avant J.-C. et habitĂ© de maniĂšre continue sur plus dâ€un millĂ©naire. En dĂ©pit de lâ€isolement du lieu, Ă six heures de bateau de Dacca, la capitale, la jeune archĂ©ologue a Ă©tĂ© surprise de constater Ă quel point les campagnes du Bangladesh Ă©taient, Ă travers leurs femmes, actives dans le cadre des programmes de planning familial et, dâ€une maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, de lutte contre la pauvretĂ©. De lâ€histoire ancienne, Olga Prudâ€homme est ainsi passĂ©e Ă la gĂ©ographie contemporaine. En lâ€an 2000, ayant eu connaissance des expĂ©riences de microcrĂ©dit menĂ©es par le professeur Mohammad Yunus de la Grameen Bank, elle entreprend un film sur la remise, Ă une villageoise du nom de Halima, dâ€un tĂ©lĂ©phone portable. Sept ans plus tard, la rĂ©alisatrice est retournĂ©e voir comment Halima, les siens et sa communautĂ© villageoise avait vaincu lâ€isolement par le biais de cette expĂ©rience, comment les producteurs de riz, directement reliĂ©s aux nĂ©gociants de la ville par le tĂ©lĂ©phone de Halima et de ses concurrents locaux dĂ©sormais, avaient pu davantage profiter du fruit de leur labeur. Ă€ partir de cette expĂ©rience, il est possible de prendre conscience du dĂ©veloppement, assorti de confiance en soi, que 12 millions dâ€emprunteurs sur les 140 millions de Bangladais doivent Ă la Grameen Bank. Le Bangladesh, pauvre pays accablĂ© de maux naturels – famine, inondations, pauvretĂ© –, a dĂ©veloppĂ© un modĂšle Ă son honneur, le microcrĂ©dit, qui fonctionne et sâ€exporte.
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