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Entrepreneurs sociaux : le printemps des bonzaïs
par &
le jeudi 22 octobre 2009 à 20 heures 30


La multiplication des désastres écologiques, la pression croissante d’un marché instable et la montée des injustices sociales sont au centre du débat public. Face à cela, développement durable, microcrédit, commerce équitable apparaissent comme autant de remèdes prometteurs aux problèmes structurels de l’économie mondiale. Ces concepts concernent aussi bien les pays en voie de développement que les pays riches, les seconds prenant conscience de la responsabilité qui leur incombe et du rôle qu’ils peuvent jouer vis-à-vis des premiers. Dans cette optique, la pratique du microcrédit vise à faciliter l’attribution de prêts de faible montant à de petits entrepreneurs ou à des artisans qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires classiques. Développé par le Bangladais Mohammad Yunus qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2006 pour son action via la Grameen Bank, le système du microcrédit s’est étendu aux pays en développement, dans lesquels il permet de concrétiser des microprojets, le plus souvent à l’échelon local. Mais il se pratique aussi dans les pays développés ou en transition. En 2005, décrétée année internationale du microcrédit par les Nations unies, on estimait à 500 millions le nombre de ses bénéficiaires, majoritairement des femmes, sur 3 milliards de pauvres dans le monde. La microfinance touche des secteurs très divers (agriculture, artisanat, financement de la protection sociale) et a un impact bénéfique sur le développement local. En cela, et bien qu’elle n’empêche pas les programmes humanitaires, elle complète le commerce équitable et le développement durable.
Le commerce équitable constitue en effet une autre forme d’aide des pays développés à l’égard de ceux en voie de développement. Les citoyens des pays riches sont de plus en plus attentifs aux conditions de production et de commercialisation des biens, qu’ils souhaitent acquérir en connaissance de cause. C’est un commerce social qui vise à établir un rapport d’échanges justes et respectueux des droits de l’homme. Les structures internationales du commerce équitable, parmi lesquelles l’association FLO (Fairtrade Labelling Organizations), et l’IFAT (International Federation for Alternative Trade) ont défini le label de « commerce équitable ». Une juste rémunération, l’interdiction du travail des enfants et du travail forcé, la garantie de la santé et de la sécurité au travail, l’égalité entre les sexes et la non-discrimination en sont les principaux critères. La réussite de ce partenariat entre consommateurs et producteurs équitables, originaires principalement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine en fait l’un des secteurs les plus dynamiques d’Europe. Depuis les années 1970, les citoyens, de plus en plus sensibles à leur environnement et à l’avenir de la planète, ont pris conscience de leur devoir d’assurer la pérennité des ressources naturelles pour les générations futures, mais aussi du droit dont dispose chaque être humain aux ressources de la Terre, dans un souci d’intérêt public élargi au niveau mondial. Parallèlement, ils constatent que les diverses politiques économiques du XXe siècle n’ont pas comblé les inégalités de développement. Le développement durable est ainsi entré rapidement dans les considérations des États, puis dans les stratégies des entreprises industrielles et des acteurs du secteur tertiaire. Les notions de partage, de responsabilité et de principe de précaution, qui prévalent dans l’idée de développement durable, reviennent largement dans le débat et font écho aux idéaux du commerce équitable et de la microfinance. En somme, cette triple réponse vise à concilier les trois dimensions de la crise économique, sociale et écologique. Développement durable, commerce équitable et microcrédit donnent à leur manière la part belle à l’initiative individuelle pour garantir l’intérêt général et assurer le développement de toute l’humanité.


Léa Domenach et Arnold Montgault ont commencé à s’intéresser à l’entrepreneuriat social à la suite de différents voyages à l’étranger. La première entend parler, à Hanoi, d’un projet de structure, reposant sur le modèle de l’hôpital indien Aravind, qui opère gratuitement les patients atteints de cataracte tout en étant rentable. Le second revient d’un voyage au Cameroun particulièrement ému par l’optimisme teinté de réalisme et par la volonté d’entreprendre des vendeurs de rue, qui sont les premiers à pâtir de l’immobilisme et de la corruption de leur gouvernement. Les concepts de commerce équitable et de microcrédit reviennent alors dans la tête des deux jeunes journalistes, amis de longue date, et, mettant en commun leurs expériences, ils commencent à se documenter sur le sujet.
Au fil de leurs recherches, ils découvrent les entreprises piliers de l’économie sociale et solidaire et sont de plus en plus curieux des initiatives dans ce domaine. Leur enquête engendre naturellement des interrogations : les solutions proposées par les entrepreneurs sociaux sont-elles efficaces partout ? Quelles sont leurs limites éventuelles ? La démarche des acteurs est-elle toujours honnête ?
Les deux journalistes ont ainsi pénétré les arcanes du monde de l’entrepreneuriat social et se sont donné pour objectif d’enquêter sur des entrepreneurs sociaux agissant chacun dans une branche économique spécifique : la santé, le commerce et la finance, et dont l’action encore peu connue se trouve à un tournant de son existence. À l’heure de la mondialisation, ils désirent se concentrer sur des projets français, dont les initiatives dépassent les frontières, afin de comprendre la place de la France dans cette nouvelle économie et de démonter l’idée d’un pays à la traîne. Leur choix s’arrête en définitive sur trois entrepreneurs sociaux au profil atypique. Marie-Noëlle Besançon a fondé une structure psychiatrique comme alternative à l’hôpital psychiatrique pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Jérôme Schatzman est le patron de Tudo Bom ?, une marque de vêtements équitable. Et Grégoire Heaulme a monté au Cambodge un réseau d’instituts de microfinance appelé Chamrœun. Présents aux quatre coins de la planète, ils tentent de mettre en pratique la conception qu’ils ont de leur métier. Tous acceptent la loi du marché, mais tentent d’en corriger les effets néfastes, en défendant une économie réelle où l’homme est au cœur des préoccupations. De Paris à Petropolis en passant par Rio, du Paraguay à Phnom-Penh en passant par São Paulo pour terminer en Franche-Comté, la caméra se fait le témoin des succès et des difficultés des entrepreneurs, et montre qu’un avenir plus harmonieux est possible pourvu qu’il écarte cynisme et inconscience.
Après plus d’un an d’investigation et la réalisation de leur documentaire, d’un site Internet et d’un blog, les deux journalistes témoignent que se déroule sous nos yeux « un printemps des bonzaïs », selon l’expression employée par Mohammad Yunus, fondateur du microcrédit, pour qui les pauvres sont des bonzaïs, qui ont le même potentiel que les riches mais qu’on empêche de grandir. En effet une nouvelle ère s’annonce où chacun pourra libérer ses branches et se développer durablement, afin de construire le monde futur. Avec leur film, Léa Domenach et Arnold Montgault ont souhaité apporter leur modeste pierre à l’édifice et montrer qu’il appartient à chacun de se sentir concerné et de s’investir. Bien plus qu’un état des lieux, ce documentaire reste une interrogation sur la viabilité d’un système économique alternatif où le respect de l’homme et de son environnement est l’objectif principal et le profit, une simple contrainte.







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