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La traversée de l’Inde à pied
par Amandine Chapuis & Éric Chapuis
le jeudi 21 janvier 2010 à 20 heures 30


Que signifie être indien ? Cette question n’est pas anodine quand on sait qu’elle concerne un sixième de la population mondiale. Qu’est-ce qui réunit un chrétien tamoul (habitant du Tamil Nadu) ayant sa propre langue, un musulman parlant le gujarati, un hindou rajput et un berger gadi de l’Himachal Pradesh ? Comment trouver l’unité dans une telle diversité religieuse, ethnique et linguistique – l’Inde compte dix-huit langues officielles et vingt-deux mille dialectes ?
Les interrogations et les contradictions foisonnent à propos de ce pays qui affiche un taux de croissance annuelle de 8 % mais dont 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les subtilités sont tout aussi nombreuses : ainsi, Lakshmi, déesse hindoue de la Richesse, réconcilie spiritualisme et matérialisme. Il n’est donc pas aisé de s’y retrouver. En particulier dans l’agitation frénétique de villes démesurées, telle Mumbay. Avec quelque 19 millions d’habitants, dont la moitié vit dans des abris de fortune, cette capitale commerciale et culturelle continue d’accueillir des milliers d’Indiens en provenance du reste du pays, à l’image des bus qui se remplissent sans jamais connaître de limite. Cosmopolite, Mumbay est à l’image du pays. Malgré ce que veut faire croire le parti extrémiste hindou Shiv Sena, en distinguant les occupants originels mahrates des « étrangers » indiens.
Et si l’Inde tenait sa cohérence de la géographie ? Coincée entre la haute chaîne himalayenne au nord, l’océan Indien et la mer d’Oman au sud, le pays tient en réalité son nom de l’Indus, fleuve autour duquel s’est organisé un premier peuplement deux mille cinq cents ans avant notre ère mais qui coule au Pakistan depuis la Partition qui a suivi le retrait des Britanniques en 1947. Les heurts qui agitent depuis un demi-siècle les communautés hindoue et musulmane de l’Inde ne peuvent cependant remettre en cause la longue tradition de pluralisme et de sécularisme du pays. Terre fascinante qui a vu naître l’hindouisme, le bouddhisme et le sikhisme, l’Inde a aussi hébergé des religions venues d’ailleurs – judaïsme, christianisme, islam et zoroastrisme. Sa société contemporaine à la pointe de la technologie a su conserver son attachement aux valeurs humaines et mystiques. Ainsi, l’accueil des cultes, autant que le culte de l’accueil, sont des ingrédients que l’on retrouve à travers l’Inde, du sud au nord.


Jeunes mariés, Amandine et Éric Chapuis s’offrent un voyage de noces d’un an, pour vivre pleinement leur engagement sans confort ni artifice. Pour cela, ils choisissent l’Inde, qu’ils souhaitent traverser pas à pas, de part en part, du sud au nord. Mais le sens de leur marche, ils le trouvent dans les rencontres, le long du chemin. De simples sourires en plus longues confidences échangées le temps d’un thé, d’un repas ou d’une nuit, ils pénètrent au cœur de l’Inde. Dans toute sa diversité. La route les conduit aussi bien chez le propriétaire d’une vaste exploitation de thé que dans le modeste logis d’ouvriers agricoles, dans un hameau d’intouchables cerné de dunes, auprès de femmes prisonnières de la tradition, chez un jeune couple libéré ou encore à l’abri d’une mission chrétienne, d’un campement de réfugiés tibétains, ou d’un village où hindous et musulmans vivent en paix malgré les tensions qui agitent les villes voisines.
Il faut huit mois de marche à Amandine et Éric Chapuis pour traverser les plaines du Tamil Nadu, gravir les Ghâts occidentaux du Kerala, longer la côte du Karnataka jusqu’à Goa, avant qu’ils ne s’enfoncent dans les terres du Maharastra, contournent la conurbation de Mumbai, poursuivent dans le Gujarat, puis sur les terres arides du Rajasthan, et ne retrouvent enfin les rizières du Punjab pour finir par l’ascension de cols à 5 000 mètres d’altitude dans l’Himachal Pradesh. C’est là, après avoir flirté avec les cieux, qu’ils s’arrêtent. De peur que leur aventure humaine se transforme en défi sportif ou en lutte contre la nature, l’Himalaya et sa mousson.
N’ont-ils pas déjà trouvé ce qu’ils étaient venus chercher ? Ces 4 400 kilomètres à pied leur ont offert plus de rencontres que leur jeune vie ne leur en avait proposé jusqu’alors. Cette marche leur a permis de mettre des visages derrière une population, souvent présentée d’un seul bloc, pourtant aussi diverse que nombreuse ! Ils ont aussi rencontré une multitude de divinités, observé la ferveur et la sagesse tout comme le scepticisme et la déraison, et, surtout, ils ont développé une foi en la nature humaine.





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Livre des intervenants en rapport avec cette conférence :
Au cœur de l’Inde, 4 400 kilomètres à pied du Kerala à l’Himalaya


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