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Quatre ans seul du cap Nord au détroit de Béring
par
le jeudi 8 mars 2007 à 20 heures 30


Gilles Elkaim est l’auteur d’une épopée. Il est parti seul et par ses propres moyens à la découverte d’un des plus grands espaces sauvages de la planète, le littoral arctique sibérien. Il a effectué en quatre ans la plus longue et difficile traversée de l’Eurasie que l’on puisse imaginer : 12 000 km en kayak, à ski et en traîneau à chiens, depuis le cap Nord, en Norvège, jusqu’au détroit de Béring, à l’extrémité orientale de la Russie.
Tout au long de cette odyssée transcontinentale, Gilles Elkaim n’a eu de cesse de s’adapter pour survivre aux conditions du Grand Nord, en s’initiant aux gestes traditionnels des autochtones. Il a partagé des moments d’exception avec ses chiens ainsi qu’avec les rares hommes qu’il croisa sous ces hautes latitudes : chasseurs russes, trappeurs nénetses, renniculteurs dolganes, pêcheurs tchouktches…
L’esprit des récits de Jack London n’est pas loin du voyage de cet aventurier en quête d’absolu. Solitude et pudeur, défi et grandeur font du discours de Gilles Elkaim une fresque du Grand Nord autant qu’un document unique sur la Sibérie postsoviétique.
Parti de Laksev, près du cap Nord, en Norvège, il longe en kayak les côtes de la mer de Barents avant de traverser la péninsule de Kola en suivant la rivière éponyme pour déboucher dans la mer Blanche et rejoindre Mezen. Gilles Elkaim poursuit à skis, profite de son hivernage dans un campement nenetse de la péninsule de Kanin pour apprendre à conduire un traîneau à rennes, moyen de locomotion avec lequel il reprend la route en janvier 2001. Mais la mort par épuisement du renne de tête met l’expédition en péril. Gilles Elkaim chausse alors ses skis, tirant son matériel chargé dans une pulka. Il atteint finalement Vorkuta en traîneau à chiens, rencontrant les Nenetses et les Nganassanes et appréciant le retour du soleil après deux mois de nuit polaire. Les chiens sibériens s’imposent comme compagnons de voyage. En mai, pour franchir les contreforts septentrionaux de l’Oural et passer en Asie, le voyageur se fait accompagner de quatre d’entre eux équipés de sacoches qui contiennent une partie de l’équipement. La ville de Salekhard, sur les rives de l’Ob, est atteinte. En descendant le fleuve en kayak puis en franchissant son embouchure marécageuse, Gilles Elkaim est assailli par des myriades de moustiques et affronte les vents dominants du nord-est. Pendant l’hiver 2001-2002, il parcourt à ski et en traîneau à chiens 3 400 km chez les Evenks et les Youkaghirs, à travers les péninsules de Guidamsk et de Taïmyr ainsi que la Yakoutie. Les Youkaghirs sont les authentiques aborigènes de Sibérie orientale. À l’arrivée des cosaques au XVIIe siècle, ils occupaient un immense territoire, qui s’étendait de l’embouchure de la Lena au golfe d’Anadyr. Les quinze clans d’alors sont aujourd’hui réduits à trois, qui rassemblent 1 100 individus, dont seulement 350 parlent encore leur langue. Hormis le froid extrême, la plus grande difficulté de l’étape youkaghire est le franchissement de longues distances sans ravitaillement. Il faut donc toutes leurs forces aux treize chiens pour tirer le traîneau qui atteint alors sa charge maximale de 600 kg.
Malgré l’arrivée du printemps, les températures oscillent entre –30 et –40 °C. La population locale rencontrée dans la toundra est constituée de Yakoutes sédentaires, chasseurs de rennes sauvages en hiver et pêcheurs le reste de l’année. Gilles Elkaim profite ensuite de l’été 2002 pour rallier Tchersky et Pivek en kayak, malgré les vents permanents et les glaces dérivantes sur la mer de Laptev. Il est aidé dans son entreprise par des Évènes.
La dernière étape, jusqu’à Ouelen en territoire tchouktche et yuit, s’effectue en traîneau à chiens. Le musher, qui a depuis longtemps troqué ses combinaisons en Gore-Tex pour des moufles en peau de renard polaire et des habits en peau de renne, conduit son équipage sur la banquise au péril des ours blancs. Les Tchouktches, qui comptent environ 15 000 individus, occupent la majeure partie de la Tchoukotka et constituent même un isolat actif en Yakoutie, sur le territoire de l’actuelle Kolyma. Ils se divisent en un groupe littoral, chasseurs de mammifères marins, et un groupe continental qui vit de l’élevage du renne et de la pêche en eau douce. Les derniers 1 500 km ne devaient être qu’une formalité, ils furent les plus difficiles. L’hostilité de la Tchoukotka étant aggravée par les blizzards. Enfin, en juin 2003, au terme d’une randonnée polaire de 12 000 km, Gilles Elkaim dépose son barda sur le rivage de la mer de Béring et adopte un rythme autre que le sien, celui paisible, presque immémorial, des chasseurs de phoques de Tchoukotka.


Né en 1960, Gilles Elkaim se passionne pour les sports en nature, le ski, la spéléologie, l’alpinisme. Après une première expérience de deux mois de marche en Islande à l’été 1983, ce physicien de formation décide, en 1984, d’intégrer pendant un an une communauté inuit de la côte ouest du Groenland. Il y apprend la langue groenlandaise, l’usage des chiens de traîneau, la chasse au phoque sur la banquise… De 1985 à 1987, il enseigne à l’université de Sydney, en Australie, puis s’accorde plusieurs mois pour marcher en Papouasie-Nouvelle-Guinée et faire l’ascension des 4 510 mètres du mont Wilhelm, puis traverser la Nouvelle-Zélande à pied et à vélo. Il voyage aussi de la sorte sur 6 000 kilomètres, en 1988, dans la région de l’Annapurna au Népal et la plaine indo-gangétique. Le voyageur solitaire retourne l’année suivante au Groenland, pour pagayer durant l’été 1990. Puis il pédale 6 000 kilomètres de Saint-Malo à Niamey, au Niger, d’où il repart pour une méharée de 1 200 kilomètres jusqu’au Burkina. De 1992 à 1997, il séjourne six fois en Sibérie et trois fois en Mongolie. En 1998, il enfourche à nouveau un vélo pour 4 000 kilomètres au Canada à travers le Labrador, le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick.
Réalisées sur fond d’engagement sportif et mental extrême, ses expéditions inscrivent un questionnement sur la place de l’homme dans la nature et fédèrent des valeurs de découverte et de partage. Familier de la Sibérie, Gilles Elkaim se passionne pour tout ce qui tourne autour des pôles. Il réside aujourd’hui en Laponie finlandaise, où il dirige un camp d’initiation à l’aventure polaire et un élevage de chiens de traîneau unique au monde, destiné à la préservation de races primitives sibériennes en voie d’extinction. Il collabore en outre aux agences de presse Sipa et Gamma. Il est réalisateur de films documentaires et l’auteur de plusieurs livres dont Arktika (Robert Laffont, 2005), qui a reçu la Toison d’or du livre d’aventure 2005, le prix René Caillié 2006 ainsi que la médaille d’or de la Société de géographie.




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Livre de l’intervenante en rapport avec cette conférence :
Arktika, Quatre ans d’odyssĂ©e sur la banquise


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